Ces missiles d'allégresse, Anna Jouy
Avec une reproduction de Rouge de Zèbre, collage de Cathy Garcia. Edition à tirage limité et numéroté – 45 pages - 15 €
Ecrivain(s): Anna Jouy Edition: Atlantique
Et la femme fut… Et la femme fuit, de toute part, comme une passoire, et s’enfuit en flaques,
comme un étang pris entre deux écluses
comme une flaque
en rivières,
batik de soupirs teinture de lapements assurant les rivières
incrusté du venin d’ecchymoses
aspire tantôt au puits,
je cherche le noir profond des cuves le noir du puits et le blanc de la mémoire
tantôt à l’océan,
Tête basse collée contre mon souffle j’ouvre les passages secrets pour que l’ailleurs m’inonde. Ses mots radeaux ses bouées légères. J’y bois j’y pense : l’océan l’océan…
Et la femme fut… Funambule, elle marche sur le fil de la lame, inspirée, emportée dans son propre vertige, ciel et chute, elle enfle, elle gémit, elle crisse, elle grince.
Plutôt que d’évoquer l’écriture d’Anna Jouy, il faudrait parler de sa langue. Cette langue amoureuse qui chante, envoûtante, qui claque, qui appelle, cherche la peau, cherche à toucher, cherche la langue de l’Autre,
je te bois te suce papille contre papille ma langue dans ton vin
l’Autre, le mâle et sa male mort, pour enrober de salive et dissoudre ce bonbon amer, la lancinante solitude,
je te bois solitaire muette les yeux cousus d’épigrammes
La solitude comme un jardin de couvent, de fleurs et d’épines.
Dans le déambulatoire je passe je passe à l’endroit à l envers
Toutes laines à la lune
Et la femme fume, comme l’eau jetée sur le feu… Vapeur, désir.
Infusion de sueurs sur les toiles du lit
Toujours ce fleuve qui embrasse sa source
(…)
Et la femme toute entière dans son désir de fusion, fustige la mort qui emporte le vif amant.
Qu’est-il arrivé au feu pour qu’il brûle ta peau et te foute en jachères de vivre
(…)
Je t’ai perdu comme une trace dans une eau de fortune
Perdu comme un doigt dessinant l’océan
Et le noir qui se noie sans cesse dans le noir
Et la douceur tangue avec la douleur, et la langue se tord, en chant de souffrance appelant la sentence
Je veux entortiller ma langue la nouer d’épicentre la tirer au fusil comme un oiseau nié de migration
Et la femme fut… Futile, elle aimerait, mais la nacre des ongles
Je les aiguise lames d’émeri contre corne de poudre pour l’affûtage du futile. De quoi est-ce que je pitonne mon parcours de vie ? Ongleries et nacres.
et l’ombre de la dentelle, ne peuvent taire le trou, le manque, et la terre devient baume
Terre. Je m’allonge me glisse au sol et tente des épousailles d’herbe. (…) Mise à terre qui me rend si aérienne et qui arrose mon ventre d’un azur chaud déleste mes membres de leurs comités d’entreprise subtilise mes « marche ou crève ».
La terre accueille et l’eau coule, en bain,
cette tiédeur d’huiles et des transparences de moire
en larmes,
la journée tient sur le crin d’un archet. Et je bascule entre joue et salières…
en rivière,
entre baies et comètes, l’obscur des rivières
coule entre les seins,
la soif dégouline entre mes seins la gorge rigole. Une rivière sue.
se fait feu entre les cuisses
l’intérieur de moi immense large comme ces bras ouverts profond comme l’antre d’un volcan empli de ces sueurs de ces odeurs magiciennes
et l’eau et la terre, forment la boue de la langue pour lancer ces missiles d’allégresse, ce cri engouffré, noyé de silence. L’eau…
Elle finira bien par m’ensabler quelque part sur une anse de bras
Dans ce recueil intense, se concentre toute la splendeur d’une femme débordante de suc, qui marche vers son zénith.
J’ai l’espace d’aimer comme un arbre en hiver. Ma peau devient si douce qu’elle ouvre tous les sens. (…) Je vais vers l’âge à tâtons de bonheur. On pourrait même m’en aimer.
Cathy Garcia
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