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Ce qui t’appartient, Garth Greenwell (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx 18.01.19 dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman, USA

Ce qui t’appartient, octobre 2018, trad. anglais Clélia Laventure, 256 pages, 21 €

Ecrivain(s): Garth Greenwell Edition: Rivages

Ce qui t’appartient, Garth Greenwell (par Philippe Leuckx)

 

Ce premier roman de Garth Greenwell (Louisville, Kentucky, 19 mars 1978), paru en 2016 (What Belongs to You, Farrar, Strauss & Giroux), est une extraordinaire plongée dans les émotions d’un professeur américain, exilé à Sofia, travaillant à l’American College : parents désaccordés, liens difficiles avec le père découvrant son homosexualité, passé familial chargé (du côté paternel : grand-mère, génitrice d’enfants de pères différents).

La rencontre amoureuse, sensuelle de Mitko B., jeune Bulgare d’un peu plus de vingt ans, ouvre dans la vie du professeur de nouvelles brèches, heureuses ou épuisantes. L’errance des sentiments relaie alors la propre errance de l’Américain, longeant les « blokove » déshumanisés (achélèmes en béton, longilignes, couverts de graffitis). Et un jour les hôpitaux s’invitent pour brouiller cet amour.

En trois parties, MitkoUn tombeauVérole, le roman déroule la gravité par paliers, menant le lecteur par une empathie sensible. Le narrateur, ce professeur si subtil à se décrire et à décrire les autres, nous conduit à l’inexorable : le délitement des liens, l’absence, la maladie, les retours de flammes vains, la mélancolie sûre, celle qui ne s’oublie jamais et fait écrire.

Le livre, en s’acheminant vers son terme, prend le train : c’est en compagnie de la mère du narrateur et d’un enfant qui s’ennuie avec sa grand-mère. L’occasion de découvrir des sites tristes, des villes, après Varna et Sofia, des campagnes oubliées, hors du temps.

Le professeur (un peu à l’image de celui de Zurlini, un peu à l’instar du film de Van Sant, Finding Forrester, où un écrivain du Bronx recueille un jeune Noir et l’initie à l’écriture) forcément décline de nouvelles expériences, qui lui rappellent ce passé lourd où la famille ne fut guère un recours.

Qu’un premier roman soit aussi dense, profond, à l’atmosphère à la fois suggérée et naturaliste, au rythme étonnamment pesé (trois parties qui s’éclairent mutuellement), au style très précis, très maîtrisé, est un miracle d’aisance. Rien de forcé, rien de faux, rien d’artificiel : la géographie sentimentale relaie la topographie bulgare, avec ses rues vides, ses blocs à la soviétique, ses chaleurs, ses lieux glauques.

On retient de la fin, terrible, ces deux personnages : Mitko, déchu, et celui, sans nom – puisque imprononçable en bulgare – auquel il a toujours recouru, son seul ami, dans un monde hostile, celui qui voudrait le sauver en lui laissant quelques leva, cette monnaie, de quoi prendre le bus pour rentrer à Varna voir sa mère.

Les relations familiales, les liens étroits entre mère et fils, entre ces mères aimantes et des fils parfois si mal aimants, éclairent la beauté sombre de ce roman, vraiment unique par le ton de mélancolique beauté qu’il dégage. L’écriture en est très juste, entre naturalisme et poésie atmosphérique.

Un très grand livre.

 

Philippe Leuckx

 


  • Vu : 1996

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A propos de l'écrivain

Garth Greenwell

 

Garth Greenwell, né en 1978, est un auteur américain, dont nous lisons ici le premier roman, paru en 2016.

 

A propos du rédacteur

Philippe Leuckx

 

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Philippe Leuckx est un écrivain et critique belge né à Havay (Hainaut) le 22 décembre 1955.

 

Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature française, italienne, portugaise, japonaise

Genres : romans, poésie, essai

Editeurs : La Table Ronde, Gallimard, Actes sud, Albin Michel, Seuil, Cherche midi, ...