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Carpe diem de Robert Frost traduit par Didier Ayres

16.01.23 dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

Carpe diem de Robert Frost traduit par Didier Ayres

 

Carpe diem

La vieillesse vit deux enfants silencieux

passer, le cœur épris, au crépuscule.

Elle ignorait s’ils rentraient à la maison

ou sortaient du village

ou (comme les vêpres carillonnaient) s’ils se dirigeaient vers l’église.

Elle attendit (ils ne la connaissaient pas)

qu’ils fussent trop loin pour l’entendre

pour leur souhaiter, à tous deux, d’être heureux :

« Soyez heureux, heureux, heureux

et cueillez cet aujourd’hui avec plaisir ».

C’est la même antienne que la Vieillesse ne cesse de chanter.

C’est la Vieillesse qui imposa aux poèmes

ce fardeau de la cueillette des roses

pour les avertir du danger

que les amants dépassés,

par le bonheur submergés, le possèdent

et cependant ignorent qu’ils le possèdent.

Mais enjoindre à la vie de cueillir ce moment ?

Elle vit moins dans le présent

que dans le futur toujours

et moins dans l’un et l’autre

que dans le passé. Le présent

excède les sens

trop encombrant, trop déroutant :

trop présent pour donner prise à l’imagination.

°°°

Age saw two quiet children
Go loving by at twilight,
He knew not whether homeward,
Or outward from the village,
Or (chimes were ringing) churchward,
He waited, (they were strangers)
Till they were out of hearing
To bid them both be happy.
"Be happy, happy, happy,
And seize the day of pleasure."
The age-long theme is Age's.
'Twas Age imposed on poems
Their gather-roses burden
To warn against the danger
That overtaken lovers
From being overflooded
With happiness should have it.
And yet not know they have it.
But bid life seize the present?
It lives less in the present
Than in the future always,
And less in both together
Than in the past. The present
Is too much for the senses,
Too crowding, too confusing-
Too present to imagine.

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