Carnets d’un fou-XXXVIII - Mars 2016, par Michel Host
« Art bourgeois, s’écrie M. Albert Gleizes (1) et il définit la bourgeoisie : “l’expression d’une certaine tendance humaine à jouir bestialement des réalités matérielles” », Benjamin Fondane (2)
# La citation d’Albert Gleizes, relayée par Benjamin Fondane, m’enchante. La bestiale jouissance est bien au cœur du bourgeois, et son matérialisme se masque de délicatesses d’habillage : lui-même, son épouse et ses filles apprennent à martyriser les pianos, visitent les expositions de peinture, vont au concert, dirigent des émissions culturelles sur la chaîne Arte, écrivent des livres sur l’art… L’alibi est parfait. Notre classe dirigeante, socialiste ou non, s’encombre encore parfois de ces alibis mystificateurs, mais de moins en moins, car plutôt fainéante et occupée d’argent.
# Moi. J’ai une culture, mais peu d’érudition. Culture ? Montée ici de bric et de broc, là de manière plus méthodique. Érudition ? Je fais ce que je peux. Je manque de patience et ne m’applique à la minutie qu’à de rares moments. M’essaie à la meilleure exactitude cependant, et à l’exercice de la raison.
Le 9/III/16
# Affaires du moment
§ Le président de la république est hué et insulté lors de sa visite au Salon de l’agriculture, à la Porte de Versailles. Hué ? Soit. C’est une sorte de vote spontané et sonore des agriculteurs saisis dans les pinces de la ruine, du suicide, de la rapacité des centrales d’achat, des règlements européens et de leur imprévoyance. Insulté ? Nous sommes au-delà de la nasarde et du brocard. C’est autre chose : l’irrespect absolu pour l’homme et sa fonction ? Personne ne me demandant si j’approuve ou non, je déclare ma désapprobation.
Ce président n’est pas pour rien dans ce qu’il lui arrive : aucune de ses vingt promesses électorales ne s’est réalisée. Il règne par la parole inconsistante, changeante, en son palais élyséen où beaucoup le voient s’envoler par-dessus les toits, ballon lâché par une main d’enfant que les vents contraires ballotent de toutes parts. La fin de ce règne n’est que farce et déception.
§ Des études concernant la biodiversité animale (Kuala Lumpur, en Malaisie, Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, Angl. IPBES) lancent l’alerte au sujet de la réduction plus qu’inquiétante des insectes et oiseaux pollinisateurs de la planète, avec des chutes de population supérieures à 30%. J’en conclus que dans les années à venir notre nourriture, imbibée de pesticides divers de plus en plus concentrés, provoquera des cancers et autres maladies mortelles par millions dans les populations qui y auront accès. Et que seuls les gens argentés, les bourgeois en somme, parviendront à s’offrir des aliments issus d’une agriculture biologique, rare et préservée. Les Serfs et leurs maîtres ! Le serpent, après quelques siècles de « progrès », se mord la queue (Cf. Le M. Dimanche 28-Lundi 29 février 2016).
# Kamel Daoud, ou « Un os dans la chorba »
« L’autodafé est inversé : c’est un livre (interprété selon Daech) qui brûle le monde ».
« Voiler les femmes et tuer des caricaturistes ou faire exploser des mausolées est un seul et même geste ».
« Rire est une insolence, une rébellion. C’est là la profession du diable, pas du croyant ».
« Le but ultime est de vider le monde du monde ».
« Un écrivain français a écrit que le malheur laisse parfois dans l’âme un grand désert où retentit la voix de Dieu. Le djihadiste procède dans l’ordre : il étend le malheur pour étendre le désert. Ainsi, il croit entendre la voix de Dieu ».
Kamel Daoud, Extraits de Dessiner en tuant, Le Point, 19 mars 2015
§ Résumé des épisodes précédents
&… A la Saint-Sylvestre, en divers lieux de l’Europe du Nord et d’Allemagne, devant la gare de Cologne notamment, des individus dont le type est généralement décrit comme maghrébin s’en prennent avec violence (attouchements et viols), et en réunion, à des femmes autochtones qui n’avaient guère songé à revêtir la longue robe musulmane ou l’armure de Jeanne d’Arc ! Les faits (rapportés par Le M du 20/I/16 : « La Nuit des Chasseurs » : témoignages de jeunes femmes agressées) ne surprennent que ceux qui n’ont prêté aucune attention à ce qui arriva aux femmes du Caire, en ville et sur la place Tahrir, en 2011, lors des illusoires Printemps arabes : très exactement les mêmes assauts et déchaînements ! Les autorités allemandes, qui accueillent le Moyen-Orient et l’Afrique à bras ouverts, nient d’abord les faits, puis les minimisent, et enfin les avouent à ce peuple qu’accablent ses vieilles culpabilités et qui, dans un retournement brutal, menace de passer de l’accueil enthousiaste au rejet pur et simple. L’Europe cultivée, policée, se scandalise à juste titre. Kamel Daoud, homme cultivé, policé, né en Algérie, romancier et journaliste sur qui déjà pèse une fatwa, avec les quelques musulmans éclairés d’Europe et du Maghreb, s’émeut grandement de tels événements, au point d’en faire le récit et l’analyse dans Le M du 5/II/16.
&… L’analyse de Kamel Daoud. Sous le titre Cologne, lieu de fantasmes, l’écrivain rend d’abord compte des événements. Pour lui, le « réfugié » (événements de Syrie, de Lybie, etc.) est au cœur de l’affaire, il est saisi dans « un piège culturel que résume surtout son rapport à Dieu et à la femme » « … il faut convaincre [son] âme de changer ». Il est l’Autre, qui « vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir » « Le rapport à la femme, fondamental pour la modernité de l’Occident, lui restera parfois incompréhensible pendant longtemps lorsqu’on parle de l’homme lambda ». Cette pathologie me paraît donc évidente et clairement diagnostiquée, notamment dans ce qu’elle est un effet de « culture » et s’adresse d’abord à la femme.
La femme ? K. Daoud va plus loin, il fait entrer en scène l’« islamiste » et produit son « explication » de la pathologie : La femme ne s’appartient pas. Son corps ne lui appartient pas. « Elle est enjeu, mais sans elle ; sacralité, mais sans respect de sa personne ; honneur pour tous, sauf le sien ; désir de tous, mais sans désir à elle. […] Passage de la vie qui lui interdit sa vie à elle ». Jusque-là, je suis et approuve la démarche de Daoud car les faits ne la contredisent pas. Puis je peine à la suivre dans son explication fondamentale : l’islamiste, le croyant fanatique par conséquent, hait la femme et les femmes parce qu’il désire rejoindre au plus vite le Paradis d’Allah (un paradis « proche du bordel » par ailleurs), ses délices et récompenses : la vie lui est donc un encombrant fardeau, elle retarde la réalisation de son vœu le plus cher, mourir. Anéantir la vie en lui (et bientôt, on le voit aujourd’hui, autour de lui). La femme lui oppose l’obstacle et la tentation de la sexualité. Il ambitionne le sexe et l’orgasme dans l’au-delà, se trouvant bien malheureux et frustré d’avoir à se soumettre au sexe dans et avec la femme d’ici-bas, sexe pourtant fascinant (qui l’épouvante)* d’un côté et le subjugue de l’autre. Je comprends et accepte cette « explication » par la religion après la culture, mais la logique mentale m’en échappe. Je la trouve extravagante, hors raison élémentaire, bien que je sache que le cerveau humain ne campe pas continuellement sur les territoires de la raison. Mes Carnets d’un Fou XXXVI (janvier) et XXXVII (février) témoignent de mes premiers étonnements. Que Kamel Daoud me pardonne.
* Fascinum : charme, maléfice (Dict. Gaffiot).
&… Dix-neuf universitaires connus d’eux-mêmes (historiens, sociologues, anthropologues…) décident de prendre l’écrivain à revers. C’est dans Le M (12/II/16) un article intitulé : « Les fantasmes de Kamel Daoud ». En première salve, déconsidération de l’adversaire (« cet humaniste autoproclamé »), arrêté au XIXe siècle, disciple de Renan et de Gustave Le Bon – selon la méthode trotskyste bien connue. Puis, deuxième salve, ils lui reprochent d’alimenter les fantasmes islamophobes du public européen par une dangereuse « approche culturaliste »… Ma question : les responsables des tueries parisiennes de novembre dernier et des agressions de Cologne étaient-ils bouddhistes ? zoroastriens ? mormons ? Et votre réquisitoire brouillon, mesdames et messieurs, met en cause une vision « a-sociologique qui crée un espace inexistant »… Comprenne qui pourra. Autre reproche : c’est de l’« essentialisme » ! – sous terre, Platon, Spinoza, Hegel et Sartre n’en dorment plus ! –, et aussi une intolérable « psychologisation » des violences sexuelles et de leurs responsables. Daoud prétend éduquer, « changer l’âme » de ces malades de la femme et du sexe… C’est là, dites-vous, « imposer » des valeurs occidentales héritées du paternalisme colonial ! Un « discours antihumaniste ». N’en jetez plus, la cour est pleine ! Mes questions : mesdames de l’université et du savoir absolu, si l’on vous viole une nuit dans un parking, trouverez-vous humaniste ce « discours » du corps violeur qui forcera votre corps ? Psychologisation affreuse, dites-vous : n’y a-t-il pas que deux solutions pour réformer le violeur : le travail de l’esprit par une réforme psychologique – éduquer… changer l’âme… – ou alors, plus radicale, la castration ? Ou voyez-vous notre écrivain méditer quelques « projets gravissimes » (vos propres mots) comme par exemple de rendre à l’islam une vision plus humaine, en effet, de la femme et du sexe ? Je me suis demandé lesquel(le)s d’entre vous avaient pris la peine de lire ce que le Prophète dit des femmes dans son saint Coran ! Certes, tous les violeurs ne nous viennent pas de l’islam, mais en ce 31 décembre 2015 ce fut le cas. Que K. Daoud les voie appartenant à « une irréductible altérité » me démontre, à moi esprit simpliste, qu’ils ont en eux-mêmes conservé de la sauvagerie primitive, et qu’à l’inverse, K. Daoud avec de plus en plus d’autres musulmans éclairés, s’est enrichi de courants de pensée nés dans une société qui fut paternaliste, colonialiste et raciste sans aucun doute, mais qui s’efforce ne plus l’être. C’est bien, quoi que vous en ayez, l’opposition d’« un monde de la soumission et de l’aliénation à celui de la libération et de l’éducation ». Cette société, encore imparfaite, abrite dans ses universités vos aveuglements, vos dénis de réalité, votre idéologie de l’intolérance radicale, votre inaptitude à disputer sans insulter, votre propension à diaboliser votre interlocuteur dès qu’il discute vos certitudes. L’écrivain, que vous clouez au pilori de votre préjugé,ne racialise pas les violences sexuelles, comme vous le pensez, mais les relie à leurs sources religieuses. Mesdames, Messieurs, vos attaques tous azimuts ne sont que coups d’épée dans l’eau trouble de vos dogmes, confuse instruction exclusivement à charge, pré-fatwa qui ne dit pas son nom, bavardage nul et non avenu.
&… Michel Guerrin, dans le M. du 27/II/16, condamne lui aussi les condamnateurs de Daoud, et d’abord parce qu’ils refusent le débat : « Le retrait de Daoud est une défaite. Pas la sienne. Celle du débat ». Et : « Comment, par exemple, ne pas voir avec Daoud que la religion a fait disparaître la mixité de l’espace public du monde arabe et que cela pose problème quand l’homme arabe se retrouve dans un espace public mixte européen ? » Il cite encore le cas de Hughes Lagrange, sociologue, qui dans Le Déni des cultures, en 2010, fut vilipendé pour avoir, entre autres analyses, affirmé que « le mal d’intégration des jeunes des cités n’était pas seulement lié à des raisons économiques, mais culturelles (familles, religion, valeur) ». Il s’agit donc d’une même « cabale du politiquement correct ».
Daoud : « Cela suppose que l’on puisse critiquer les autres cultures ».
Lagrange : « Le contrôle de soi s’apprend, il n’est pas naturel » (le 9/III).
&… Ce lundi 14/III, assisté à une conférence portant sur « L’Ineffable » et le « mysticisme » en terrain non religieux, voire en milieu athée ou agnostique (notre ami Jean-Claude Bologne était des conférenciers, il nous parla de l’expérience mystique « sauvage » et des différents niveaux de ce silence ouvrant à l’ineffable). Séance étrange. C’était dans l’amphithéâtre du 5 rue de l’École de médecine, aux solides boiseries totalement ennemies de l’acoustique minimale. Deux dames ouvrirent la séance : voix inaudibles, elles se tenaient au plus loin des micros, lesquels dataient de l’époque de Bergson, voire de Louis XV. Les autres conférenciers firent de leur mieux. Le public entendit un mot sur deux. L’un (Laurent Lafforgue) nous parla de mathématiques quantiques et du génial mathématicien et poète Alexandre Grothendieck (auteur de La Clé des songes et d’une géométrie régénérée dans l’algèbre). Un musulman très accommodant (Hocine Benkheira) nous entretint du « Soufisme et la loi », dont l’objet est la quête de « la Vérité » ! Selon moi, le soufisme est fait pour durer ! Il a pour fondement cette sagesse : « Compte sur Dieu ». Là encore, je fus assailli d’interrogations hétérodoxes ou même sacrilèges. Une image passa au sujet de la beauté des formes du monde créé comme manifestation divine. En exemple : le paysage, la femme ! Je songeai que le soufisme n’a probablement pas les moyens de masquer les paysages, et me demandai si, en raison des coutumes et de leurs facilités, on y admirait la beauté du visage féminin sous le voile ou dans son naturel. Un portugais enfin, José Rodriguez dos Santos, tenta de nous pénétrer de mystères plus que de mystique. Je n’y entendis goutte, pas plus qu’à cette expérience passionnante de l’électron ubiquiste capable de changer de nature s’il se sait observé ! N’avons-nous pas bien avancé depuis le baquet de Mesmer ?
&… Retour aux 21 et 22/II/16
Deux articles précédés d’un rappel historique de l’affaire, dans Le M. (p.16), sous le titre ridicule : « Kamel Daoud se voue au silence ». Rappel d’un fait criminel : « Dans une tout autre affaire, un iman salafiste, Abdelfattah Hamadache Zeraoui, a prononcé une fatwa à son encontre (à l’encontre de K. Daoud) le 16 décembre 2014, appelant à son « exécution ». Moi : l’islam reste donc, qui en douterait, la plus tolérante des religions ?
Article d’Adam Shatz (Journaliste américain). L’ami de l’écrivain lui rappelle que Susan Sontag démontre que l’idée de « maladie »* a une histoire pas très reluisante, souvent liée au fascisme. Autrement dit, ne virerais-tu pas au fasciste ? Moi : les fascistes voulaient exterminer les juifs… Non les rééduquer, les convertir, comme le tentèrent maladroitement les rois catholiques d’Espagne, avant de les expulser. Aujourd’hui, c’est l’islamisme radical qui veut exterminer tous les non-croyants de la planète, non pas K. Daoud. L’ami conclut : « J’espère… que tu retourneras au mode d’expression qui, à mon avis, est ton meilleur genre : la littérature ». Étrange ami qui réduit la littérature à l’innocuité du jeu avec les mots, et y renvoie son « ami » du haut d’un autre paternalisme empreint du « sentiment de la plus profonde amitié ».
* S. Sontag, La Maladie comme métaphore (Christian Bourgois, 2005).
Article et réponse de Kamel Daoud. K. Daoud, sans renoncer à l’amitié, y déclare lier son avenir au sort de la femme. Il se confesse : « J’ai taquiné les radicalités et essayé de défendre ma liberté face aux clichés dont j’avais horreur. / J’ai aussi essayé de penser ». « J’ai fini par comprendre deux ou trois choses : D’abord que nous vivons désormais une époque de sommation. […] Les temps ont changé : des crispations poussent à interpréter et l’interprétation pousse au procès ». Sur la pétition des universitaires : « … je trouve cela immoral ; parce qu’ils ne vivent pas ma chair ni ma terre… je trouve illégitime sinon scandaleux que certains me prononcent coupable d’islamophobie depuis des capitales occidentales et leurs terrasses de cafés où règnent le confort et la sécurité. Le tout servi en forme de procès stalinien et avec le préjugé du spécialiste… » « … le verdict d’islamophobie sert aujourd’hui d’inquisition… » « Le sort de la femme est lié à mon avenir, à l’avenir des miens. Le désir est malade dans nos terres et le corps est encerclé » « J’ai pour ma terre l’affection du désenchanté. […] Mais j’exerce mon droit d’être libre ». Moi : L’écrivain journaliste se défend en termes justes et mesurés (un peu trop mesurés, je crois). Il ne se déjuge en rien car ses positions interrogent la réalité, au contraire de celles de ses adversaires et « amis » qui relèvent du déni absolu de réalité au nom de savoirs théoriques et de l’idéologie dominante. La place qu’il revendique pour la femme, pour la relation inter-sexes, est la juste place, celle qu’Allah, s’il avait existé et n’eût pas été lui-même une Parole contradictoire transmise par voie de magie, eût préconisée.
& Coran. Sourate IV, Les Femmes, v. 34 :
« Les hommes ont autorité sur les femmes, / en vertu de la préférence / que Dieu leur a accordée sur elles, / et à cause des dépenses qu’ils font / pour assurer leur entretien. […] Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité ; / reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les » (Traduction de Denise Masson, in Folio Classique).
Moi : En islamophobe déclaré et assumé, en athée qui n’accorde de vérité à aucun Dieu, à aucune religion, je constate que le Prophète a donné à la Parole d’Allah son entier relief de justice et d’équilibre, toute sa tendre douceur, sa confiance admirative en l’être féminin. Il arrive que de jeunes femmes nullement nées dans l’islam, sous prétexte de conversion, se couvrent d’un voile, voire d’un niqab et de gants noirs qui les effacent du monde : je ne vois rien de plus sensé que l’on puisse faire. Les dindes de la dindonnière* me paraissent avoir plus de cervelle.
* Équivaut au poulailler des poules. Abri inventé par un éleveur du Gers à la fin des années 1950.
&… Épisodes suivants. Un avis plus nuancé de J. Dakhlia ; une contre-attaque de Pascal Bruckner. C’est dans Le M. du 2/III/16 (p.12)
Jocelyne Dakhlia :
« Le problème n’est pas dans la culture (religion) et doit être cherché ailleurs » (Moi : où, s’il vous plaît ? De quoi s’agit-il sinon d’un « choc » entre culture laïque molle et religion musulmane extrémisée ?
« Un certain nombre d’intellectuels musulmans appellent à une réforme de l’islam » (Moi : sont-ils entendus ? Les « tueurs » guidés par Daech et le salafisme ne les vouent-t-il pas à l’enfer et à la mort ?).
« L’explication de la violence sexuelle par la culture n’est-elle valable qu’avec les hommes musulmans ? » (Moi : certes non, Mme Dakhlia a raison, qui pourtant ne voit, dans le constat de l’évidence, que « racisme ou culturalisme » ; cependant, les occidentaux violeurs et tueurs de femmes n’agissent au nom d’aucun Dieu… ce qui ne les rend pas plus miséricordieux, j’en suis bien d’accord ! alors que les jeunes filles yézidis capturées sont systématiquement violées sous prétexte d’obéissance à quelque précepte d’Allah et à la culture qui se promeut à travers ses fables).
Pascal Bruckner : « Il s’agit de lui (K. Daoud) fermer la bouche en l’accusant de racisme » « … les pétitionnaires n’ont rien à en dire* : sinon qu’il ne faut rien en dire sous peine de tomber “dans la banalisation des discours racistes” » « Voilà donc le terme d’islamophobie, ce mot du vocabulaire colonial du XIXe siècle […] à nouveau utilisé comme instrument de censure » « Il s’agit d’imposer le silence à ceux des intellectuels ou religieux musulmans, hommes ou femmes, qui osent critiquer leur propre confession, dénoncer l’intégrisme, en appeler à une réforme théologique, à l’égalité entre les sexes » (Moi : cette rupture du silence, je l’appelle depuis que je tiens ces chroniques. J’estime qu’une censure terroriste musulmane pèse sur la parole réformatrice des musulmans eux-mêmes. Aujourd’hui comme aux VIIIe et IXe siècles !). D’où cette constatation de P. Bruckner : « Le crime de Kamel Daoud est d’être un apostat et un traître ». Des pétitionnaires : « Ainsi se confirme une nouvelle trahison des clercs ». Titre excellent de l’article : « Défendons les libres penseurs contre les fatwas de l’intelligentsia ».
Le 16/III/16
# Violences juvéniles. Le professeur juif agressé à Marseille (le lundi 11/I/2016), en pleine rue, par un adolescent « d’origine kurde » : « Je ne comprends pas qu’on ait envie de tuer à 15 ans alors qu’on devrait avoir une seule envie, celle d’une vie heureuse » (repris de Le M du 16/I). C’est l’évidence. Certes le temps, l’histoire ont passé, qui compliquent mais n’expliquent rien. Les souvenirs de mes 15 ans, ceux de mes copains, ce sont : « La clarinette de Johnny Dodds, le saxo de Johnny Hodges. Désolé !… Nous étions New Orlin’s et Middle Jazz… Nos interrogations : comment sont faites les filles ? Julie se laissera-t-elle caresser ? Quand partons-nous pour le Touquet ? Pour Ostende ? ». Tuer qui que ce fût ne nous passait pas par l’esprit. Tuer ? Pourquoi tuer ?
Le 21/III/16
# Entreprises françaises. Elles emploient des musulmans, certains refusent de déplacer des bouteilles de boissons alcoolisées, de travailler avec des femmes (la femme, outre son infériorité, est « impure » une fois par mois, donc impure à tout jamais), et, pour certains conducteurs d’autobus, de s’asseoir au volant, là où une femme conductrice les a précédés (c’était le cas de l’un des assassins du 13 novembre 2015). Centres sociaux : « des mères demandent de ne pas faire écouter de musique à leurs enfants » (Le M. 3/III, p.10). Nous sommes en présence d’un total refus d’intégration. Ne parlons même pas d’assimilation. Les chefs d’entreprises sont bien ennuyés ! Ces hommes, ces femmes dont la religion dérange l’esprit – une minorité qui va augmentant –, sont dans le refus des valeurs républicaines communes, de celles de la civilisation qui les accueille, et ils n’ont rien à négocier. La haine coranique exclusive les domine : pour certains, en voie de radicalisation, pour quelques-uns dans le pré-djihad guerrier ou le djihad. Ces gens nous ont déjà trahis : que ne les renvoie-t-on en terres d’islam ? Mme Cécile Chambraud, journaliste : « [Nous devons] convaincre qu’il ne faut pas juger, que le problème n’est pas religieux, mais identitaire ». Cette dame ne semble pas comprendre que l’islam est toute l’identité du musulman.
« Les incrédules* sont vos ennemis déclarés »
« Dieu a préparé un châtiment ignominieux pour les incrédules »
Sourate IV, v. 101 & 102, Trad. de Denise Masson
* Entendre : polythéistes, juifs, chrétiens, bouddhistes, athées, laïques, etc., soit la totalité des humains échappant à l’autorité d’Allah.
# Salah Abdeslam, organisateur probable des assassinats parisiens du vendredi 13 novembre dernier, vient d’être arrêté à Bruxelles, grâce à une collaboration des polices belge et française. Il n’aura fallu que quatre mois pour obtenir ce remarquable résultat. L’homme s’était réfugié dans son charnier natal,la commune bruxelloise de Molenbeek : il y aura pour quelque temps trouvé soutien, aide, caches, complicités et artillerie. La prise d’assaut d’appartements n’a pas eu lieu sans tirs à l’arme de guerre, sans blessés, dont le principal intéressé. À l’exception des Polonais, Hongrois et Autrichiens, le cancer de l’islamisme est entré dans le corps européen dont ce qu’il lui reste de cerveau ne veut pas prendre la réelle dimension du péril.
Bechir Saïd, gravement blessé ce soir-là, pleure publiquement ses deux sœurs tuées ce 13 novembre d’une rafale de kalachnikov. Elles étaient musulmanes et jeunes femmes libres, à la terrasse du café La Belle Époque. Bien que satisfait de l’arrestation du criminel, cet homme n’est pas optimiste quant à la suite de ces événements. Il nous voit mal embarqués, inorganisés, divisés entre européens… (Un de ces derniers soirs, sur une chaîne d’informations).
Le Coran. Cette affaire se clora peut-être, mais d’autres naîtront derrière elle. C’est programmé : l’E.I. (Daech) a lancé ses menaces. Je regrette chaque jour que les Européens du peuple, par fainéantise, incuriosité, illusions sur eux-mêmes et les autres, ne se jettent pas sur le livre islamique fondamental :le Coran, où tout est écrit, ce à quoi nous sommes exposés, ce qui nous attend. Nous sommes les Infidèles d’antan, les mécréants. Daech et les djihadistes ont commencé le travail. Le livre est à la portée de tout un chacun, dans des collections de poche très abordables, et ce n’est pas le lumineux et doux manuel qu’on nous vante. Au fait, pourquoi apprendre à lire à l’école si ce n’est pour lire ce qui est de notre intérêt primordial ?
Certes, il s’agit d’un texte profondément rébarbatif et ennuyeux, contradictoire, punitif et violent. Si j’osais, je préconiserais ma méthode de lecture qui consiste à passer de sourate en sourate, ensoulignant ce qui me frappe, puis en en constituant ensuite un bref catalogue, une sorte de table des matières à usage personnel, me facilitant le report au texte en cas de nécessité.
On me reprochera de « cliver » les hommes, selon le dernier terme à la mode, d’être un faux humaniste, de voir le mal là où il n’est pas. En effet, je ne crois pas à la possibilité du « vivre ensemble » dans l’état actuel des choses. Je crois à deux hypocrisies parallèles : l’une disant « non, l’islam ce n’est pas ça » quand précisément c’est ça, et que ce ça maintient sa loi en tous lieux de la planète et va jusqu’à tuer ; l’autre disant « accueillons-les sans y regarder de plus près, nous les avons tant opprimés, ghettoïsés, etc, que leur pardon nous est indispensable, qu’il nous faut expier et tendre l’autre joue ».
Le 19/III/16
# M. Jean-Marc Rouillan, ex-terroriste, fondateur d’« Action directe », auteur de divers assassinats (affaires René Audran, Georges Besse), en novembre 1986 notamment, vient de refaire surface, déclarant le 23 février, au sujet des terroristes du 13 novembre dernier, aux micros de Radio Grenouille(?!), qu’ils « se sont battus courageusement dans les rues de Paris en sachant qu’il y avait près de 3000 flics autour d’eux ». Levée de boucliers et de plaintes scandalisées. M. Rouillan, peu désireux de retrouver la prison*, se défend d’avoir dit ce qu’il a dit : « J’ai seulement dit que dans leur démarche de se faire tuer pour leurs idées, il fallait du courage, mais c’est tout [a-t-il précisé] sur RTL. C’est une approche technique de la lutte, pas du tout une approbation de ce qu’ils ont fait ». « On peut dire plein de choses sur eux – qu’on est absolument contre les idées réactionnaires, que c’était idiot de faire ça, mais pas que ce sont des gamins lâches ». La justice française aurait ouvert contre lui une enquête préliminaire à charge, pour « apologie du terrorisme ». L’apologiste (nullement inquiété par ailleurs, en dépit de la loi), n’ayant rien abdiqué de ses haines, se dépeint désormais en admirateur de l’héroïsme contenu dans le beau geste criminel, en esthète pour tout dire. En ce qui me concerne, je me demande bien comment une pareille constance dans la stupidité haineuse n’est pas unanimement célébrée comme admirable.
Le 16/III/16
* Il y a séjourné diverses reprises, dans de dures conditions (plusieurs années à l’isolement total), contre lesquelles s’est élevé le Syndicat de la magistrature.
# À RIGOLADE HOUSE
La clientèle, les yeux tristes, les lèvres trempant à peine dans les cocktails proposés au bar et en salle, jette des regards désespérés vers les trottoirs lointains et brillants de pluie, au-delà de La Madeleine, de la Bourse, de la grande Arche et des Tours de la Défense. « Toutes les civilisations sont mortelles » a dit Paul Valéry. Cela fait si peur que la citation court les rues. Je conçois qu’il n’y a rien là de réjouissant, surtout quand on s’attend à un crime d’un instant à l’autre, à une explosion à la terrasse de quelque grand café, à l’exhalaison d’une haine putride échappée de la gorge de quelque religieux fanatique… Malgré la rage de dents qui me torture, je me jette au centre de la salle, mon Valéry à la main.
Moi, derechef : Mesdames et messieurs, certes il pleut, nous frissonnons, mais je voudrais que vous retrouviez le sourire en approfondissant un M. Valéry, qui n’a pas fait que prédire notre seule disparition. Voici des choses qu’il a encore écrites : « Une danseuse compare : une cascade de pirouettes, merveilleuses de précision, brillantes comme les facettes d’un diamant… » (Mélange,Diamants, I).
Cali : C’est bien beau tout ça, moi je n’aurai jamais de diamant…
Baronne de Krick-en-Krock : J’en ai de pleins coffrets. Je vous en offrirai quelques-uns, chère Madame…
Cali : Et puis, c’est pas tout ça… Votre M. Valéry est trop raffiné pour moi !
Moi : Certes, il n’était pas ami des vulgarités. Mais écoutez ceci : « La fin du jour est femme »(Mélange).
Comte du Trottoir-d’En-Face (soupirant) : Si ça pouvait être vrai !
Mme de Saint-Vaast : M. Le Comte, épargnez-nous vos déboires et vos frustrations. La voilà la vulgarité !
Le comte prend une mine contrite et se tait.
Moi : Voilà qui ne va pas alléger l’atmosphère. Mais écoutez ceci : « L’objet de l’esprit est d’être content de soi devant soi-même. Cela ne dure guère » (Petites études). M. le comte, Madame de Saint-Vaast s’est permis de vous le rappeler.
Le comte se lève, la mine furieuse, saisit son chapeau, son pardessus de laine, et quitte Rigolade-House.
Cali : J’ai rien compris à tout ça !
Baronne de Krick-en-Krock : Rassurez-vous, moi non plus. Je vous offrirai aussi un petit collier de rubis qui devrait vous plaire.
Moi : Finissons-en. M. Valéry veut nous égayer : « La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a… Mieux vaut souvent qu’elle le garde ! »
Comtesse de Gris-Manoir : Une plaisanterie de bistrot qu’il aura entendue aux Feuillantines… M. Valéry se laisse aller !
Le Robot-Pensif (pour une fois présent, dans son étroit complet d’Inspecteur des Finances) : Pas si mauvaise, la plaisanterie. J’en ai connu des catins, des caputaines !
Dame Cali : Je vous en prie ! Quel manque de savoir-vivre ! Quelles approximations dans les mots ! Et vous, monsieur Le Béthunois, je ne vous trouve pas amusant du tout.
Moi : Je vous prie de me pardonner, la prochaine fois je vous lirai du Jules Renard, ce sera mieux.
Le Professeur Purgon, sortant de l’ombre : Je le pense aussi… encore que…
Il est des soirées, comme celle-ci, que l’on peut sans crainte de se tromper déclarer absolument ratées. Dehors, il pleut toujours. Le grand salon se vide. La comtesse de Gris-Manoir enroule sur son cou son renard roux qui sent la naphtaline.
DÉFINITIONS-ÉCLAIR
FAIRE : Est délicieux dans sa forme redoublée du Faire faire, soit le moyen de ne rien faire sans s’en faire, en s’adressant à l’homme à tout faire prévu à cet effet.
FANTÔME : Contribuable après paiement de l’impôt.
FÉE : Bonne ménagère. On en voit peu de nos jours.
FEMME : Elle a désormais « sa journée ». Progrès du féminisme : elle rejoint ainsi le Chien de Traîneau, l’Agouti, les Aveugles, le Souvenir et les Dupes.
FIANCÉ : Risque-tout.
FIDÈLE : Qui n’a pas le choix.
FLATTERIE : Carrefour des médiocrités. « Le flatteur n’a pas assez bonne opinion ni de soi ni des autres» (La Bruyère).
FŒTUS : On s’en débarrasse parfois. Sa seule chance aura alors été de ne pas connaître la suite.
FOI : Croyance rigoureusement infondée en une divinité dont certains dissertent avec d’autant plus d’autorité que son existence n’a pas reçu l’ombre d’un commencement de preuve.
FOND : Des prétentieux prétendent l’avoir touché. Dans sa prose, madame Christine Angot y reste collée.
FONDEMENT : L’ancien et désuet « quelque part » auquel mon grand-père promettait le salutaire coup de pied.
FRANCE : Terre de la raison : « On y laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin » (Chamfort, Maximes et pensées, VIII).
FUITE : Décision la plus sage dans la plupart des cas.
Fin du Carnet XXXVIII, mars 2016
(1) Action [avril 1920, n°3] Gleizes : L’Affaire Dada, pp.26-32
Albert Gleizes (1881-1953) est un peintre, dessinateur, graveur, philosophe et théoricien français qui fut l'un des fondateurs du cubisme et eut une influence sur l'École de Paris (Repris de Wikipédia)
(2) Cité dans La Sœur de l’Ange, n°13, printemps 2014, Ed. Hermann, in « De Dada au Surréalisme ou de l’idiotie pure au suicide », par Benjamin Fondane
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