Carnets d’un fou-XXVII, par Michel Host
(Pour la dernière présentation de ces « Carnets », lire la première page des Carnets d’un fou-XXIV)
Un pâle soleil dore l’hôpital Cochin. Des enfants crient. Une auto passe au loin. Le printemps essaie de se glisser sous la porte.
Alexandre Vialatte, Chroniques de La Montagne, II, p.745 (1)
# Le lièvre de la fable. Il court, il court « l’animal léger ». La tortue est loin devant, partie avec le Carnet de mars. Il ne porte de maison, c’est vrai, mais il lui reste un reliquat à livrer, car il est lièvre scrupuleux. Le lièvre et les grenouilles, Le lièvre et la perdrix, du même fabuliste, encouragé par le grec Ésope, c’est très bien aussi. Le voici, ce reliquat.
Le 2/IV/2015
# Reliquat de mars
§ – Ridicule ces Je suis Charlie, Je suis Bardo brandis sur des pancartes (certains humanistes viennent d’assassiner quinze personnes au musée des Antiquités de Tunis !). Imaginons d’autres actes humanitaires de ce genre ayant lieu dans les localités de Tarascon ou de Cosne-sur-Loire !
§ – Salon du Livre de Paris. Il vient d’avoir lieu. M. Jean Birnbaum (Le Monde des Livres), à travers la plume de l’écrivain François Bégaudeau, rappelle que les signatures publiques de leurs livres sont descauchemars, voire des humiliations pour les écrivains. Je confirme la chose et conseille à tous les romanciers de se dispenser de cette cruci-fiction, surtout après avoir été lus de travers, crucifiés ou ignorés par la critique. Le masochisme doit apprendre à se modérer.
§ – La « gestion des excréments humains » est en passe de devenir un autre cauchemar (cf. Le Monde de la Science, au 25 mars). Autrefois, entre les rangs de laitues et d’oignons, une fois l’an, tout en plaisantant, on épandait les odorantes et fertilisantes matières. C’est aujourd’hui plus difficile : rareté des terres potagères, immensité des matières qu’en outre leur forte imprégnation médicamenteuse et chimique rend impropre à cet usage ! La surpopulation en marche accélérée ne laisse pas augurer d’un avenir souriant, mais plutôt emm…
§ – Les ossements de Richard III, dernier roi Plantagenêt, mort il y a 530 ans, furent découverts en 2012 sous le ciment d’un parking. Dûment identifiés, les Anglais les inhument aujourd’hui avec tous les honneurs, à Leicester, portés sur l’affût d’un canon, avec chevaux, horse guards et fanfare. Qu’eussent fait MM. Cazeneuve et Peillon des restes de ce roi « catholique » : peut-être les auraient-ils fait jeter discrètement à la décharge.
Deux citations de ces messieurs :
Évoquer les racines chrétiennes de la France, c’est faire une relecture historique frelatée qui a rendu la France peu à peu nauséeuse : Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, antenne de RTL, le 5 août 2014 (on admirera au passage l’aveuglante clarté syntaxique de la phrase ministérielle).
On ne pourra jamais construire un pays de liberté avec la religion catholique : Vincent Peillon, ex-ministre de l’éducation nationale.
Ces républicains immensément tolérants, ces négationnistes de notre histoire, ces francs-maçons du XIXe siècle, nauséeux à souhait, font vomir l’athée que je suis.
§ – Le cadavre fantôme. C’est pour bientôt. Un amendement à la « loi santé » (?) – galimatias contemporain – vous obligera désormais à vous inscrire sur un « fichier du refus » si vous voulez que la médecine des transplantations (indispensable par ailleurs) ne prélève pas tous les organes dont elle aura besoin sur votre corps déclaré cliniquement mort. Yeux, foie, rate, reins, rotules, et jusqu’au pénis que l’on greffe de nos jours… Tout disparaîtra ! Pour le cerveau, je ne sais… Pour ce qu’ils me seront utiles, me direz-vous ! Mais enfin, pensez-y, le risque est que l’on mette en terre une caisse vide, que votre dépouille ne soit plus que le fantôme décédé de votre dépouille ! O tempora, O… !
§ – Précarité en France. « 17 millions de personnes affectées à des degrés divers par la précarité. L’ensemble des groupes sociaux est concerné : plus de la moitié des ouvriers sont des précaires mais c’est aussi le cas de 42% des employés, 47% des petits commerçants et artisans, 37% des agriculteurs… » Et là-dessus on leur demande de bien voter ! Le Monde, 26/III, p.14 (d’un article expliquant la faveur dont jouit le FN).
§ – Gestion musulmane du Kosovo. Le même quotidien, en date du 27/III, nous apprend que le Kosovo, passé aux mains des musulmans kosovars, se vide lentement mais sûrement de ses habitants, qui partent pour les ailleurs européens afin de tenter de s’y créer une situation économique viable et d’envoyer éventuellement de l’argent à ceux qui restent au pays. On ne sait même plus cultiver les champs, ce qui fut pourtant dans l’Andalousie d’antan l’une des belles réussites des musulmans. Les Serbes, chassés de l’endroit par nos soins, ne sont plus là pour remettre l’économie debout, et le même quotidien, qui applaudissait à tout rompre lors de la guerre du Kosovo (1999), reconnaît que le territoire de « cette jeune république » est « gangrené par le haut niveau de corruption et le crime organisé ». À vivre au milieu des proxénètes esclavagistes, des affairistes véreux, des escrocs et des grands criminels, on ne risque pas d’accéder à un meilleur niveau. Bon, comme promis je ne vous en dis pas plus !
# Pendant que j’y suis. « Le salafisme gagne du terrain chez les musulmans ». Ajoutons : de notre pays. « Cette mouvance rigoriste qui peut être un sas vers le djihadisme » (Le Monde du 2/IV). Ces délicieux garçons seraient des « quiétistes » qui dénoncent le djihad armé (façon de reconnaître le djihad démographique) et ils ambitionnent de vivre selon les principes de la loi islamique (charia). Ils dénoncent le dialogue interreligieux. En effet, pourquoi dialoguer quand on est assis sur le seul livre de vérité ! Il arrive qu’ils traitent de « mécréants » les musulmans qui fréquentent d’autres mosquées que la leur, cela s’est produit à Marseille. La tenue des femmes est une de leurs préoccupations majeures. J’imagine que si l’un d’eux serre la main de l’une d’entre elles, il entrera dans un mois de purifications, mortifications et prières à Allah. Nous abritons ce poison lent et violent dans nos murs. Ils sont disséminés dans tout le pays. Qu’on me pardonne si je pense et dis que le bateau France « fluctuat et mergitur ». Nos politiques de tous bords sont de sombres aveugles.
# Les cinq sens. Myope, j’ai les yeux et le nez sur le monde. J’y exerce mes sens avec des sorts divers :
Vue : du sang, du sang…
Ouïe : hurlements des suppliciés.
Odorat : le fric, la banque, la m… Freud m’en avait dit deux mots, il ne m’avait pas menti.
Toucher : je caresse les cheveux d’un enfant, on m’arrête pour pédophilie.
Goût : je goûte au blanc d’un poulet, pas de chance, quoique décoré du label rouge il en émane des relents de poisson.
« Va voir dans l’autre monde » m’a-t-on conseillé. « Où est-il, l’autre monde ? » ai-je demandé. « Là où tu sais » m’a-t-il été répondu. « Je ne suis pas pressé » ai-je rétorqué, puis suis allé me mettre au lit.
Le 2/IV/2015
# Certains « faits divers » donnent à penser ! Un cafetier du Tarn est condamné à 7 ans de prison. Deux cambrioleurs, des jeunes gens, s’étaient, de nuit, introduits dans son établissement pour le cambrioler. Certes il leur avait préparé un piège fait de bouts de ficelle, et certes il a tiré au jugé, dans la nuit, tuant l’un des cambrioleurs. Certes il s’est auto-défendu. Les jurés du Tarn ne lui ont pas reconnu la légitime défense que réclamait pour lui l’avocat général. Certes la loi est ici appliquée à la lettre. S’il eût « allumé la lumière », comme on fait pour l’enfant qui a peur dans le noir, ainsi que le lui conseille une jurée, il ne se fût pas trouvé dans un lieu peuplé de ses seuls fantasmes, mais devant deux jeunes gens sans scrupules, plus vigoureux que lui, qui l’eussent sans doute roué de coups et s’en fussent pris à sa « vieille mère » et à sa sœur logeant dans l’appartement, à l’étage. Enfin, quelle défense « proportionnée à l’attaque » eût-il pu leur opposer ? En outre, la gendarmerie qu’il avait prévenue de ce que des barreaux de sa fenêtre avaient été sciés, ne l’a ni aidé ni protégé.
Je sais, en ce qui me concerne et me connaissant, que je ne veux pas posséder d’arme et suis à la merci de qui s’introduira chez moi. Que mon tempérament me poussera à tirer, plutôt dans les jambes et après sommation, si on m’en laisse le temps. Bref, je me sens très proche de ce cafetier, quoique courant moins de dangers immédiats que lui. Et que faisait donc là la victime ? Désespérée, n’avait-elle plus le moindre centime en poche ni la moindre bouchée de pain pour survivre ? En l’affaire, il me semble que cette décision de justice (?) légitime le droit au cambriolage, à la violation de domicile, à l’atteinte à la propriété (si mal vue en terre socialiste où la plupart des dirigeant sont néanmoins de riches propriétaires ayant acquis leurs biens d’honnête façon, certes oui, mais fort peu « redistributeurs » quant à eux-mêmes et hautement « redistributeurs » des deniers publics !).
Le 3/IV/2015
# Désolé ! « Ils » ne se laissent pas oublier. Des chabab, représentants d’une variante du djihadisme éclairé, venus de la proche Somalie, prennent d’assaut l’université de Garissa (Kenya) où, par amour de la culture, ils assassinent 147 personnes. Il faudra 16 heures aux forces de l’ordre pour les mettre hors d’état de diffuser leur leçon de vie. Adeptes de la plus grande tolérance, « ils auraient demandé aux étudiants leur religion, avant de tuer les chrétiens sur place » (Le Monde de ce jour). Pour respecter les bonnes manières, M. Bernard Cazeneuve élèvera une protestation indignée, sans prononcer le mot dechrétiens. Des musulmans français isolés nous diront, certes, que « l’islam ce n’est pas ça ! », et ils auront raison de le dire. Quant au CFCM en tant que tel, rompra-t-il son silence consterné ?
4/IV/2015
# Retour sur soi. On n’a pas à se justifier des pensées que l’observation et le bon sens nous suggèrent. Il peut arriver qu’on les dise. Encore n’est-il pas inutile de les expliquer. Je n’ignore pas ce que le catholicisme imprégné de gallicanisme a fait de la France en près de vingt siècles de domination intellectuelle, morale, immorale, intransigeante, étroite, et inacceptablement économique. Une idéologie en principe tournée vers la seule spiritualité à noyé une nation dans le latin de sacristie, la dévotion aux invraisemblables mystères, le commerce des indulgences, celui de la charité, le culte des sanctifications-excommunications conduisant à l’obscurcissement des esprits, au fanatisme et à l’intolérance pour les plus radicaux (élimination des hérétiques, tueries de « sorcières », puis des huguenots et protestants…). Pourquoi éluderais-je ces faits ? Mais pourquoi, même si Clémenceau déclara que La Révolution est un bloc, éluderais-je ce que nous devons à la « religion » opposée, dite « révolutionnaire » qui, dans le tour qu’elle fit sur elle-même, aboutit à d’identiques ou à de pires aberrations ? Assassinats, meurtres de masse (je n’oublie pas que le premier à préconiser le gazage des Vendéens fut le conventionnel Antoine François Fourcroy (2), qui n’en fut empêché que par les impossibilités techniques), élimination de personnes en raison de leur appartenance à telle ou telle classe sociale… Même intolérance, même violence, et foi en des dogmes certes présentés comme des idéaux, mais illusoires et mensongers :liberté, égalité, fraternité. Il ne serait sans doute pas inconvenant de voir ce qu’au cours du temps ont apporté de formateur, d’original et de fécond à cette nation les deux époques et les deux systèmes opposés artificiellement, car le premier n’était certes pas en mesure de faire obstacle au second. De cette double fatalité est né un peuple, une nation que depuis cinquante ans nos gouvernants mettent plus bas que terre, méprisent et culpabilisent au-delà de toute raison (ces dames et ces messieurs ont un sens de la confession du péché et de la repentance qui n’a rien à envier au catholicisme le plus étroit). Un peuple de sans dents pour notre actuel président. Un peuple qui, je l’espère, lui montrera les dents un jour ou l’autre. Un peuple d’esclavagistes, de colonialistes répugnants, de pétainistes, d’antisémites nazifiés et de coupables enfin qu’il n’est que trop juste de traîner dans la boue devant le monde entier qui applaudit à cet abaissement et en tire les meilleurs profits. Je suis donc, cela va de soi, athée, anarchiste en mon âme, dans la détestation du monde bourgeois affairiste de droite comme de gauche, dans l’horreur de toute injustice et l’appréciation positive de quelques valeurs chrétiennes et républicaines. Quant à la démocratie, alpha et oméga des consciences pures, elle est aujourd’hui une illusion et un leurre dont le peuple n’est plus la dupe complète, même si, comme le disait Octave Mirbeau, il se montre parfois plus stupide que le mouton, lequel au moins ne choisit pas son boucher à l’abattoir, comme lui choisit le sien dans le bureau de vote. Le nombre croissant des abstentionnistes à chaque scrutin traduit sans doute ce retour à la lucidité.
(À suivre)
Le 4/IV/2015
# Hollandisme extensif. « Moi président… Moi président…, clamait le futur élu en 2012. Et encore : « Le changement, c’est maintenant ! » Et enfin : « J’inverserai la courbe du chômage ». Rien de tout cela. Le peuple fut berné, là aussi, là encore ! Lui président, ce fut, c’est : la stagnation économique, le chômage sans cesse empirant après quelques toussotements du moteur dont on s’empare comme des signes d’un espoir indubitable. Et pour tout changement nous avons la régression, la marche arrière bloquée… Désaveu confirmé des Français lors des trois dernières épreuves électorales pour ceux qu’ils ont installés aux bonnes « places »… (3) dans les palais, les ors désormais républicains, les salaires hors norme, les prébendes, sinécures et privilèges. Un élu PS a aujourd’hui autant de vertus qu’un élu UMP. Seule une Constitution trempée par l’un de leurs glorieux prédécesseurs, un certain général de Gaulle, leur conserve les postes pour lesquels ils se sont délégitimés. En dix ans d’opposition, ils n’ont rien prévu, rien anticipé, rien projeté ni préparé de conséquent pour la nation. Ont-ils compris le monde où nous baignons ? À l’évidence, non. Ils s’adressent plus souvent à eux-mêmes pour se diviser qu’aux Français pour leur proposer quelque explication (mais comment expliquer l’inexplicable et l’impuissance ?), quelque projet audacieux et d’envergure, la moindre vraie et décisive réforme, et surtout pas celle du « modèle social » [Cf. à ce sujet : l’article de Françoise Fressoz, dans Le Monde du 4/IV]. Des Français ils ont un souvenir lointain, de vagues notions. Ils « gèrent » (c’est le terme courant) leurs carrières politiques, leurs commodités futures, leurs fortunes personnelles. Ces dernières, pour bon nombre d’entre eux, sont de monstrueux icebergs détachés des pôles financiers dont nous ne voyons que la partie émergée. J’évite de citer les plus scandaleux, je n’en finirais pas ! Cincinnatus, lui, vivait de son champ et avait du courage. Eux fuiraient à Bordeaux si Mme Merkel, montée sur un char, piquée par quelque mouche dont nos amis d’outre-Rhin ont le secret de l’élevage, décidait d’entrer en Alsace par le pont de Kehl.
Le 6/IV/2015
# Un policier tue un Noir américain de cinq balles dans le dos. « Américain » cela veut dire « natif des États-Unis d’Amérique ». Mon commentaire : Cinq balles ? Et maladroit avec ça ! Rien que d’admirable dans ce peuple d’ilotes bornés que nous ne cessons de copier, de tenir pour le modèle, pour notre « rêve » ultime. Rêve américain ou cauchemar ? (Le Monde du 9/IV/2015).
# Pédophilie ! Encore un trait de mœurs (mauvaises) que mon cerveau ne parvient pas à comprendre. Chaque jour ou presque nous apporte un cas, une affaire. Étonnante société ! Naïf, j’imaginais qu’après Gilles de Rai, M. Le Troquer et divers élus de la république dont on masque comme on peut les agissements, on en avait fini avec cette iniquité. Non pas. Bientôt, dans et autour des collèges, on trouvera autant sinon plus de pédophiles que dans les sacristies.
# Les Confessions, Livre V – Maman entreprend de tirer Jean-Jacques de cette ingénuité (réelle ?) qui le conduit à devoir être le jouet des jeunes filles ou des femmes du monde ordinaire. Elle lui montrera ce que c’est que d’aimer charnellement. Sans désirer de la posséder, j’étais bien aise qu’elle m’ôtât le désir d’en posséder d’autres ; tant je regardais tout ce qui pouvait me distraire d’elle comme un malheur.Mensonge empreint de vérité, évidemment, quoique mêlé du vif désir de sauver Maman de tout soupçon : …en s’abusant elle pouvait mal faire, mais elle ne pouvait vouloir rien qui fût mal. De cet imbroglio sentimental, éducatif et sensuel ne pouvaient que surgir le sentiment mitigé et le malaise, non le bonheur. Jean-Jacques n’en fait pas mystère : Fus-je heureux ? Non, je goûtai le plaisir. Je ne sais quelle invincible tristesse en empoisonnait le charme. J’étais comme si j’avais commis un inceste. Quelle idée, aussi, d’appeler « maman » Mme de Warens ! Jean Starobinski suggère par ailleurs que Jean-Jacques, ravi, se plaisait au moins autant à ses amours rêvées, fantasmées, en tout cas non réalisées :Je n’avais ni transports ni désirs auprès d’elle : j’étais dans un calme ravissant, jouissant sans savoir de quoi (4). Voilà qui n’aide pas.
# IVG. C’est fait. Les Polichinelles n’ont qu’à bien se tenir. Les femmes n’auront plus à méditer – torture et humiliation ! – sept jours avant de pouvoir avorter, nos députés ont voté, entre le 8 et le 9 avril, l’annulation du délai de réflexion. Ils ne furent que 22 opposants contre 40 acquiesçants. Une minorité lucide contre une maigre majorité de lâches, selon moi. Parmi les députes, un courageux, quoique bien peu ferme dans sa terminologie, M. Olivier Marleix (UMP) : C’est un acte à part, il faut qu’il ait un régime juridique à part. Une femme de hautes visées intellectuelles, Mme Brigitte Allain (EELV) : La loi n’est pas là pour faire la morale mais pour définir les droits et les devoirs de chacun. Autrement dit, allons-y gaiement. Voilà une affaire qui ne vaut même pas que l’on y pense quelques heures. Penser ce n’est que reculer pour mieux sauter le pas. C’est comme de faire retirer de la boîte aux lettres de la poste le pli qu’on y aurait glissé par erreur (Cf. art. Le Monde, de François Béguin, p.10, le 10 avril).
Certes, nombreuses sont les femmes qui auront depuis longtemps pris leur décision irrévocable, et qui tirent le « bénéfice » (permettez que je frémisse !) qu’elles en escomptaient de l’IVG. Pour certaines, les femmes violées notamment, je peux concevoir qu’elles la demandent. Peut-être l’IVG est-elle nécessaire aussi pour celles à qui l’on assure qu’elles mettront sur terre un enfant affligé d’une grave infirmité, qui plus est fort coûteux pour la société. Quelques-unes cependant, moins nombreuses, c’est vrai, ne se sont pas remises moralement de « l’acte » en question, mais en ont conçu un grand remords, se sont trouvées ensuite prises dans les pièges de solitudes, de rejets divers… Ce doivent être des femmes qui peut-être eussent mieux jugé des choses en disposant d’un délai d’un peu plus de sept jours, quoique délai « infantilisant » selon le mot de Mme Michèle Delaunay (PS). Infantilisant ? Le mot, dans ce contexte, ne sonne-t-il pas étrangement ?
Suite logique. Les sages-femmes, dont le métier tirait jusqu’ici sa noblesse de ce qu’elles mettent les enfants au monde, les propulsant dans la vie et la communauté des hommes, viennent d’être autorisées à pratiquer l’IVG « médicamenteuse », autrement dit à empoisonner l’embryon et peut-être le fœtus dans le ventre qui les porte. C’est, dans le théâtre abject du monde d’aujourd’hui, les faire travailler à contre-emploi. Révoltante, n’est-ce pas, cette erreur de distribution ou de casting ! Est-ce que toutes se plieront aux nouvelles facilités socialo-médicales ? J’espère que non.
« Sage-homme » (il en existe quelques-uns, je crois) : si j’en étais un je sais ce que je ferais. Mais on ne peut s’ériger en prêcheur de la morale pour tous, ou alors seulement quand le faire servira nos intérêts. Je m’interroge aussi sur le jugement que porteraient sur ces faits de vraies consciences, celles d’un Pascal, d’un Péguy, d’un Bloy, d’un Bernanos, entre autres et pour n’en citer que de catholiques.
Le 11/IV/2015
# L’aphorisme du mois.
Seule tâche utile, amuser les enfants.
# En désordre de marche. Les catholiques parisiens se mettent des bâtons dans leurs propres roues. C’était en mars dernier. L’évêque Mgr Dominique Philippe fait vider de tous ses meubles, en pleine nuit, l’église Sainte-Rita, « patronne des causes désespérées ». On y bénissait aussi les animaux une fois l’an. L’église sera rasée, à son emplacement on construira des logements sociaux et leur indispensable « parking ». Ah, les parkings !
# Toujours datant de mars dernier : le Conseil de sécurité de l’ONU a-t-il entendu M. Laurent Fabius réclamant qu’on s’émeuve et sorte de l’impuissance quant à ces Chrétiens, yézidis, Turkmènes, Kurdes, Chabaks, tous… menacés par ce triangle de l’horreur : l’exil forcé, l’asservissement, la mort ? Pas à ma connaissance.
# Un écrivain, qu’est-ce que c’est ? Le suédois Tomas Tranströmer, prix Nobel de littérature en 2011, vient de mourir à l’âge de 84 ans. Un éditeur français (Le Castor Astral) a publié toutes ses œuvres. Je n’en savais rien. Peut-être aurai-je le temps de lire un ou deux de ses livres… Qu’est-ce qu’un écrivain dans notre monde ? Il était aimé des Suédois, qui achetaient ses livres. À peu près le contraire de ce que l’on voit en France.
# Le pape François vient de déclarer en sa basilique Saint-Pierre que le peuple arménien, il y a cent ans de cela, a bien été victime du premier génocide du XXe siècle. Il parle aussi de la « famille humaine », ce qui paraît une incongruité majeure. Cet individu, ce chrétien emploie les mots qui disent la vérité des faits. Il n’y a aucun doute : Habet bene pendentes ! Ce n’est pas le cas de notre Conseil constitutionnel qui annula une loi pénalisant la négation du « génocide » des Arméniens. Il est vrai que nous avons installé des usines automobiles en Turquie !
[Je corrige et me corrige : M. Hollande a au moins le cran de dire le fait : il condamne le génocide des Arméniens, qui eut lieu en 1915. Il est d’ailleurs présent aux cérémonies commémoratives du centenaire de ce massacre, qui ont lieu à Erevan, ce vendredi 24 février.]
Aux dernières nouvelles, les autorités d’Ankara auraient congédié l’ambassadeur du Vatican. On s’interroge : Rome et sa basilique seront-elles bombardées ?
13/IV/2015
# En fait de valeurs, je choisis les valeurs européennes et françaises, culturelles, artistiques, morales (avec difficulté), et refuse les valeurs financières et monétaires.
15/IV/2015
# La question de l’année : Et si Dieu était une femme ? – Y avez-vous pensé ? Je communique ma fervente question à un ami très chrétien. Sa réponse : « Pas très galant d’attribuer tout ce bordel à une nana ! ». À moi, à vous d’y réfléchir, quoique d’autres, nombreux, l’aient fait avant vous et moi… M. Google, assistant de Dieu Le Père comme de Dieu La Mère, m’invite à explorer la question.
# Des hommes meurent. Des écrivains, des témoins de leur temps : Günter Grass, par exemple, prix Nobel. Eduardo Galeano, qui croyait au « pouvoir des mots ». Des anonymes aussi, en Méditerranée : 800 en une seule fausse manœuvre du « passeur », dont le bateau en perdition allait être secouru par un navire portugais. Ces huit cents-là étaient enfermés dans la cale du rafiot censé les emporter vers l’Europe, femmes et enfants pour la plupart. Ce ne sont pas les mêmes morts. Enfin, œuvre de la nature qui en a peut-être assez d’être saccagée par l’homme, le Népal à demi détruit par un énorme séisme, ses 4000 morts recensés, et les 10.000 peut-être pour demain.
Le scandale est immense. Les instances européennes écoutent enfin la plainte des Italiens, les seuls à affronter cette arrivée massive de migrants économiques ou politiques. Les moyens maritimes vont être renforcés pour le sauvetage de ces malheureux jetés sur les routes puis dans les griffes des trafiquants d’hommes, puis sur la mer qui, étant la mer de toujours, est sourde, aveugle, périlleuse.
J’ajoute ici mon scandale personnel : ces migrants sont chassés des terres, des villes et villages qu’ils habitaient par diverses causes bien connues : l’incurie cupide de gouvernants qui toujours et encore accusent les antérieures colonisations de leur incapacité à gérer autre chose que leur fortune personnelle ; la violence criminelle de bandes d’assassins brandissant les oriflammes d’une certaine religion (dans la France du XIVe siècle on les appelait « les Écorcheurs », et eux, que j’appelle « les Égorgeurs », n’en sont pas si éloignés dans le crime sinon dans ses motivations) ; l’assèchement des puits de la terre comme de ceux de l’éducation dus tous deux à une démographie incontrôlée et incontrôlable qui emporte le continent africain vers son épuisement, puis son auto-anéantissement. La Surpopulation, qui est la cause première de cette catastrophe, est aussi le plus violent tabou de notre temps. La maîtrise du sexe doit s’apprendre. Quant à cette immense vague migratoire, elle est en quelque sorte « naturelle » dans ces conditions et circonstances. Les groupes humains ne se sont pas écartés de ce modèle ancien. L’électrification de l’Afrique prônée par M. Borloo y pourra-t-elle quelque chose ?
Le 24/IV/2015
Divertissements et pensées distraites pour une fin de mois d’avril.
§ – D’un député néerlandais islamophobe : Tous les musulmans ne sont pas terroristes, mais la plupart des terroristes sont musulmans. Cité par Fr. Lemaître, Le Monde du 15 avril, p.5.
§ – Nous dépendons de leur bon vouloir. Nous sommes d’ores et déjà leurs otages. Ils nous conduisent à modifier nos lois. Nos députés se querellent sur la possibilité ou l’impossibilité, pour les services de police, d’avoir accès à nos données informatiques personnelles. Il s’agit de prévenir le djihadisme, les actions terroristes, dans et hors de nos frontières. On ne saurait reprocher à nos gouvernants de chercher des solutions efficaces. Les uns parlent de viol de la vie privée, les autres de protection de la république et de ses citoyens. Quoi qu’il en soit nous sommes instrumentalisés par la stupidité religieuse fanatique. Étant donné la pléthore de règlements, codifications, édits, lois, ordonnances, recommandations et autres pragmatiques sanctions limitant ma liberté sous prétexte de la garantir et paralysant le pays tout entier, ma méfiance reste en éveil.
§ – Nous sommes à la campagne. Myosotis, primevères blanches et mauves, éclosion des fleurs de chair dans l’arbre de Judée, grappes violettes du lilas, calices bleus des lys, vols des verdiers, des mésanges. Nous avions oublié que ces beautés ont une existence réelle. Une chatte du voisinage nous fait des grâces, des visites répétées. Nous ne voulons plus de chats ni de chattes, ce qu’elle ignore.
§ – Notre vieille voisine est décédée à l’automne. Ses appartements de la ferme familiale sont loués à une jeune femme souriante. Elle travaille chez le charcutier, fait les marchés locaux. Je regrette pourtant notre vieille voisine. Elle se prénommait Geneviève.
Fin des Carnets XXVII
Michel Host
(1) Éditions « BOUQUINS »
(2) En charge par la suite de l’instruction publique et de la formation morale des écoliers !
(3) Dois-je rappeler que la domesticité mâle ou femelle, au XIXe siècle et jusqu’à la IIe guerre mondiale, « se plaçait », était « placée », avait ou n’avait pas de « place » ? Nos domestiques, nos serviteurs (c’est le sens du terme « ministre ») se sont changés en maîtres, sans être dignes des nouveaux serviteurs que nous sommes à leurs yeux, comme l’a fort bien vu Beaumarchais
(4) Jean Starobinski, J.-J. Rousseau, La transparence et l’obstacle, p.190, Gallimard, Bibliothèque des Idées
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