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Carnets d’un fou – XLVII Décembre 2016, par Michel Host

Ecrit par Michel Host le 28.02.17 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Carnets d’un fou – XLVII Décembre 2016, par Michel Host

 

« C’est sans doute un terrible avantage que de n’avoir rien fait. Mais il ne faut pas en abuser », Jean Giono, Bestiaire (Préface au Petit almanach de nos grands hommes)

« Ne jetez pas vos perles aux pourceaux », Matthieu, VII, 6

 

#. Fiasco. À brûle-pourpoint, en manière de « petit coucher », François Hollande annonce à la nation, ce jeudi soir 1er décembre, qu’il ne briguera pas de second mandat de président de la république. Il a donc encore cinq mois de règne à assumer. Mais où est désormais sa légitimité profonde ? Le sens, hormis celui du délai réglementaire, de son éternisation sur le trône républicain ? Comment va-t-il faire pour continuer de ne rien faire ?

Le 1er/XII

Des voix nombreuses montent de son parti émietté pour louer son courage dans la désertion, sa haute conscience des intérêts de la nation. Fleurs sur une tombe. Mais tous se frottent leurs mains, qu’ils cachent dans leur dos. Enfin nous allons pouvoir nous réduire en charpie, achever le travail, nous achever.

L’opposition aujourd’hui représentée par M. Fillon, vainqueur des primaires des droites, se frotte les mains elle aussi, mais bien visibles, sur des bedaines de notables. La route se dégage ! Le joli mois de mai approche !

C’est plaisir de voir, sur tous les écrans, les mines déconfites de cent journalistes de pure information, quoique progressistes-socialistes à peine dissimulés, donc gens de parti… Ces plombiers ratés, ces ignares incapables de parler correctement leur propre langue, ou de devenir ingénieurs, médecins, chercheurs… se sachant aujourd’hui condamnés à l’éternel commentaire de la lutte entre la droite légitime honnie, mais réunie aux débris débandés des troupes socialistes dans le seul but de vaincre une fois encore Mme Le Pen et M. Florian Philippot qui, eux, sont à la tête d’une armée de démons incubes et succubes. Ça balance à Paris ! C’qu’on s’amuse à Paris !

M. Manuel Valls, toujours premier ministre, avait déjeuné la veille, le mercredi, en tête-à-tête avec le président. Ils s’étaient quittés sur une franche poignée de mains. Naïvement, j’avais imaginé ce petit scénario : M. Hollande versant la strychnine dans le verre de M. Valls parti satisfaire un besoin naturel, mais ignorant que M. Valls avait auparavant versé le cyanure dans le verre présidentiel. On retrouvait les deux hommes gisant sur le tapis… au tapis. Mais ce qui vient d’arriver est une tragi-comédie de bien meilleur effet. Elle aura du succès, et l’on n’a pas tort d’invoquer cette banalité que la réalité dépasse la fiction.

Le 2/XII

 

Son Incompétence a donc raccroché la clef de sa chambre au tableau du concierge de l’hôtel. Nous avions connu L’Annonciation, forme d’acceptation d’un heureux événement ; nous connaissons maintenant La Renonciation, forme de protestation contre l’ingratitude du peuple et la méchanceté des événements non anticipés ni maîtrisés.

Le 3/XII

 

§. Le dernier mois de l’année se termine à peine commencé. Désastre et comédie de boulevard mêlés. J’ai l’impression de mitrailler l’ambulance. Ils doivent bien être vingt supposés prétendants, ou prétendants annoncés aux primaires, nos gens de la gôche-caviar voués bientôt au douloureux grignotage des épinards et des biscottes sans beurre. Les instances dirigeantes – !!!??? – en choisiront une petite dizaine pour le théâtre d’ombres télévisuelles, soit les primaires des invalides. Je les saisirais en vrac, les mains plongées dans le sac du grain et de l’ivraie. L’esprit de Voltaire reprend le dessus. Ils ont accompli ce tour de force ou de prestidigitation : mettre à la fois dans la rue la canaille incendiaire et les policiers incendiés, tout en accusant le précédent maître d’œuvres, Nicolas Sarkozy, d’être l’unique responsable de leurs incohérences. Je ne tiens pas à pleurer, sauf sur ce malheureux pays, ballotté, à demi-ruiné, moqué jusqu’au Béloutchistan et sur les rives du fleuve Congo, bref, je ferai, pour une fois, de la littérature. Il n’y a plus que ça de vrai, la fiction, dans l’océan des mensonges avérés.

Les accidents de notre monde, ses soubresauts vont trop vite et sont si nombreux, que le chroniqueur autant que le poète ne savent plus par quel bout les attraper. Plongeons la main dans le sac à malices.

§. Nous tenons un Brexit. Ces messieurs les Anglais tirent toujours les premiers. Ils nous quittent, mais sans nous quitter vraiment. Ils vont tenter de tirer encore quelques marrons du feu. Ils nous laissent sur les bras les quelques milliers de réfugiés économiques et la plupart des mineurs et très jeunes gens qui souhaitaient gagner leurs pays de Cocagne. Ils ont fait semblant d’effectuer un tri entre lentilles et cailloux. Messieurs les Français, autant qu’il sera possible, à vous les cailloux !

 

§. Nous tenons un président Trump, nord-américain, WASP de pure extraction, qui n’entrera en fonction que vers le 20 janvier de l’an prochain. Il défie les Chinois, surveille déjà les surveillants du réchauffement climatique, il ne parle plus des dames (ce qui ne laisse augurer rien de bon) mais veut rouvrir les mines de charbon et refermer la frontière avec le Mexique, il ne se veut pas l’ennemi de Bachar le Syrien, ni du massacreur Vladimir Poutine… Nous nous attendons à tout, donc au pire. Il nous aura au moins épargné l’avènement de Mme Hillary Clinton.

 

§. Nous tenons une grosse poignée de prétendants de gôche à la « primaire ». Les derniers en date auto-annoncés : le chevalier d’industrie Montebourg, doué d’une intarissable verve critique ; le commissaire politique Vincent Peillon, émule de L’Incorruptible, à la parole tranchante et aux troupes invisibles. À chacune de ses phrases, on devine la nostalgie de la guillotine, cette machine à résoudre les difficultés en un instant. Tout ce petit monde s’est ému soudain de ne trouver aucune dame dans ses rangs, aucune Nathalie Kosciusko-Morizet, rien de présentable et de crédible. Une certaine Sylvia Pinel se serait enfin dévouée, offrant son corps à la France. Pauvre France ! La dame n’est connue de personne. Elle ne gênera donc aucun de ces messieurs, s’ils oublient qu’elle leur volera quelques centaines de voix, perte largement compensée par ce sauvetage in extremis des apparences de la parité. Les deux « primaires » auront donc exhibé leur femme alibi. Pitié, mon Dieu ! Allah, fais quelque chose ! Yahvé, jette encore quelques pommes dans notre Jardin de Haine !

 

§. Nous tenons un M. Cahuzac, fraîchement tiré du sac. Ses tribulations nous arrachent des larmes. Le peuple, le voyant marcher la tête haute et le regard vide, n’en peut plus de compassion. Les larmes coulent. L’avaricieux est certes rudement condamné. Des années de prison l’attendent : dix, à ce qu’on dit ! Prison avec sursis, n’en doutons pas. Mais il a fait appel. Cela suspend les décisions. Il est donc reparti en vacances.

 

§. Nous ne tenons plus Son Incompétence, elle est passée par ici, elle est repassera par là… elle voyage. Elle est à Tulle, elle y touche les écrouelles : ses derniers fidèles, des vieilles dames, des convaincus du progrès inéluctable, lui sourient, béats, de leurs bouches édentées, lui attrapent les mains, lui tiennent la manche… le spectacle est à pleurer. Elle est au Qatar, à Dehli, en Patagonie, au Monomotapa… En vacances, bientôt. Retraitée aux frais du peuple, bientôt. Elle crevait d’ennui dans les salons déserts de son palais, bientôt elle respirera l’air du grand large.

 

§. Nous tenons un cadavre de dictateur, M. Fidel Castro, pleuré par son peuple qu’il délivra, certes, de la dictature de Juan Batista unie à celle du dollar, peuple qu’il éduqua et soigna assez pour qu’il pût apprendre les tables de la loi révolutionnaire et applaudir à ses discours. Mais ce fut pour établir sa dictature personnelle, ne tolérer aucune contestation, pas même le moindre débat. Le peuple, soucieux de son estomac et de sa tranquillité, se soumit volontiers. Ceux qui ne le voulurent pas durent s’exiler en Floride ou crever en prison.

 

§. Nous tenons Mme Ségolène Royal, « ex-compagne de Son Incompétence », rénovatrice du lexique français (*), envoyée en mission à La Havane. Elle n’y trouva que joie de vivre, pleurs et regrets et pas l’ombre d’un prisonnier politique. Elle ignorait sans doute que là-bas les dissidents portent le nom flatteur de prisonniers de droit commun, soit celui des bandits et des criminels, et que les geôles en sont remplies, là-bas, oui là-bas où ils meurent parfois au nom du socialisme bien compris. Ségolène revient enchantée des sortilèges tropicaux !

 

(*) On se souvient que, du haut de la muraille de Chine, elle adjura ces messieurs du Quai Conti d’admettre dans leur dictionnaire le beau mot de « bravitude ». Ces ignares irrespectueux ne purent se plier à l’injonction. Se soumettront-ils lorsqu’elle ne manquera pas de leur proposer ses prochaines innovations lexicales… ? « Totalitude », qui devrait se substituer heureusement à « totalitarisme » ? « Socialitude » ?… etc.

 

§. Pour moi, je ne me tiens plus de honte pour avoir donné dans ce panneau du castrisme libérateur. C’était lors de l’épreuve pratique de certain concours, je donnais un cours d’une heure aux élèves d’une classe terminale au Lycée Jean Zay à Orléans. C’était en présence de l’excellente inspectrice générale, Mme Cécile Puveland, et du professeur-poète Gaston Marty, qui contribua à ma formation d’enseignant. J’avais eu la sotte idée de faire analyser et commenter à ces élèves, portés à une confiance encore adolescente, un extrait du fameux discours d’autodéfense que Fidel Castro prononça devant le Tribunal de La Havane, le 16 octobre 1953, lors du procès qui lui fut intenté pour l’attaque de la caserne de La Moncada. Le manuel intitulait le discours en usant de sa phrase la plus « relevante » (remarquable) : « La historia me absolverá » (L’Histoire m’absoudra). Le cours se déroula au mieux, je fus en quelque sorte intronisé avec les honneurs. Les élèves se montrèrent extrêmement coopératifs et manièrent fort bien la langue de Cervantès et de Quevedo, lesquels eussent sans aucun doute été scandalisés de ce que je les induisais à énoncer. Sans m’être livré ni les avoir invités à se livrer à de tonitruantes prises de position politique, ensemble et avec bonne conscience nous nous gorgeâmes ce matin-là d’une idéologie alors très partagée : des loges de l’Inspection générale aux professeurs, de ma faible tête aux fabricants de manuels scolaires et aux commentateurs des médias sans doute déjà accablants par leurs rabâchages de la pensée admise, à la presse, au cinéma, à M. Régis Debray et au clergé révolutionnaire d’Amérique Latine, MM. Castro et Guevara étaient mis au rang des saints marxistes. Nous sortîmes de classe enchantés, ayant fait sans le savoir de la politique de café du commerce et de l’idéologie façon stalinisme réchauffées au soleil des tropiques. C’était au matin du 27 mai 1969, entre onze heures et midi. Aujourd’hui encore, j’ai honte.

Le 19/XII

 

§. Syrie. Nous tenons une ville née il y a 5000 ans, un bijou du temps, pour une grande part d’elle-même réduite à des monceaux de gravats autour d’immeubles éventrés, avec peut-être encore trente ou quarante mille habitants, terrés, assoiffés, affamés, au pouvoir des derniers miliciens de Deasch qui assassinent ceux qui ne les servent pas, miliciens au seul service de la terreur d’Allah, eux-mêmes assiégés par les forces du régime de Damas, bombardés par l’aviation russe. Dans une autre direction plus à l’est, ils ont repris pied, pour quelque temps semble-t-il, dans les ruines de Palmyre. Ils sont probablement venus y achever, selon la tradition guerrière orientale, leur travail d’anéantissement de l’Autre, des signes de sa beauté, de sa cruauté, de sa civilisation, de sa barbarie, de sa grandeur passée, de son existence. Oh, pour ça, ils ne sont pas paresseux, allez ! Avant Allah, rien ! Autour d’Allah, rien ni personne que ses adeptes. Après Allah ? Sophisme indécent que cette seule pensée ! Après Allah, l’éternité d’Allah. Sombre déraison.

Le 20/XII

 

#. Fin d’une année ordinaire dans un champ de perles.

§. Le quotidien Le Monde est décidément le relais et l’organe de presse socialiste par excellence. Il ne le dissimule plus. Je veux dire socialiste à la Française, soit ce que le Grand mufti de La Mecque est au pape de Rome.

§. Mme Lagarde, ex-ministre des finances, aujourd’hui directrice du FMI, est condamnée pour « négligence », du fait des cadeaux par millions faits sous son contrôle distrait à M. Bernard Tapie. La Cour de justice de la République, en raison de sa notoriété, la dispense de peine et d’inscription au casier judiciaire. Quelque chose ne va pas ? Non, au contraire tout est bien. Mais vous, essayez de subtiliser ne serait-ce que cent euros au fisc français !

§. Le séducteur de Tunis. Elle a 13 ans, il la viole et l’engrosse, la justice tranche (Tribunal du Kef) : pour « l’honneur » les deux familles souhaitent étouffer le scandale, on la mariera donc à son violeur car le mariage arrête toutes poursuites. Justice est donc faite : le viol initial se changera en viols répétés, car peut-on aimer celui qui vous brutalise ? Peut-on aimer celle que l’on brutalise ? Est-il d’ailleurs question d’amour en terres d’islam ? C’est douteux. Cette jeune fille sera mise sous l’éteignoir du voile, vouée au silence, engrossée dix fois, son corps deviendra difforme, et, pour l’achever, l’arrivée de jeunes concubines, la vieillesse et la répudiation ? Des associations de défense des femmes s’émeuvent et luttent. Aimons, admirons le courage des femmes. Quant au séducteur, reconnaissons que ses méthodes ne manquent pas d’efficacité à défaut d’élégance.

§. Jeu de Go. Ce jeu est réputé plus complexe que celui des Échecs. Le champion coréen Lee Sedol est battu par quatre manches contre une par le programme informatique AlphaGo-Google-DeepMind ! On applaudit certes aux progrès de la technique, à ceux des programmateurs-calculateurs et de leurs machines ! Seulement, on oublie trop l’inouïe performance du jeune Coréen de trente ans. Gagner une seule partie contre une machine qui n’a pas de nerfs, ne connaît ni l’hypoglycémie ni la fatigue, est branchée sur une prise électrique, et qui, débranchée, n’est plus rien, cela tient du prodige. Lee Sedol, est un véritable champion, un humain d’une réelle bravoure, et il sait aussi cuire un œuf à la coque, s’habiller le matin, préparer un repas, faire danser une jolie fille, se mouvoir grâce à sa propre énergie, et il connaît mille choses diverses et variées… La machine est-elle capable de faire cuire un œuf tant qu’on ne l’a pas programmée en conséquence ? Elle n’est que machine : ferraille, circuits et mémoires imprimés… On la remplacera par d’autres plus puissantes, elle finira sur un tas d’ordures ou, au mieux, au musée des machines mortes.

§. Nos amis allemands viennent de connaître la monstrueuse attaque d’un marché de Noël par un camion fou, ou follement lancé dans le public. C’était ce 19 décembre 2016. Le chauffeur du camion, un polonais, a été assassiné pour que l’on puisse s’emparer de son camion de trente-huit tonnes ! L’attentat est annoncé comme d’origine islamiste (*). On compte douze morts et une cinquantaine de blessés. Cela rappelle fâcheusement que la même attaque se produisit à Nice le 14 juillet de cette année et fit encore plus de victimes. Les autorités allemandes guidées par la chancelière Mme Merkel ont « reçu », dans le sein du pays, environ un million de réfugiés. Ils sont musulmans dans leur grande majorité, englués dans leur combat de plusieurs siècles entre sunnites et chiites, incapables de comprendre que le passé, celui des croisades, est loin de nous et enterré, incapables de pardonner les anciennes offenses qu’ils relient à leurs sujets de victimisation d’aujourd’hui, incapables de comprendre une société et une culture où l’on travaille, où l’on rit et fait la fête entre hommes et femmes, où les traditions chrétiennes et humanistes sont encore assez vivantes pour n’être pas complètement mortes, comme c’est tristement le cas en France (**). Des Allemands, qualifiés d’extrémistes, de populistes, et même de nazis… élèvent la voix, disent ce qu’ils pensent, réagissent violemment… Ils n’en ont pas le droit : ce sont eux qu’on « stigmatise » et accuse, et non les véritables assassins. Nos amis allemands vont devoir apprendre à leurs dépens ce qu’est l’islamisme, et sans doute aussi l’islam, et son projet ultime. Ils en savent moins que nous, semble-t-il, encore qu’il y ait eu chez eux et qu’il y ait de très savants islamologues. Pas plus que ceux d’ici, on ne les entend. On importe la peste sunnite et le choléra chiite, tous deux indigestes, et on s’étonne de ne pas les digérer. On pense pouvoir les remettre dans un chemin de civilisation à l’européenne. On s’illusionne. Ils ne peuvent marcher dans notre fange de porcs innommables, leur religion le leur interdit absolument. On ne veut rien savoir de ces illusions idéalistes et en même temps dictées par la sphère économique. On commence à mourir sur les trottoirs de Berlin comme autrefois les Français sur ceux de Marseille, et, il y a peu, sur ceux du boulevard Voltaire et de la Promenade des Anglais. Désolé d’interrompre des tranquillités !… ma crainte est totale, et je la crois totalement légitime. M. Bernard Cazeneuve, dernier premier ministre croupion pour quinquennat en soins palliatifs, est venu nous annoncer, sur les écrans, que bien qu’ayant écarté de nous les menaces de vingt attentats, il était impossible de tout prévoir et parer, et que d’autres massacres de masse sont inéluctables. C’est comme dire : je sais, mais n’y pourrai rien. Couchons-nous donc sur les trottoirs, suivons les yeux fermés nos gouvernants islamolâtres, mourons heureux car nos âmes sont belles et c’est bien là le plus important.

 

(*) Nous apprenons, dans ces dernières 48 heures, que le meurtrier microcéphale est un jeune tunisien de 24 ans (son nom est révélé), qu’il est en fuite et recherché par toutes les polices d’Europe. Ce vendredi, ayant passé deux frontières sans être arrêté, il est tué par deux policiers de la ville de Turin qu’il avait d’abord agressés au pistolet, blessant gravement l’un d’eux. On ose croire que les autorités italiennes ne dénieront pas aux policiers l’évidence de la « légitime défense », comme ne manqueraient pas de le faire les autorités françaises pour lesquelles l’assassin n’est assassin que parce que victime d’abord d’un ordre social injuste dans un monde cruel.

(**) Je rappelle, une fois encore, que je suis résolument athée non prosélyte, pas même agnostique.

 

§. Fiscalité. Les théories de l’Impôt sont nombreuses et passionnantes. Sa pratique ne l’est pas moins. Au Portugal, le fisc vient d’innover de manière radicale dans ce domaine concret. Si dans notre pays l’on en est venu à soumettre à l’impôt le nombre des portes et fenêtres d’une maison, d’un immeuble, d’un appartement, sauf lorsqu’elles donnent sur un cimetière (*), eh bien, à Lisbonne, à Porto, Cintra, Coïmbra et Setubal… c’est le soleil et sa lumière que l’on va imposer lorsqu’ils baigneront les façades disposées à les recevoir, celles des belles demeures supposées habitées par des gens fortunés. L’idée est ingénieuse et peut être développée à l’infini : je propose dès aujourd’hui que l’on impose plus vigoureusement aussi l’imbécillité de ceux qui auront bâti face au Nord, car il n’est pas juste que l’impôt soit trop inégalement réparti et que la bêtise ne paye pas elle aussi ; ceux dont les pieds dépasseront la taille 42, car ils usent plus que les autres les passages pour piétons, les trottoirs et les pavés ; les messieurs à bedaine et les dames à forte poitrine, car à l’évidence ils mangent plus que les efflanqués et obtiennent parfois qu’on leur réserve deux places dans les avions. Les possibilités sont très nombreuses. Dans quelque écrit ancien je suggérais que l’on mesurât les capacités thoraciques de chaque personne adulte, afin de contrôler les quantités d’oxygène inspirées chaque jour, les quantités de gaz carbonique expirées, puis qu’on les imposât selon la hauteur des prélèvements d’air pur et des rejets d’air pollué effectués chaque année au détriment du corps social tout entier. Cette simple suggestion, le moment est venu, je crois, de la réaliser.

Le 23/XII

 

(*) Savez-vous lesquels de nos politiciens dont les fenêtres donnent sur le Panthéon, classé dans la catégorie des « cimetières », sont exemptés de cet impôt ? Il n’y a pas de petites économies.

 

§. La ville d’Alep est désormais assise dans le silence de ses ruines. M. Bachar al-Assad déclare que « le temps se transforme en Histoire », laquelle parlera donc pour lui et légitimera ses actes de cruauté durant ces cinq années. Il faut reconnaître qu’avec le soutien armé décisif des Russes, il est venu à bout d’autres assassins et destructeurs absolus, d’une effrayante dimension parce qu’enracinée dans le fait religieux qui, dans le cas d’Allah et de son prophète, est à considérer comme transhistorique, soit de toute éternité. On recommande à chacun de lire le Coran et les Hadiths. M. Obama s’est retiré sur ses terres en se lavant les mains. C’était peut-être sage, dans la mesure où dans les lieux où passent aujourd’hui les États-Unis s’instaure un chaos irrémédiable. Les Européens de leur côté reconnaissent leur impuissance noyée dans leurs bavardages de basse-cour, leur totale méconnaissance de l’Autre, de l’islamiste (*), lequel est dans un égal état de méconnaissance de ce que sont les Européens d’aujourd’hui.

 

(*) Un jeune berlinois, apprenant la mort de l’assassin tunisien sous les balles d’un policier italien, fait cette déclaration reprise par différents journalistes de télévision : « Je suis satisfait. Le voilà puni ». Ce jeune homme, apparemment instruit, ignore encore que ce « soldat de Dieu » n’est en rien « puni », mais qu’au contraire il a atteint la gloire du héros de l’islam et rejoint, ainsi récompensé, le paradis d’Allah. Juger de l’Autre à travers nos seules lunettes est la première et la plus grande des erreurs. Mme Angela Merkel commet la même, disant son incompréhension : « Pourtant, ne sommes-nous pas le peuple le plus accueillant ! » Elle ignore (ou veut ignorer) qu’elle appartient, avec tout le peuple allemand et les quelques musulmans modérés vivant en Europe, à la tribu détestée et méprisable des « kouffars », dont le seul destin est d’être éradiqués.

 

M. Bernard-Henri Lévy, dit BHL, en pleureuse patentée (souvenons-nous de ses simagrées de Sarajevo), gémit sur notre impuissance et « la sienne » – « J’ai hurlé dans le désert ! » – (ce mégalomane est impayable !), il larmoie sur l’indifférence du monde, le « silence assourdissant » (cet écrivain de peu manie le cliché oxymorique éculé avec maestria). Il a honte de tout et de tous, notamment de ses concitoyens – Il fallait s’y attendre, doxa oblige ! (*) – mais apparemment pas de lui-même. Bien au contraire, il fait montre, dans cet inénarrable article (Le M des 18 et 19/XII) de son héroïsme en esprit, de sa hauteur de vues, de ce qu’il ne sait plus à quel saint se vouer et vouer son combat à l’épée de carton, mettant en évidence son exceptionnelle conscience d’intellectuel entendu surtout par sa concierge. Il se dédouane et s’enrichit des médailles qu’il s’auto-décerne. Je suppose (mais peut-être me trompé-je de lieu de villégiature) qu’il ira passer, revêtu de ses costumes taillés chez les meilleurs faiseurs (voir à ce propos l’un des tout derniers « M », magazine de luxe du Monde dédié aux bobos et au socialisme « comme-il-faut ») quelques jours de vacances d’hiver dans l’un ou l’autre de ses riads de Marrakech, et qu’il rendra au commandeur des Croyants, le respectueux hommage d’une visite.

 

§. Parc nationaux de Doñana et des Everglades. Exemples de l’empiètement des hommes sur les territoires de la libre nature. Doñana, l’une des plus belles réserves naturelles d’oiseaux du monde est menacée, en raison des activités agricoles, par l’assèchement des trois rivières qui l’alimentent, par les groupes de pression industriels qui veulent en exploiter le sous-sol, par le chômage endémique dans cette région de l’Andalousie ; les Everglades, région marécageuse et parc national de Floride, sont menacées par la montée des eaux de la mer d’un côté, par l’agriculture industrielle (canne à sucre, élevage) de l’autre. Les hommes sont aujourd’hui au nombre de sept milliards et demi, ils seront neuf, puis onze milliards vers 2099. Démographie démentielle pratiquement jamais incriminée. Des barrières idéologiques, autant laïques que religieuses, s’y opposent. « Croissez et multipliez-vous ! » n’a jamais dit celui qui n’a jamais existé. On a inventé cela. On court à l’extinction de l’espèce humaine et des autres espèces par croyance aveugle dans les superstitions. On se bouche les oreilles tant que l’on ne subit aucune atteinte personnelle. Pourtant, aujourd’hui, nos plus grandes villes baignent dans les brouillards toxiques, des vieillards s’effondrent par faiblesse respiratoire, des enfants toussent et nous crachons dans des mouchoirs sales. Rappelons cette prophétie d’Alexandre Vialatte, que je cite de mémoire : « L’homme finira assis sur une chaise d’acier posée sur un cube de ciment ». Tout cela fait de beaux articles dans les journaux et ouvre d’avantageuses tribunes sur les « réseaux sociaux ». Les responsables montent des conférences internationales, s’agitent, font semblant d’agir. Vents. Illusions.

Le 31/XII

 

§. Cadeau de fin d’année. Pour une fois, la dernière, je rends un sincère hommage au Président François Hollande, qui a enfin pris la décision de gracier définitivement Mme Jacqueline Sauvage, que des juges moyenâgeux avaient deux fois de suite décidé de maintenir en prison, après quatre ans de geôle et quarante-sept ans de coups et de viols infligés par son bourreau de mari, qui en outre ne s’interdisait pas de violer aussi ses propres filles. Elle n’avait sans doute pas encore été assez punie. Ni sa vie assez pourrie. Elle devait payer encore. Pourquoi ? Parce que, selon ces Raminagrobis revêtus d’hermine, elle n’avait pas assez pris conscience de la gravité de son acte en tuant son bourreau d’un coup de pistolet dans le dos. On n’a sans doute jamais entendu parler, au Tribunal de Paris, de terreur et d’emprise ! Peut-on agir proprement dans un monde malpropre, sans brutalité sur le territoire des brutes ? Quarante-sept ans de légitime défense différée ! Et que sait un juge de l’intérieure conscience de la personne qu’il condamne ? Une magistrate (un comble !) est apparue aux petits écrans pour dire, au nom de principes abstraits et incompréhensibles au cœur humain, toute la révolte de son syndicat de magistrats contre la grâce présidentielle. Elle a toute la France contre elle, la misérable, y compris M. Vincent Peillon, qui pourtant sait mieux que personne que le droit de grâce nous fut légué par les rois sacrés à Reims, à Chartres, à Saint-Denis. Le pays, à l’unisson de ses divers responsables politiques, applaudit le président qui, s’il ne lui restait le pouvoir de gracier, ne serait plus aujourd’hui qu’un radis mou et défraîchi posé sur un fauteuil. La représentante d’une association féministe a de son côté déclaré que le président n’aurait agi que poussé et contraint par le poids de sa triste renommée qu’il veut ainsi redresser : bien petite, bien misérable cette volonté d’apetisser, de renvoyer à la médiocrité ce qui n’a rien de médiocre. Pour ma part, je porte cette grâce au crédit de M. Hollande, à qui par ailleurs je ne fais aucun cadeau, au crédit de son courage, de sa compassion, de son sens de la justice alliés à un peu de raison dans cet univers d’intolérante folie. Mme Sauvage, bientôt âgée de soixante-dix ans, va enfin connaître une vie vivable, avec sa famille, et entrer moins malheureuse dans l’année nouvelle. M. Le Président, vous avez agi avec honneur, vous vous êtes montré ici à la hauteur de votre fonction. Avec la plupart des Français je vous rends hommage, et non moins aux filles de Mme Sauvage, à leurs avocates et aux associations de femmes qui, en la circonstance, n’ont jamais baissé les bras.

Du 28 au 31/XII

 

§. Lectures, littérature. Au cours des prochains Carnets, j’espère me distraire assez du monde pour leur consacrer quelques lignes chaque mois.

Les Brûlots poétiques d’Ilda Tomas (publiés aux Éditions Hermann), regards aigus sur la littérature française de notre temps, nous apportent beaucoup. Cette universitaire espagnole n’use pas du jargon des écoles. Elle ausculte avec rigueur et empathie des œuvres lointaines ou proches. Elle nous rafraîchit la mémoire ou nous invite à découvrir ce que nous avons pu négliger de lire. Elle cherche dans l’œuvre le noyau poétique parfois invisible parce que trop visible, ce qu’elle appelle le « brûlot » qui, en termes de marine, règlera son compte au navire ennemi, à l’aveuglement, parfois à la bêtise. Ces remarquables études seront plus profondément analysées dans La Cause littéraire.

Relecture de quelques nouvelles de Paul Morand : Hécate et ses chiens, Le dernier dîner de Cazotte, Tendres stocks. Non, bien entendu, parce que cet écrivain laisse transparaître ici ou là son esprit raidi dans l’amour des choses vermoulues, son racisme, son antisémitisme viscéraux, mais seulement parce qu’il écrit mieux que bien, presque très bien. Comme seuls écrivent les gens de droite, qualifiés de réactionnaires et illico disqualifiés pour cette raison. La raison progressiste est incapable de lire dans l’époque, de s’extraire de ses jugements préalables, de replacer les mots dans leur histoire : elle est si peu raisonnable qu’elle imagine que ce serait là comme accepter l’idée qu’elle ne supporte pas, se livrer à une traîtrise. Donc, lire Morand serait comme un péché mortel : le catholicisme a laissé des traces plus profondes et secrètes qu’on ne le croit. Et je me suis toujours demandé à quoi sert une école républicaine et laïque qui n’a pu enseigner l’esprit critique, toujours indispensable dès que l’on ouvre un quotidien, un livre. Bien écrire est utile, ne serait-ce que pour la santé de la langue. L’attrait est irrésistible. C’est une question de rigueur et, quoi qu’on en ait, une manière d’honnêteté. En outre, refuser de lire l’adversaire, c’est se condamner à ne lire que soi-même, se vouer au psittacisme mental. Donc j’y prends plaisir. J’admire la plume-scalpel de Morand. Son implacable exactitude. Sa démarche rigoureuse dans la construction. J’admire même son art de jeter dans la balance l’épithète désaccordée, le qualificatif décalé jusqu’à l’inimaginable, l’effet en somme. Je dois avoir tort sur ce point, car dans sa superbe préface à Tendres stocks, c’est précisément ce qui chiffonne Marcel Proust : « Le seul reproche que je serais tenté d’adresser à Morand, c’est qu’il a quelquefois des images autres que des images inévitables. Or, tous les à-peu-près d’images ne comptent pas. […] Alors mieux vaut pas d’images ». Aragon, à propos de Tendres stocks, reprend le reproche avec encore plus de véhémence : « Il écrit mal, et en a conscience… […] Et des adjectifs en veux-tu, en voilà, et des compléments circonstanciels ! Paul Morand : un auteur de circonstances » (Note à Jacques Doucet). Oui, dans cette nouvelle, les fenêtres sont « craintives », une inimitié ne naît pas, elle « s’exhume », etc. Trop c’est trop. Ce vice diminuera par la suite, ce pourquoi j’ai apprécié quelques réussites, dans Hécate notamment. Mon goût corrompu, je suppose (Pléiade, Nouvelles complètes de P.M., vol. I, p.11 et p.886).

Nous nous offrirons un modeste balthasar pour cette nuit du passage de l’an. Je continuerai à lire P. Morand. Cela aidera à faire passer le temps, le temps indigeste, l’imbuvable temps.

Le 31/XII/2016

 

A Rigolade house :

Suites du duel improvisé dans le couloir du commissariat du XIIe arrondissement. On ne rigole plus. Les Parisiens survivent parmi de lourds nuages de particules. Les victimes du massacre improvisé respirent encore dans divers lieux de santé de la capitale. Le professeur Alexis Purgon a été emmené à l’hôpital Necker où l’on ressoude sa clavicule droite brisée comme bréchet de poulet ; le commissaire Augustin Déroulède se remet d’une déchirure profonde au mollet droit dans les locaux de l’Hôpital américain. La vue du professeur a en effet beaucoup baissé depuis sa mise à la retraite : cet être sans pitié visait le cœur de son adversaire, il a touché le mollet et entamé le tibia. Le commissaire a confessé, dans un souffle qu’il croyait devoir être le dernier, qu’animé par l’esprit de Fontenoy et de 1870 (côté Galliffet), il avait voulu loger sa balle entre les deux yeux du professeur dans une sorte d’emportement vengeur spontané. Il a avoué détester les professeurs, car ils le firent beaucoup souffrir depuis les bancs de l’école communale où il lustra ses fonds de culotte. Pour le merle assassiné en plein vol, on n’a rien pu faire. La Société Protectrice des Volatiles a porté plainte. Les dames sont choquées, certaines ne quittent plus leur lit. Réconcilier les ennemis d’hier ne va pas être facile. Le tout Paris (des grands bourgeois aux voyous des banlieues) et la presse aidant, on ne parle que de la nécessité ou de rétablir le duel ou de l’interdire à nouveau sous peine de mort (à rétablir elle aussi) : c’est pure logique nationale. Le gouvernement, pour étouffer la querelle, se prépare à user du 49.3, arme redoutée pour son calibre extra-républicain. Rigolade House est provisoirement fermée, son rideau de fer est baissé. Nul ne sait de quoi demain sera fait.

(À suivre néanmoins)

 

Définitions-éclairs (*)

Paix : Brève période de fausse tranquillité – ou paix fourrée entre deux conflits épuisants et interminables. Paix des cimetières : là où il n’est plus rien à négocier. Paix des cimeterres : après qu’on a refusé de négocier. Paix romaine : préfigura les colonisations réussies dont la nôtre. Paix aux hommes de bonne volonté ! Vœu pieux énoncé à tout hasard et en désespoir de cause.

Pardon : Acte masochiste, le bénéficiaire du pardon n’ayant pour projet que de se venger de l’humiliante indulgence.

Parents : Malfaiteurs que la loi encourage et que la morale approuve. L’exemple qu’ils donnent est déplorable en ce que leurs malheureux enfants ne manqueront pas d’être parents à leur tour.

Parole : Quoique sa fonction soit de clarifier, finit toujours par engendrer le fatal quiproquo. Cela est dû au fait que chez l’homme la pensée n’intervient qu’exceptionnellement, avant comme après la prise de parole. N’avoir qu’une parole : limiter les risques. N’avoir pas la parole : rend les bêtes sympathiques.

Partisan : Le plus mal placé pour juger de la question posée. Il ne se retient pourtant pas de donner ses avis sur le ton de l’autorité incontestable.

Pas : Le premier est la deuxième erreur, la première ayant été de naître. Il n’y a que le premier pas qui coûte : preuve de l’erreur. Faux pas : pléonasme. Avancer pas à pas : faire preuve d’une vaine prudence. Salle des pas perdus : la planète Terre.

Patriotisme : A engendré les massacres les plus réussis de l’histoire. Il est des périodes où c’est vertu, d’autres où c’est péché. Peut-être la cause en est-elle ce que dénonçait Péguy : « Les patries sont toujours défendues par les gueux, livrées par les riches ».

Paysans : Travailleurs de la terre munis d’engrais, de pesticides, et de puissantes machines, connus de nos jours sous le nom de cultivateurs, ou encore d’agriculteurs. En somme, des machines agricoles eux-mêmes. Ils ignorent donc ce qu’est un paysage et ne font aucune différence entre une contrée herbeuse et boisée et un vaste espace de territoire lunaire. Ils forment l’avant-garde aussi naïve que redoutable du Land Art.

Pauvres : Il n’y en a plus. Passés dans la machine recycleuse sociale et l’essoreuse lexicale, ils sont entrés dans les catégories plus flatteuses, et même valorisantes, des classes défavorisées,économiquement faibles, exclus, SDF, etc. Jonathan Swift explique par l’hygiène excessive la disparition des pauvres : « Je demandais à un homme pauvre comment il vivait ; il répondit : Comme un savon, toujours en diminuant ».

Pédéraste : N’existe plus que dans les vieux romans. S’est substitué à lui le pédophile, soit le professeur de bonnes manières se déléguant, par pur altruisme, auprès des jeunes enfants afin de les faire bénéficier d’une éducation accélérée. Les esprits libérés s’en accommodent admirablement, sauf si le pédéraste jette son dévolu sur leurs propres enfants. Dans tout autre cas, ils s’inspirent de l’apostrophe de Lautréamont : « Ô pédérastes incompréhensibles, ce n’est pas moi qui lancerai des injures à votre grande dégradation ».

Peau : Fine pellicule qui nous sépare du monde. Sa sensibilité est extrême, d’où le grand nombre des écorchés vifs. Quelques locutions de peau de banane : « J’aurai ta peau » ne signifie pas le violent désir de caresser la peau satinée d’un autre être, mais plutôt celui de la lui arracher pour s’en faire un abat-jour ou un sac de dames ». « Avoir quelqu’un dans la peau », vivre à l’étroit. « Tenir à sa peau », lui accorder un prix excédant de beaucoup sa valeur. « C’est une peau de vache ! » Expression visant à déconsidérer les ruminants.

Pensée : « Chaque pensée est une exception à une règle générale qui est de ne pas penser », Paul Valéry. « Je pense que l’on a tout à craindre de l’homme qui pense. Ou bien il médite de nous nuire, ou pire encore, de nous rendre heureux », Michel Le Maniak. Descartes voyait dans la pensée la preuve de notre existence. Preuve nécessaire peut-être, mais non suffisante : on en rencontre chaque jour qui existent sans avoir jamais pensé.

Père : Complice d’un acte inconsidéré dont les conséquences lui restent souvent étrangères. Mauvais père : celui qui a agi en connaissance de cause (cas rare, il est vrai). Bon père : formule utilisée pour parler d’un religieux ordinairement sans enfants. De père en fils ! de mal en pis.

Pessimiste : Jean Rostand ne manifestait pas à son égard le mépris courant chez les bons esprits : « Je me sens très optimiste quant à l’avenir du pessimisme ».

Philanthrope : Ce type de malfaiteur prétend œuvrer à votre bonheur. Vous le reconnaîtrez, trop tard, aux malheurs qui accablent ceux dont il a voulu s’occuper.

Picasso : L’expression « C’est un Picasso » signifie aujourd’hui : « C’est un chef d’œuvre admirable » ou « C’est une croûte abominable ». Souvent aussi : « Cela vaut des millions ».

Pitié : Sentiment archaïque. En raison de l’existence de la Sécurité sociale, du RSA, des assurances tous risques et des associations de défense des droits de l’homme, tout mouvement de pitié doit être assimilé à un délit.

Plagiat : Son nom contemporain est l’intertextualité. Nos grands classiques nous ont montré la voie.

Plaire : Cet art difficile s’est considérablement simplifié : montrez aux foules vos avantages, vos attributs, déculottez-vous, soyez grossier, inepte… et le succès, voire le triomphe vous sont acquis. Chamfort voyait là une rude ascèse morale : « Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses que l’on sait par des gens qui les ignorent ».

Plomb : La plume de certains qui vole sur le papier avec de la mitraille dans l’aile.

Poing : Le premier argument dialectique du faible d’esprit. Le dernier dans une discussion un peu vive.

Police : Universellement méprisée et honnie. Faites appel à elle, néanmoins, si vous entendez à minuit un bruit suspect dans votre cour ou si votre petite sœur se fait violer par un de ces voyous dont vous prendriez la défense en toute autre occasion.

Politique : « La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde », Paul Valéry. « La politique des petits pas », elle retarde la catastrophe. « Celle de la table rase » la rend immédiate. « Celle du pire », mensongère. Une pire encore est inévitable, « Celle de l’autruche », pas la plus stupide, si du moins l’autruche sait dans quel sable se cacher la tête. « La realpolitik », on croit lui donner un poids supérieur d’efficacité en l’affublant d’oripeaux germaniques.

Polygame : Pervers masochiste jouissant d’une excellente santé. S’il est femme, on l’appellera polyandre.

Populiste : Autrefois, de l’autre côté du Rhin, surgit un politicien populiste : il fallut cinq ans de guerre et 80 millions de morts pour en venir à bout.

Préhistoire : La relative méconnaissance que nous en avons permet de nourrir quelques illusions sur nos ancêtres : il leur arrivait de se manger les uns les autres, certes, mais seulement dans les années de grande disette.

Préjugés : « Nous devons de la reconnaissance aux esprits qui ont combattu les préjugés. Mais il est plus aisé de les louer que de les imiter », Anatole France

Prélude : Établit un état d’esprit convenable à l’écoute d’une symphonie entière. En amour, tout prélude devient « préliminaires », lesquels supposent l’approche de frontières délicates. Debussy a suggéré tout cela dans une pièce célèbre.

Priapisme : État de grâce dont on ignore le prix à vingt ans, et hors de prix à quatre-vingts. Victor Hugo fut béni des dieux qui, selon certains, déclara en son vieil âge : « Jusqu’à quatre-vingts ans, j’ai cru que c’était un os ».

Prochain : Aimez-le, il ne manquera pas de vous le rendre au centuple. Commentaire incontestable « Aimer son prochain est chose inconcevable. Est-ce qu’on demande à un virus d’aimer un autre virus ? », E. M. Cioran.

Progrès : Du latin progressus. Pur effet d’annonce. Sorte de village Potemkine dressé dans les esprits pour y occulter l’infini paysage de la bêtise, de la cruauté et des barbaries régressives.

Progressiste : Cet homme, se disant de gauche mais très au fait de l’art du placement financier à usage personnel, s’efforce d’ajouter aux calamités d’usage courant des afflictions inédites présentées sur le nom de « réformes indispensables ».

Publication : Acte téméraire qui attirera sur l’ouvrage publié soit un envoûtant silence, soit une avalanche d’inepties. On ne sait ce qu’il faut préférer. Dans les deux cas, l’ego de l’auteur n’est menacé que par sa propre fragilité.

Pugilat : Au prix de quelques contusions, aplanit d’ordinaire les différends entre individus de sexe masculin.

 

(*) Par souci de vérité, nous tenons à rappeler que la plupart de ces définitions, avec d’autres, figurent, identiques ou plus développées, dans un ouvrage intitulé « Petit vocabulaire de survie », publié en 2012 aux éditions Hermann.

 

Fin du Carnet XLVII, pour décembre 2016

 

Michel Host

 


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A propos du rédacteur

Michel Host

 

(photo Martine Simon)


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Rédacteur. Président d'honneur du magazine.


Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures.

Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne.

Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.

Derniers ouvrages parus :

La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015

Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014

Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010

L’êtrécrivain (préface, Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020

L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)

Publication numérique, Les Editions de Londres & La Cause Littéraire

 

Traductions :

Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018

Aristophane, Lysistrata ou la grève du sexe (2e éd. 2010),

Aristophane, Ploutos (éd. Les Mille & Une nuits)

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)

Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique (2011)

Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016

Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002

Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éditions de l’Escampette, 2005