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Cailloux, Michel Stavaux (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 13.01.22 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Cailloux, Michel Stavaux, éditions D’Hez, avril 2021, 59 pages

Cailloux, Michel Stavaux (par Didier Ayres)

 

 

Étrangeté

Il y a parfois des livres qui produisent une impression de distance, parce que, par exemple, il manque des images ou de la chair, distance que l’on ne prémédite pas, distance parfois nécessaire pour entrer dans un univers. Il est rare de traverser un recueil semblable à l’idée que l’on se fait d’une grande poésie, ou de se sentir proche d’un mot de cette quête de langage, quête du langage. Ici, le plus frappant, c’est la manière d’aller vers l’abstrait, de ne pas ressentir la contingence de l’existence de l’auteur, qui permet au lecteur de vagabonder dans cette zone au-dedans, dans l’esprit, où la pure parole, la pensée comme soupesée à l’aune de l’éclat, laissant un goût de beauté sans que l’on en connaisse la substance.

Chanson

Le calme de l’eau intérieure

Et le froid enchaîné du ciel

Font un pacte sur la souffrance

Le respect mutuel des monstres

C’était une leçon d’hiver

Celle du malheur attentif,

La nourriture du chat maigre

Comme morsure sur le gel

Nouvel assassin ingénu

L’époque aux armes de jeunesse

Autour les heures dansent nues

Pour accueillir l’âge banal

Tout cela confine à l’étrangeté. Voir du connu dans de l’inconnu, ou inversement sentir que l’inconnu infuse dans le su ou le connu. Cette langue n’hésite pas à frapper, à côtoyer le mystère, parfois si étrange que la lecture devient lunaire, énigme de la parole poétique. Ainsi, si duplicata de la réalité il y a, c’est pour que nous puissions nous tenir un instant en suspens au-dessus de la question du poème. C’est esthétique pure, dénuée d’obéissance, travaillée suffisamment pour que le poète trouve une sorte de paix, le grand calme des cieux.

Donc, pas d’agrégats baroques, une langue lisse et voluptueuse, plaisir du texte considéré comme sa propre justification, comme si son existence était pour toujours saisie étrangement dans des grandes abstractions englobantes et lyriques. Je livre un dernier poème :

 

Entre chien et loup

Où l’orgueil d’un suivi

Un animal errant

Le soir ce chien d’attaque

 

Didier Ayres


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.