C’est pourquoi voler, Laurent Mourey
C’est pourquoi voler, Laurent Mourey, Contre-allées, collection Lampe de poche, juin 2014, 5 €
C’est pourquoi voler, Laurent Mourey, Contre-allées, collection Lampe de poche, juin 2014, 5 €
Poursuivant son chemin de poèmes, depuis D’un œil, le monde (L’Atelier du grand Tétras, 2012), Laurent Mourey fait se tendre la douceur, la délicatesse d’un moment d’intime bouleversement, avec les mots qu’il fait se succéder sur la page, doucement succéder, pour que monte une résonance (monte tendrement) : pour que la musique nous trouve, et nous trouble. Nous trouve et nous cherche : continue de nous chercher, alors qu’elle nous a trouvé. Nous cherche inlassablement, pour que nous soyons à jamais ce qui jamais ne pourra être trouvé. Car être, pour l’auteur, c’est être en secret, bien qu’à la vue de tous. Et se tenir avec son secret, comme des pierres, au fond de l’eau.
Laurent Mourey fait se succéder les mots sur la page pour que le blanc fasse, pour que le blanc soit. Et que tout résonne au-dedans : au-dedans du blanc, au-dedans de nous.
Lisant, on ressent le claquement d’une voile, la mer à perte de vue, car voler n’est pas si loin ; on ressent le soleil, qui fond, fond… Et ses gouttes brûlantes tombant avec l’horizon dans notre intériorité font le paysage (de ce qui se vit, entier) un peu plus troublé.
Quelques extraits, pour vous donner la mesure d’un tel recueil :
comme ouvre
et encore
l’ébat la vue
à coups d’ailes
et puis quoi
*
se porter maintenant
plus que par les yeux
c’est pourquoi voler
vient d’abord
*
sais-tu si nous avons
assez de jour
pour toute cette lumière
je tendrai la main encore
cette caresse
au ciel ton toucher
de bouche on
ne se partage pas l’infini
on se le donne d’en avoir
trop de sens
*
tu me dis viens
tu me tiens partout
[…]
nous nous démenons de nous venir
*
déjà je suis au passé
et c’est mon avenir qui me fait je
passe dans tes nuis j’en rapporte le plus grand
jour j’y invente
ma vie
Matthieu Gosztola
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