Brise, Bernard Grasset (par Didier Ayres)
Brise, Bernard Grasset, éditions Jacques André, septembre 2020, 50 pages, 13 €
Vers une poésie cumulative
Ce recueil de poèmes de Bernard Grasset est accessible grâce à des mots simples, une prosodie que l’on dirait pauvre parce que dénuée d’apparats et d’ornements, mais écrit sous la lumière faîtière d’une lecture de la Bible, à la fois utilisant la métaphore, dans son registre spirituel, et composant une musique humble qui tremble au-dedans du texte. Simplicité donc, cherchant dans la locution verbale, celle du croyant sans doute, plus que désignant des hauts faits moraux, idéologiques, quêtant en son propre sein le rituel poétique voulu. Et comme je considère que la patrie des hommes c’est le livre, je dirais que cette brise, ce vent doux, nous rapproche de l’homme, de celui-là qui espère et demande à s’augmenter de son humanité, brillante sous le feu solaire de la foi, du sacré, ou de la mort peut-être.
Cette langue retenue s’articule sur peu de verbes et agit plus sur le mode de l’accumulation de mots devenant des épithètes, construisant en cumulant, à l’image des énumérations par exemple des ordres sacramentels, de la disposition du temple dans l’Ancien Testament. Les substantifs nous ouvrent un chemin qui nous conduit plus loin que nous-mêmes, dans une expérience de l’espoir, expérience de l’espérance si chère à Péguy.
Tu marches, écoutes.
Éclairs et nuée,
Le rideau, la tente,
Une parole revient
À la cime des présences.
Simplicité, humilité, lexèmes faibles en un sens, paroles sans orgueil, pauvreté de l’apparence, choix d’un lieu sans fioriture, au croisement de routes de campagne, où l’on court avec le poète au milieu de collines et de ruisseaux, d’aubépines et de bruyères, afin que commence un rêve.
Poésie de peu de verbes, souvent à l’infinitif comme pour mieux rappeler leur origine. Et de là, semble-t-il, propos tributaires de syntagmes presque archaïques, s’ouvrant peu à la richesse de l’icône, pour mieux spiritualiser la personne et le texte. Il s’agirait conditionnellement d’un réalisme sacré, ou d’une immatérialité concrète, expression de matières doubles et duelles.
Les saisons, l’oubli,
Arcades de soleil,
Aimer et bâtir.
L’obscurité, l’abandon,
Chênes et acacias,
L’œuvre du silence.
Je sarcle, taille,
Pour que demeure
Le vin du poème.
Pour conclure, je reprendrai ces trois vers :
Lire, écrire, dire,
Escalier silencieux,
Roseaux des présences.
pour définir la mission du poète, et son devoir, et sa peine, de connaître, de parcourir des œuvres, sans ambition mais avec la modestie de l’ascèse et du labeur.
Didier Ayres
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