Braves gens du Purgatoire, Pierre Pelot (par Gilles Banderier)
Pierre Pelot, Braves gens du Purgatoire, Paris, 2019, 508 pages, 22 €.
Edition: Héloïse D'Ormesson
Le Purgatoire où vivent ces « braves gens », personnages du dernier roman (on reviendra sur cet adjectif) de Pierre Pelot n’est pas le lieu théologique, mais un village du massif vosgien, à flanc de montagne, non loin de l’Alsace et de la Haute-Saône ; en fait un lieu-dit de la commune du Thillot, près de Saint-Michel-sur-Moselle, où gîte l’écrivain. On se gardera bien entendu de faire de ce roman un ouvrage à clef.
Pour qui a lu le livre de Pierre Pelot (où l’influence de Giono est manifeste) en connaissant quelque peu le département des Vosges, le Purgatoire évoque des villages sinistres et sinistrés tels que Moussey ou Lépanges-sur-Vologne, théâtres de crimes effrayants et plus ou moins médiatisés. Un crime, précisément, s’est produit au Purgatoire : un couple de vieillards a été retrouvé dans sa maison, elle abattue d’un coup de fusil, lui pendu au bout d’un fil électrique, dans le grenier. La gendarmerie locale et les enquêteurs de la police judiciaire, venus de Nancy, concluent au « drame familial ».
Mais, lors des obsèques, les gens bavardent – tous se connaissent, ils n’ont jamais quitté leur village – et suggèrent qu’il pourrait bien y avoir autre chose. Que ce couple de vieillards aurait pu détenir un lourd secret, qu’il eût été préférable d’ensevelir à jamais (c’est à présent chose faite – mais le secret a-t-il disparu avec eux ?). Que Maxime, l’assassin suicidé (selon la gendarmerie) n’était du genre ni à tuer sa femme, ni à se supprimer ensuite. Qu’on avait aperçu non loin de leur maison deux hommes que nul n’avait jamais vus dans la commune.
Quelques semaines après la parution de Braves gens du Purgatoire, Pierre Pelot annonça par le truchement d’un « réseau social » que ce roman serait le dernier dans tous les sens du mot, à la fois le plus récent et le point final apposé à une œuvre profuse, dont l’évaluation critique pourrait réserver des surprises. L’ouvrage reprend certains des thèmes chers à l’auteur, entre autres les États-Unis (d’où vint un couple qui fit souche au Purgatoire et dont descendent plusieurs protagonistes) ou le département des Vosges, que Pelot connaît de première main, avec sa grisaille humide, ses villages frappés par la désindustrialisation et ses corollaires, la misère, la paresse, l’alcoolisme, la violence.
Il serait inexact d’écrire que ce roman à la structure complexe possède un « héros » ; deux personnages se détachent cependant : l’un est une jeune femme, Lorena, petite-fille des vieillards abattus, suicidés ou assassinés (ce qu’elle voudra savoir). Le petit ami de Lorena ne vient pas de très loin (le Jura français), mais c’est assez loin pour que la xénophobie diffuse propre aux petites communautés lui rappelle sans trêve et sur tous les tons (« Jurassien », « Jurassic »…) qu’il n’est pas d’ici, à tel point qu’il finira par abandonner ces parages inhospitaliers et la demoiselle avec. L’autre personnage est Simon Clavin, double irréfutable de Pierre Pelot (tous deux ont un fils mort jeune d’une rupture d’anévrisme). Jadis prié à Paris pour parler de ses ouvrages dans des émissions littéraires, Simon Clavin est, sur le mode mineur, l’aède, le rhapsode du Purgatoire, sa mémoire, le dépositaire de secrets bien gardés, qui aide Lorena à savoir ce qui s’est produit et, surtout, pourquoi cela s’est produit.
Gilles Banderier
Né en 1945, Pierre Pelot a signé plus d’une centaine de livres, du roman policier à la science-fiction en passant par la bande dessinée.
- Vu : 2117