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Bethani, Martine-Gabrielle Konorski (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres 16.12.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Le Nouvel Athanor

Bethani, Martine-Gabrielle Konorski, mars 2019, Préface Emmanuel Moses, 68 pages, 15 €

Edition: Le Nouvel Athanor

Bethani, Martine-Gabrielle Konorski (par Didier Ayres)

 

Le poème-traversée

Pour dire le voyage, il faut faire confiance au lexique de la pérégrination, et aussi à l’aptitude de la langue à immobiliser, à saisir la traversée, la perambulation, cette course faite à la lumière des étoiles de l’Épiphanie par exemple. C’est là le privilège principal du recueil de Martine-Gabrielle Konorski. En effet, tous les poèmes du livre contiennent peu ou prou l’idée du mouvement, d’une quête que la poésie invente et réifie tout à la fois. Ces poèmes disent la mobilité du trajet, de l’exode (et sans doute en relation avec le livre de l’Exode) mais ramené à une errance vers Bethani – Béthanie en vérité – qui en hébreu signifie la maison de pauvreté comme le note Emmanuel Moses dans sa préface. Le voyage se déroule donc non pas dans le lustre d’une croisière pleine de divertissement sans esprit, mais préfère la quête spirituelle, non pas vers l’acclamation, la richesse et l’apparat, mais vers la simplicité, un langage pauvre qui seul garantit la nomination mystique de cette « maison de pauvreté » où campe la poétesse.

Le poème ici ne s’arrête pas aux mots, mais suit cette étoile de Bethléem immatérielle de la nuit intérieure où se guider, inventer une relation au divin, fût-elle une épiphanie spirituelle, qui se réplique dans le soi, dans une toponymie, dans une topique de la présence, en quelque sorte issue de la pauvreté de notre destin d’individu, de créature mortelle.

 

C’est la route de Bethani

qui s’ouvre devant eux

Grandement des cailloux

sous la poussière

des roues

 

Ainsi, il faut espérer. Et comme toute créature vouée à son mystère, au secret infranchissable de la mort, on espère la fin des souffrances, on espère un prophète ou le Messie, Moïse ou Jésus Christ, Mohammed, sans pour cela quitter la poésie. Du reste, dans ce recueil, c’est cette poésie ascensionnelle, colline de parole, promontoire spirituel, qui nous porte à éclaircir cette énigme, là dans sa curieuse demeure de pauvreté qui, pour finir, est notre destin charnel, chair toute penchée à la destruction et à la mort, la cendre.

 

Infinité

des jours sans pluie

Tous les fleuves

dans le cœur

La rose des vents

nous y conduit

 

Lisons cette poésie de la marche au désert, marche à pied simple et argumentée, tournée vers le village de Beth Ania, marche chtonienne, contact avec le simple élément primordial de la terre, la terre-mère, la terre-lieu, la terre-livre, la terre-Bible. Et ne quittons pas cette pérégrination qui reconduit l’être à Être, à advenir, dessine une route, un chemin de l’exil intérieur, souffrant de la perte et du manque que tout exode provoque et signifie.

 

La main des étoiles

a été

le seul guide

Traversées sans limites

Éclairements

aux méandres

du vent

La tête portée

par le cri des oiseaux

 

Didier Ayres

 

  • Vu : 1990

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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.