Identification

Bathyscaphe de plumes, Philippe Guillard

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) 10.05.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Bathyscaphe de plumes, Ed. Wallada, coll. La merlette moqueuse, avril 2017, 99 pages, 10 €

Ecrivain(s): Philippe Guillard

Bathyscaphe de plumes, Philippe Guillard

 

Des coïncidences magnétiques allument parfois leur brasier d’oiseaux dans le feu de l’inspiration. Un seul signe suffit. Ainsi, en tournant autour de ce Bathyscaphe de plumes signé Philippe Guillard, avant d’entamer ma part du voyage, je pensai d’emblée à L’Aigle noir de Barbara. Rien à voir, si ce n’est la réapparition d’un Oiseau noyé dans l’océan noir d’une réalité plombée, et s’en expulsant à force d’envols à la rescousse, notamment par l’envergure des mots. Rien à voir, si ce n’est dans les remerciements du poète adressés sur le seuil du livre, l’évocation de Barbara, justement.

Le voyage commence par la marche d’un homme. Le temps nous propulse plus loin que nos erreurs du passé, faisant de nous sur les bifurcations de notre cheminement, des enjambeurs de l’infini. Quand la courbe du temps s’inverse par le voyage initiatique et magnétique des mots, le poète approchant de « l’instant du mourir » peut espérer ici, maintenant, se retourner et naître.

« (…)

Maintenant que je marche le long d’un chemin long

et que tout me revient qui veut sortir.

Comme remonte la mémoire à l’instant du mourir.

À moins que je ne sois en train de me retourner et de naître.

Tout est tellement à inverser.

Car ce qui est pour quelqu’un une entrée, est pour un autre

une sortie.

Alors, et si j’étais en train de naître alors que pourtant

tout me dit que je suis en train de mourir.

Je me suis tellement trompé. Tout le temps. Tellement tant.

Oh oui. Si je pouvais être en train de naître ».

 

L’amour bouleverse le temps des hommes, nous prodiguant l’espoir que tout peut recommencer, recréer le premier cri.

 

« Si tout pouvait recommencer maintenant.

Le soleil. Et cette nuit au bord de la fenêtre

où je t’ai retrouvée. Moi qui t’avais perdue il y a longtemps

si tout pouvait recommencer. À rebours. Maintenant.

Le soleil. Et toi dedans. Maintenant. Aux deux bouts

De l’infini ».

 

Retourner à l’origine – la quête du Big Bang à et où (se) recommencer – reviendrait à « ne garder que le cri » face au silence « inépuisable, insécable ». Revenir au monde originel avant que n’adviennent les mots, revenir aux mots originels du monde. Le doute et le constat de s’être trompé travaillent immanquablement le poète cherchant « l’issue du labyrinthe à travers (sa) vie, afin de déséchouer et d’amarrer ». La nuit éclaire ce qui reviendra « demain matin » (Léo Ferré), advenu hier, l’urgence intérieure, insurrectionnelle revêtant nos silhouettes temporelles en quête de « l’éternité de l’instant de l’amour » (Léo Ferré). Pour le Bathyscaphe de plumes chaque jour et les mots « sont d’une texture nouvelle » : « Ils ont été coulés demain matin » (La Solitude, Léo Ferré). Si le temps nous est compté, il l’est par le rythme de cet « affouillement » liquide organique cosmique où le trémail du vécu résonne des voix anciennes et de celle active de nos carcasses ballotées d’existants « appel(ant) à la grâce ».

La Mémoire et la Mer (Léo Ferré) remonte d’« il y a longtemps, si longtemps », brassant mêlant nos univers reliés les uns aux autres et aux « embryons de galaxies », qu’hier est aujourd’hui qui est demain matin, et nos escapades nous grandissent, tout à tour « jardin sans blessures » dans le berceau de l’innocence, puis Amour dans le ventre duquel « Nous était rêvé », avant de « (s’)appuyer contre du vide » d’où nous extraire par propulsion (ré-)créative. Le Bathyscaphe de plumes du poète Philippe Guillard figure en sa singularité l’esquisse de nos existences balbutiantes pourvu que l’on y mette le jus d’un soleil magnétique, poétique à chaque instant de l’éternité qui passe. Et même si c’est « la pluie noire qui (lui) coule dedans », le poète s’ébroue, debout ou fauve fourbu, dénouant les écueils, plongeant en apnée pour mieux ressortir la tête haute réappareillée par le vent le soleil et les mots, tête habitée par le rêve et le réel où chercher un cœur par le franchissement des « remugles de lumière ».

Un trésor enfoui repose dans les profondeurs comme maritimes, un Bathyscaphe de plumes près d’émerger à tire-d’aile mouillée, le corps non noyé, l’âme rescapée, l’envol salutaire des mots changeant le « cercueil duciel » en cri du ciel… Écoutez aussi cet « essaimage vibratile de quelques poèmes-chansons » signés par le comédien-poète-auteur compositeur Philippe Guillard et voyez comme le Bathyscaphe de plumes continue toujours de surgir, éclaboussé d’eau de soleil portés par l’autan libre et libertaire, fraternel, de la poésie. Il surgira, vivant rescapé,

 

« En criant, Où mon soleil Où ma lumière ? Où ma fontaine ?

Où mes racines ? Où ce qui commence ? À quand l’arrêt

des garrots, et de tout ce qui étrangle, strangule étouffe ! »

 

Il surgira encore, tourbillonnant en ses phosphorescences, Anecdotus et profundis pour reprendre le titre d’un projet de récit dont le livre nous offre ici en sa dernière partie des extraits.

Oiseau-Homme-Poisson de l’extrême sur le fil tenu et ténue de « la beauté (qui) hurle », le poète est ce navigateur solitaire aux côtés des autres, battant les sentes du ciel, brûlant son rêve flambeau neuf et sans cesse reformulé, par « les deux bouts de l’infini »…

 

Murielle Compère-Demarcy

 


  • Vu : 2066

Réseaux Sociaux

A propos de l'écrivain

Philippe Guillard

 

Philippe Guillard, comédien de métier, formé essentiellement chez John Strasberg et l’Actors studio, chante et interprète Léo Ferré depuis 2008.

 

A propos du rédacteur

MCDEM (Murielle Compère-Demarcy)


Lire toutes les publications de Murielle Compère-Demarcy dans la Cause Littéraire


Murielle Compère-Demarcy (pseudo MCDem.) après des études à Paris-IV Sorbonne en Philosophie et Lettres et au lycée Fénelon (Paris, 5e) en École préparatoire Littéraire, vit aujourd'hui à proximité de Chantilly et de Senlis dans l’Oise où elle se consacre à l'écriture.

Elle dirige la collection "Présences d'écriture" des éditions Douro.

 

Bibliographie

Poésie

  • Atout-cœur, éditions Flammes vives, 2009
  • Eau-vive des falaises éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Je marche..., poème marché/compté à lire à voix haute, dédié à Jacques Darras, éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Coupure d'électricité, éditions du Port d'Attache, 2015
  • La Falaise effritée du Dire, éditions du Petit Véhicule, Cahier d'art et de littérature Chiendents, no 78, 2015
  • Trash fragilité, éditions Le Citron gare, 2015
  • Un cri dans le ciel, éditions La Porte, 2015
  • Je tu mon AlterÈgoïste, préface d'Alain Marc, 2016
  • Signaux d'existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éditions du Petit Véhicule, 2016
  • Le Poème en marche, suivi de Le Poème en résistance, éditions du Port d'Attache, 2016
  • Dans la course, hors circuit, éd. du Tarmac, 2017
  • Poème-Passeport pour l'Exil, co-écrit avec le photographe-poète Khaled Youssef, éd. Corps Puce, coll. « Parole en liberté », 2017
  • Réédition Dans la course, hors circuit, éd. Tarmac, 2018
  • ... dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent..., éd. Encres Vives, collection "Encres blanches" , n°718, 2018
  • L'Oiseau invisible du Temps, éd. Henry, coll. « La Main aux poètes », 2018
  • Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 Éditions, 2019
  • Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, coll. « L'Or du Temps », 2019
  • Dans les landes de Hurle-Lyre, Z4 Éditions, 2019
  • L'écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris & Hurlement, préface de Jacques Darras, Z4 Editions, coll. « Les 4 saisons », 2020
  • Voyage Grand-Tournesol, avec Khaled Youssef et la participation de Basia Miller, Z4 Éditions, Préface de Chiara de Luca, 2020
  • Werner Lambersy, Editions les Vanneaux ; 2020
  • Confinés dans le noir, Éditions du Port d'Attache, illustr. de couverture Jacques Cauda; 2021
  • Le soleil n'est pas terminé, Editions Douro, 2021 avec photographies de Laurent Boisselier. Préface de Jean-Louis Rambour. Notes sur la poésie de MCDem. de Jean-Yves Guigot. Illustr. de couverture Laurent Boisselier.
  • l'ange du mascaret, Editions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord ; 2022. Prélude et Avant-Propos Laurent Boisselier.
  • La deuxième bouche, avec le psychanalyste-écrivain Philippe Bouret, Sinope Editions ; 2022. Préface de Sylvestre Clancier (Président de l'Académie Mallarmé).
  • L'appel de la louve, Editions du Cygne, Collection Le chant du cygne ; 2023.
  • Louve, y es-tu ? , Editions Douro, Coll. Poésies au Présent ; 2023.