Avis de grand froid, Jerome Charyn (par Jean-Jacques Bretou)
Avis de grand froid, septembre 2020, trad. anglais, Marc Chenetier, 345 pages, 21,90 €
Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Rivages/noir
Précisons que nous sommes en pleine utopie, en pleine uchronie, en pleine histoire contrefactuelle. En 1989, à peine élu, le président démocrate des États-Unis, J. Michael Storm, est destitué pour cause de malversations. Son vice-président, Isaac Sidel doit le remplacer au pied levé. Ce dernier, après avoir été commissaire de la police criminelle à New-York, est devenu maire de New-York puis vice-président des USA. Son glock glissé en permanence dans son pantalon et la main toujours à portée d’un gros cornichon malossol, ce flic juif n’est pas vraiment prêt à affronter la fonction de président des USA. Qu’importe, on connaît le personnage haut en couleur qui se promène depuis quarante ans, soit 1973, dans les romans de Charyn qui lui a consacré ou presque consacré douze romans, et l’on sait ses ressources. On est prêt, presque réjoui de voir ce curieux attelage, conduit par le Gros type alias POTUS (Président Of The United State) à la tête de l’administration et de la politique américaine, se mettre en mouvement et affronter le monde libre.
POTUS a un programme électoral, il a décidé de se placer du côté des plus faibles ce qui est très mal vu par « son » électorat et les républicains. Les puissances d’argent avec à leur tête les banquiers réunis à Bâle décident donc de jouer sur sa tête : on va parier sur la date de décès du nouveau président des USA. Les enchères montent très vite d’autant qu’Isaac Sidel est profondément moral et incorruptible. Intellectuel, à la Maison Blanche, il ne pense qu’à Abraham Lincoln et de temps en temps à F.D. Roosevelt.
Lors d’un séjour à Camp David, il va apprendre que ses ennemis ne sont pas toujours du côté auquel il pensait. Grand voyageur, il va visiter « le monde de l’est » et rencontrer le président de la Tchécoslovaquie, Karel Ludvik qui ne voudra plus le quitter ; en souvenir de Fantômas, il va visiter le Paris de Montparnasse et habiter avenue du Maine, il aura une pensée pour Miller et une pour Beckett. Tout cela, il le fait à ses risques et périls, défiant avec intelligence tous les pièges qui lui sont tendus pour le faire disparaître.
Personnage truculent, éblouissant, animé par un Jerome Charyn en pleine forme, on est heureux de retrouver le « commissaire Rose » en président des USA déjouant tous les complots. Le roman est bouillonnant, il se déroule à la vitesse grand « V », on est prié d’attacher sa ceinture, et la traduction nous est servie par un Marc Chenetier en pleine possession de ses moyens.
Cela reste néanmoins une vision sombre de l’Amérique, qui n’est pas sans rappeler celle que nous connaissons actuellement, éclairée par l’intelligence très vive de Charyn.
Jean-Jacques Bretou
Jerome Charyn est né dans le Bronx dans une famille d’origine russo-polonaise. Il se fait connaître en France avec deux livres choc parus à la Série Noire, Marilyn la Dingue et Yeux-Bleus, où apparaît le personnage d’Isaac Sidel. Il a été nommé Commandeur des Arts et Lettres et écrit des chroniques pour Charlie Hebdo. Il vit à New York.
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