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Avènement d’un rivage, Jacques Guigou

Ecrit par Marc Wetzel 31.05.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, L'Harmattan

Avènement d’un rivage, mars 2018, 66 pages, 10 €

Ecrivain(s): Jacques Guigou Edition: L'Harmattan

Avènement d’un rivage, Jacques Guigou

 

« Déplacé par les courants du Rhône

le rivage revient

chargées ou lestes

les saisons de son passé

signent ses lignes à venir

altérés insatisfaits

les sables de Petite Camargue

n’en finissent jamais

de faire des avances à la mer » (p.11)

Les côtes de Petite Camargue sont, depuis des décennies, le terrain de jeu et le royaume d’âme de Jacques Guigou. Aucun poète ne songerait à les arpenter aussi fiévreusement et obstinément que lui. Ce sont, loin devant les taureaux et chevaux du cru, de minces côtes sablonneuses où rien ne sait empêcher la mer de venir manger les dunes plus vite qu’elle ne les stocke. Dunes qui s’y disputent les rares bonnes places, entre les embruns qui frontalement corrodent tout, et les étangs, très vite derrière, qui les engloutiraient.

 

« De tout temps

ces mouvements hérétiques

du littoral

comblé à l’Espiguette

creusé à la Passe des Abîmes » (p.45)

 

Il faut prendre le titre du recueil avec toute sa malicieuse religiosité : avènement, c’est vraiment incarnation-surprise, arrivée réussie, et comme débarquement d’un… bord de mer ! Toute une côte surgit ici, dans son compromis mouvant, rive globale à la fois menacée et veillée par la mer qu’elle borde.

 

« vient l’instant où

comme dans son jeu

l’enfant dit à la mer

vue, je t’ai vue avancer » (p.43)

 

Avec ce poète qui entend littéralement se faire et se défaire tous les milieux de ce lido – la nature n’y semble être qu’un unique tapis roulant où ce qui commence patelles, algues et boules de mazout se continue euphorbes, oyats et lézards et finit prés de trèfles, talus de guimauves et rangs de tamaris – rester au bord de mer c’est justement monter à bord de l’incessant changement des êtres et des contextes. On voyage dans l’infinie divisibilité de ses semelles.

 

« passé le mas Quarante sols

l’âpre sentier sur la saline

nous conduit

vers un autre commencement » (p.14)

 

Une escouade d’étangs littoraux, à l’eau plus froide que celle de la mer en hiver, plus chaude qu’elle au printemps, est comme un chapelet mutique tombé directement des mains de Dieu. Hérons cendrés et renards jouent les leaders par défaut de l’immense brousse rase et verruqueuse des sansouires. On est ici eux.

 

« là

silence des saladelles

et là

vivats des échasses blanches » (p.46)

 

Si le langage général permet, bien sûr, au naturaliste de décrire la nature (d’en détailler les âges et les plans), le langage poétique permet en quelque sorte à la nature d’être pour nous sa propre guide, de nous mettre comme aux commandes de ses avances, péripéties et contournements. Jacques Guigou, pur pèlerin de la Substance, commandeur âpre et doux des incroyants, est le maître de la nostalgie impersonnelle.

 

« là

ce rivage soliste

qui renie son origine

cette lumière vibrée

où tout est donné » (p.26)

 

Marc Wetzel

 


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A propos de l'écrivain

Jacques Guigou

 

Nationalité : France 
Né(e) : 1941

Biographie : 

Après un doctorat de sociologie sur le Languedoc-méditerranéen à l'Université de Montpellier, Jacques Guigou a entrepris une carrière universitaire (Nancy, Algérie, Grenoble et Montpellier). 

Il est professeur émérite à la faculté Paul Valéry, à Montpellier.

Auteur de plusieurs ouvrages critiques sur la formation des adultes, créateur des éditions de l'impliqué, il est aussi fondateur des éditions de "l’Impliqué" et cofondateur de la revue "Temps critiques".

 

A propos du rédacteur

Marc Wetzel

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Marc Wetzel, né en 1953, a enseigné la philosophie. Rédige régulièrement des chroniques sur le site de la revue Traversées. Dernier ouvrage paru : Exercices (Encre Marine/Les Belles Lettres), 2015.