Aurélie et son secret, Sabine du Faÿ (par François Baillon)
Aurélie et son secret, Sabine du Faÿ, Oskar Éditeur, 2017, 208 pages, 14,95 €
Ce roman de Sabine du Faÿ, qui écrit exclusivement à destination de la jeunesse, met en scène une enfant de neuf ans qui se découvre une particularité physique. Ce qui s’annonce comme un événement fantastique (au sens littéraire comme au sens de l’exception) axe rapidement le cours des choses sur l’isolement dans lequel se retrouve Aurélie – isolement qu’elle s’inflige elle-même, en raison de cette découverte qui la déstabilise, isolement dû également à sa personnalité fantasque et rêveuse.
Le roman commence avec la séparation des parents : leurs trois enfants sont alors confiés aux soins des grands-parents, qui habitent « au milieu de la banlieue couleur serpillière » (p.38). Aurélie ne trouve aucun crédit auprès de sa famille, et bien que les mots n’y soient pas, elle se sent dévalorisée par le regard de sa mère, psychologue de métier, hautaine, autoritaire et un tantinet superficielle. C’est donc presque naturellement qu’elle va se tourner vers une voisine de son âge, Émilie ou « Casque d’or », contrainte de vivre sur un fauteuil roulant et de rester chez elle. L’isolement qui est leur quotidien les conduit au développement d’une amitié, non dénuée de bêtises et, parfois, de dangers insensés.
C’est au cours d’incidents malheureux qu’Aurélie va découvrir ce qui s’apparente à un don : elle réussit à établir une communication avec les éléments de la nature, tel un pommier, mais également avec certains animaux, comme Albert le chien jaune, qui deviendra bientôt un guide important pour elle.
Elle se met à percevoir avec acuité l’étrangeté qui règne autour de sa grand-mère, la seule personne de la famille avec qui elle se sent une complicité. Elle réalise aussi combien certains vœux qu’elle formule réussissent à prendre place dans la réalité, apportant temporairement une solution, puis créant de nouvelles catastrophes. Aurélie évoluera ainsi de révélation en dépit… jusqu’au dénouement final. La fin est d’ailleurs nettement le signe d’un début, d’une aventure plus importante qui commence, et l’on attendrait volontiers une suite à ce roman, suite qui serait certainement d’une envergure différente, plus largement fantastique.
En décrivant plusieurs scènes du quotidien, et en usant de la richesse d’un style poétique, Sabine du Faÿ aborde avec sensibilité le thème de l’isolement et de la différence, nous disant en filigrane que la différence qui nous caractérise est avant tout à accepter par soi-même et pour soi-même, avant qu’elle ne soit acceptée par les autres. Le livre se laisse traverser comme dans l’aspect cotonneux d’un rêve, fidèle à l’imagination fantaisiste de son héroïne : « … la longue voiture noire slalomait sans bruit entre les immenses tours blanches éclatantes qui surgissaient comme des vagues les unes après les autres. / Le ciel était d’un bleu métallique et le soleil de plein midi heurtait le bitume, le consumant, donnant naissance à des brumes de chaleur stagnantes » (p.20). « Au milieu de la voûte céleste bleu marine, la lune apparaissait voilée. Aurélie vit se détacher du globe laiteux un très fin rayon de lune » (p.187).
Aurélie et son secret est incontestablement un roman qui mérite d’être remarqué par les jeunes lectrices et lecteurs, autant pour sa profondeur, pour son style que pour la riche diversité des images qui nous restent en tête.
François Baillon
Après avoir obtenu deux licences (Allemand et Sciences du langage), Sabine du Faÿ a exercé plusieurs métiers qui l’ont finalement menée au Ministère de l’Intérieur. Depuis 2006, elle écrit des livres pour la jeunesse et a notamment publié chez Thierry Magnier, au Seuil Jeunesse, aux Éditions du Jasmin…
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