Au fil des songes, Intissar Haddiya
Au fil des songes, éd. St Honoré, décembre 2017 (méditation philosophique), 64 pages, 8,90 €
Ecrivain(s): Intissar Haddiya
Intissar se veut souffle. Tout, dans ces textes courts à consonance philosophique, commence par le texte d’un autre qu’on peut deviner Souffle, Inspiration, le quotidien étant sacralisé d’une certaine façon : « On m’a parlé de ce livre Que je ne connais pas Ecrit par un autre que moi ».
Rendre la vie prévisible et partage de soi à travers les autres, voilà bien la démarche de cet auteur également romancière.
C’est que la sagesse apprise, les livres et la mémoire des ruines sont importants dans la forge d’un destin bâti sur des références solides.
Presque un texte de remerciements puisque « l’aube se lève sur des plaines basanées ».
Magie des couleurs ; poème sonore avec des vibrations de ciel.
Dans cette fugacité, fortement ressentie, Intissar Haddiya « empoigne la beauté paisible du moment ». Emerveillée de vie, la poète aussi médecin en connaît hautement le prix.
A contrario, cette poésie ne sera pas figée dans la contemplation des petites fleurs et des oiseaux colorés ; rares sont les poètes qui s’adressent au démon en l’interpellant (dans le genre « viens, je ne te crains pas ») : « Ô démon ! Que cherches-tu ? A quel prestige Aspires-tu ? N’as-tu pas assez causé de peines et de litiges Décimé et réduit en cendres des vallées entières ».
C’est que l’auteur s’attaque aux « péchés » du monde (Je songe à l’image de St Michel terrassant le démon). Comment ne pas songer à Palmyre qui fut la cité de plusieurs civilisations en lisant : « Et le désert avide et brûlant Inspiré du néant, s’entortille Puis s’accroche au chaos ».
Dans ce « vent d’obscurité », Intissar se veut prêtresse du soleil à faire reluire les cités. Le contexte de désert, de sable, s’y prête avec parfois d’étranges souvenirs tel ce clown coloré sorti de la mémoire de l’enfant qu’elle fut : « Il souriait de sa large bouche Peinte d’un sourire blanc et rouge ».
La lutteuse, confiante en son humaine mission que lui a aussi sans doute insufflée son serment d’Hippocrate, ne lâchera pas prise, héraut contre l’injustice, brandissant un farouche étendard d’humanisme : « Et il y a toujours des êtres qui réussissent à faire triompher la justice sans ambages », la force inhérente empêchant tout larmoiement inutile : « Les jours s’égrènent dans une course effrénée Et la vie n’attend point les âmes usées ».
A travers le paysage, rappelé à plusieurs reprises, on devine l’amour du soleil, du désert et de l’ombre, la terre des origines étant respectée, voire sacralisée : « Sur la terre qui m’a vu grandir La vieillesse est adulée et dite sagesse Et la jeunesse est désirée ».
Un grand texte respectueux de l’origine du monde, qu’on devine paradis à ne pas perdre. Une sagesse « Limpide et pure Telle une âme sereine ».
Intissar, à lire… sans doute aussi dans l’infinie trace d’un autre poète des sables, Khalil Gibran.
Patrick Devaux
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