Au-dessus de la mêlée, Romain Rolland
Au-dessus de la mêlée, 215 pages, 8,15 €
Ecrivain(s): Romain Rolland Edition: Petite bibliothèque Payot
Qui est Romain Rolland ? Un écrivain du début de ce vingtième siècle, auteur de nombreuses biographies, ami de Charles Péguy et de Stefan Zweig. Il était aussi, pour notre plus grand bonheur, un pacifiste acharné, et un amoureux de la civilisation. Dans cet ouvrage intitulé Au-dessus de la mêlée, titre de l’un des articles et manifestes parus durant les années 1914 et 1915 dans la presse suisse, Romain Rolland nous invite à accomplir des démarches périlleuses, à emprunter des voies difficiles et étroites. Que nous dit ce polémiste, au bon sens du terme ? Qu’une guerre, loin d’être la résurrection appelée de leurs vœux par tous les bellicistes, est un désastre pour tous les belligérants : Romain Rolland se fait l’écho de la prise de position de Stefan Zweig : « Le désastre de la France serait aussi un désastre pour les penseurs libres d’Allemagne ».
Cette volonté de se situer, dès les débuts de la Grande Guerre, au-dessus de la mêlée, incite Romain Rolland à la formulation de diagnostics précurseurs à plus d’un titre : ainsi, le nationalisme exacerbé est-il stigmatisé quelle que soit son origine, sa justification ultime : « Chaque peuple a, plus ou moins son impérialisme (…) Il est la pieuvre qui suce le meilleur sang de l’Europe. Contre lui, reprenons, hommes libres de tous les pays, dès que la guerre sera finie, la devise de Voltaire : Ecrasons l’infâme ! »
Ce manifeste, dans la grande tradition du J’accuse de Zola, s’engage pour la construction de relations internationales, pour la pratique de la coopération entre nations. Ces principes préfigurent la Société des Nations, ancêtre malheureux des Nations Unies actuelles. Romain Rolland, et c’est là que ses écrits atteignent un mérite immense, débusque aussi le rôle de la haine de l’autre, de l’étranger dans les prises de positions : « A qui souffle la haine, la haine lui rejaillit à la face et le brûle ». Il y a aussi un hymne à la fraternité humaine, à l’entretien d’un patrimoine commun à l’humanité entière par le rappel de la définition de l’humanité : « L’humanité est une symphonie de grandes âmes collectives ; qui n’est capable de la comprendre et de l’aimer qu’en détruisant une partie de ses éléments, montre qu’il est un barbare (…) ». On le voit, l’actualité de ce pamphlet est intacte ; il n’a rien perdu de son actualité, de sa pertinence morale. Sa (re)lecture sera un outil précieux pour ceux que la générosité ou la hauteur de vue ne rebutent pas.
Stéphane Bret
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