Au-delà de la nuit, Alix Lerman-Enriquez
Au-delà de la nuit, éd. Les Poètes Français, 4ème trimestre 2016, 56 pages, 15 €
Ecrivain(s): Alix Lerman-Enriquez
Qui ne le sait ou le pressent : la poésie est consolation, vaut – dit-on – toutes les thérapies. Elle est une sauvegarde, pour celui qui lit, et, pas moins, celle qui écrit. Où, mieux qu’au creux des vers – même les plus modestes – niche-t-on sa peine, ses angoisses et quand même, quelque espoir en lueur… La poésie est mélancolie comme cette ancienne gravure, au coin d’un livre sur le Romantisme, dont c’était le titre. Noire et grise, je crois, sous une lune froide ; assise, une femme qui pleure… Gravure qu’on pourrait associer au petit opus d’Alix Lerman-Enriquez, si elle n’avait choisi des arbres d’hiver, face branches noires, criant, sous un ciel plombé.
Tristesse avec Chopin – on l’écoute en lisant, juste ce qu’il faut d’assourdi – ces poèmes, dont les itinéraires font sens, et cognent à notre cœur, en quelques chemins simples.
La nature, aimée et crainte probablement : « … les écorces de châtaignes/ la brûlure de l’aube/ sur la sciure des arbres » ; la mer, bruit, galets, sable et vent ; celle du sud : « la mer me regarde/ je la regarde à mon tour » ; rien de riant, encore moins de touristique, un endroit où respirer un moment encore, où marcher, comme jusqu’au bout du monde. Les arbres et les fleurs, poésie et chanson, mais versant desséché, mort ou en partance : « il n’y a plus d’eau dans le vase de fleurs/ depuis longtemps déjà/ les roses flétries étiques se recourbent ». Bien vite, la vieillesse, la maladie peut-être, cailloux de Poucet qu’on ne saurait manquer : « mes cheveux sont teints/ de nacre à présent/ une vie a passé ». On suit, on accompagne, à pas de loup, celle qui dit : « j’ai moins de cinquante ans et déjà ma peau »…
Retour sur une vie ; joli, vraiment : du Ferrat dans ce poème qui serre le cœur ; allez savoir… « le temps a passé/ toute une vie peut-être ?/ le café a laissé des traces de marc/ noires sur mon bol ébréché/ un bateau passe/ voile de cendre ».
Quelques fugaces ouvertures – à peine – sur l’enfance, comme on ouvrirait un volet, « et mes empreintes de pas sur le sol/ herbu, morcelé, écartelé/ avaient le parfum de rose et d’insolence/ ce lourd parfum d’enfance ». Parce que du coup, on veut savoir, comprendre et le besoin d’empathie pointe : alors, on le cherche un peu partout, l’homme ou l’ami qui l’aurait flétrie à ce point, la dame du livre, mais pour autant, chou blanc. Alors on piste – psy de pacotille – ce qui loin en arrière a pu accoucher d’autant de ces mots – solitude, peine, pleurs. Car qui dit poème dit, mieux qu’ailleurs, histoire. On subodore – peut-être, seulement – quelque chose de ce côté-là de la vie : « j’ai fait le poirier/ sur le bitume écartelé/ de mon enfance/ Corps inversé, la tête en bas » ; on part sur la peine de vivre, l’attente de la mort, mais, deux pages après, pas si vite, la tonalité change « l’aube éclot comme/ un livre ouvert à chaque page », alors on respire, on est comme soulagé, mais est-ce réalité ou leurre… grand huit des récits poétisés… Le poète, donc Alix Lerman-Enriquez, nous balade et nous perd, de confidence amorcée en personnage masqué… Qu’a-t-elle voulu nous montrer ou nous dire ?
C’est sur cette faim de savoirs, cette promenade-quête, agréable autant que douloureuse, qu’on referme cet opus précieux car non fermé, en se disant évidemment que c’est cette interrogation et cet inachèvement qu’on vient chercher en poésie…
Martine L Petauton
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