Athos le forestier, Maria Stefanopoulou (par Stéphane Bret)
Athos le forestier, août 2019, trad. grec René Bouchet, 224 pages, 22 €
Ecrivain(s): Maria Stefanopoulou Edition: Cambourakis
La littérature, dit-on, aide à comprendre le passé d’un pays, son histoire, ses drames lointains ou rapprochés. Ce présupposé est largement confirmé par le magnifique récit de Maria Stefanopoulou, qui signe à cette occasion son premier roman, même si cette auteure a déjà produit des nouvelles et essais sur la critique et la violence.
C’est un roman choral, qui expose successivement les points de vue des différents personnages : Athos, qui est forestier dans le Péloponnèse, se cache dans sa cabane car il passe pour mort, ayant échappé aux représailles de la Wehrmacht du 13 décembre 1943 à Kalavryta. Dans ce village ont été massacrés tous les habitants. Son épouse, Marianthi, et sa fille Margarita quittent la localité.
Près de quarante ans plus tard, Lefki, la fille de Margarita, s’installe à Kalavryta pour y créer une Clinique de la douleur car Lefki est médecin. Iokasti, fille de Lefki, représente la quatrième génération après la seconde Guerre mondiale : elle veut résoudre le mystère d’Athos, et se lance dans la forêt à la recherche de son grand-père Athos.
Ce roman est riche à plus d’un titre, il ne néglige aucun aspect : l’humain, l’historique, et l’écologique. En effet, Athos, comme l’indique le titre du roman, est forestier ; il manifeste pour la forêt, pour la nature une complicité et une affection sans bornes : « La nature, qu’Athos chérissait tant, était ma grande rivale. Il était toujours seul et libre avec elle. Et quand il était auprès de moi, il n’avait qu’une hâte ; retourner auprès d’elle ».
Les personnages de ce roman ne sont pas monolithiques, ils gardent, malgré les drames que traverse la Grèce à ce moment, leurs distances et leur sens critique. Ainsi, Lefki résiste-elle avec courage à la tentation, pourtant bien compréhensible, de la haine brute : « J’ai vécu avec la haine de la guerre. Haine des Allemands, haine des maquisards (…) Je n’ai pourtant jamais songé à me venger, je n’en ressentais pas le besoin ».
Ce récit nous plonge aussi dans les arcanes de l’histoire contemporaine grecque ; les horreurs de l’occupation allemande, bien sûr ; mais aussi les déchirements de la guerre civile survenue entre 1945 et 1947 qui a opposé les Grecs nationalistes et communistes. Il y a également une réflexion sur la guerre, la violence très riche dans ce roman, qui nous séduit par l’humanité de ses personnages et le dévoilement de leurs interrogations, de leurs doutes, de leurs souffrances :
« Il existe trois voies pour conjurer le viol de sa conscience et gagner sa liberté personnelle : devenir martyr en participant à un juste combat ; feindre de se soumettre en dissimulant son credo ; s’exiler de son propre chef. Fidèle aux lois de la nature, le forestier a tracé un quatrième chemin ».
C’est très réussi pour ce premier roman. Nous attendrons avec grande impatience les prochains écrits de Maria Stefanopoulou.
Stéphane Bret
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