As-tu rejoint l’île ?, Jeanine Salesse (par Philippe Leuckx)
As-tu rejoint l’île ?, Jeanine Salesse, éditions Pétra, juin 2024, 86 pages, photographies de l’auteure, 16 €
D’une Jeanine l’autre ou le journal tenu par l’amie à propos des derniers mois de vie de Jeanine Baude, poète, éditrice chez Pétra, amoureuse de l’Océan et de l’île d’Ouessant. Le livre accompagne l’amie, chez elle, à Ouessant, à l’hôpital où elle est soignée pour un cancer.
Les 71 poèmes tracent, entre souvenir et déploration, le portrait d’une femme qui aimait la vie, les autres, la poésie, l’amitié. Mais comment rejoindre la disparue ? Sinon par les poèmes, sinon par la ferveur de l’amitié. Comme dans le beau livre de René de Ceccatty, L’accompagnement, Jeanine Salesse honore la mémoire toute proche d’une sœur d’écriture :
« Cantate de la remémoration
Quelle joie de retrouver ta maison après un séjour à l’hôpital ! » (p.21).
La nature, les fleurs, le jardin sont les lieux qui « vivent » sous la plume, alors que la mort rôde, alors qu’elle est « happée dans le filet de la mort ». Pour l’amie qui reste, c’est l’errance, « le jour paraît lâcher prise ».
Les poèmes brefs sont autant de respirations dans un parcours qui devient abrupt, « des jours inconnus », mais la poète sait se « glisser/ dans le pas des saisons ».
Sans métaphore inutile, l’écriture déroule ses notations paisibles, des émotions simples « de l’autre côté de la fenêtre », « avec le rien des feuilles qui tombent ».
« Oui la lumière dit Non au néant » est ce vers qui résume ce beau livre de partage et de deuil, empli d’espoir, en dépit de la douleur ressentie.
La poésie de Salesse laisse ainsi place à des vers lumineux pour contrebalancer le chagrin qui pointe ses ailes.
Elle sait qu’il faut « poursuivre » le poème, nourrir la mémoire de celle qui lui fut si proche et dont les photographies du volume éclairent le beau visage.
Un bien beau recueil, empathique et rare.
Philippe Leuckx
Jeanine Salesse est une poète française, auteure d’une trentaine de recueils publiés chez de bons éditeurs (Brémond, Le Dé Bleu, L’Arbre, Tarabuste, Pétra, etc.). Citons : Les Toits gris ; Le Brûlé des choses ; En ce mai lointain.
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