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Ars Poetica, Poèmes bibliques, Yorgos Thèmelis (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 18.10.21 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Bassin méditerranéen, Poésie

Ars Poetica, Poèmes bibliques, Yorgos Thèmelis, Éd. Ressouvenances, mai 2021, trad. grec moderne, Bernard Grasset, 188 pages, 21,99 €

Ars Poetica, Poèmes bibliques, Yorgos Thèmelis (par Didier Ayres)

 

La vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement.

Luc XXII, 23

 

Poèmes aigus

Pour définir mon sentiment à l’égard de cette traduction et du travail de Bernard Grasset, je voudrais user d’un peu d’étymologie avec une certaine licence. Car ces poèmes aigus, comme le titre de cette chronique le souligne, s’apparentent intellectuellement à la définition du baroque, ici pensé comme perle irrégulière. Et comme de plus cette poésie défend une idée de la croyance religieuse (orthodoxe ?), cette perle irrégulière donne à penser au caractère aigu de l’irrégularité de la perle. Angles, décrochements sur la page, majuscules, tout est ici hérissé, cubique.

(Sans incarnation : corps-âme alliance

corporelle,

Comment mourir : comment ressusciter

Résurrection : corporéité des morts, autre

naissance).

Ce rythme haché, cette utilisation de fractures visuelles sur la page, cette scansion presque violente, m’ont fait songer à Emily Dickinson. Ici, donc, une défense de la foi, sans rondeurs patelines mais davantage une poésie sèche, nue. Le poème est épreuve spirituelle, adossé à un univers d’arcanes, où le poète devient guide, quête la vérité, vérité cachée par le style clair et presque froid du chant de Thèmelis. Cette littérature, celle de la toute fin de la vie du poète, se compose par éclats, comme on le dirait de fragments cassés d’un miroir, vision ultime et sans aucun mensonge, d’une espèce de kaléidoscope où la coupure est signe autant que le lien qui lui donne sa forme. Ainsi, écriture lapidaire, verre soufflé, pierre confrontée au feu puissant d’un feu, paysage volcanique, gris et anguleux, telles sont mes sensations de lecteur.

 

L’Amour est enterré, il repose

Au tombeau, dans l’attente,

L’attente de quoi ?

Il repose. Je suis seul, attendant

la fin,

La prochaine Parousie,

Moi seul, comme un gouffre,

Cachant le vertige, l’attrait

de l’abîme,

Cherchant des marches.

 

Cela agit pour moi comme coalescence, où le style heurté de la prosodie se fond dans le message religieux, poèmes attachés à l’exégèse de la Bible. Expérience de la nudité mystique, nudité de fait devant la mort, trajectoire et fin d’un destin d’écrivain, délivré des contingences terrestres, poète porté vers une essentialisation sans fard, un point de vue, une optique, un anglet propre à contenir la raréfaction du souffle, coupe de verre, nature compendieuse du texte, et donc de la personne humaine.

 

Didier Ayres


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.