Aperture du silence, Carole Carcillo Mesrobian (par Philippe Leuckx)
Aperture du silence, PhB éditions, juin 2018, 58 pages, 10 €
Ecrivain(s): Carole Carcillo Mesrobian
Dans une langue volontiers altière, mais non guindée, riche dans ses rythmes et son lexique, la poète n’écrit pas pour passer le temps mais cerner au plus près l’acte d’écrire. Chargée d’ellipses qui décontenancent et donc attisent l’intérêt du lecteur, cette poésie joue aussi d’une densité bienvenue qui ne va jamais fleureter avec un minimalisme desséchant :
La nuit jamais ne t’apprivoise
Elle est sauvage comme aucune bête
La solitude est son habit comme au fauve (p.16)
Ou
Traîne
Ta robe de sel aux plis d’épure
Comme les enfants jouent
La marelle et le ciel
Cases nues
Solitude accablante comme un voile d’étain
Le pas et son chemin
Pour ôter l’aperture et son nom de ta main (p.38)
Belle définition de son projet, belle manière de citer cette écriture par métonymie.
Les belles métaphores nourrissent la lecture et l’appréhension (au sens phénoménologique) des matières et du temps : « le grenat de nos murs », « la mitraille bleutée » des mots jetés, « Ecrire répand nos doutes comme un sang vaniteux/ sur une vacuité irréductible ». Aussi la poète sait combler le silence par des descriptions précises d’objets, de moments, d’espaces.
Cette mue vertueuse survenant de la houle
Respirée chromatique
Sémaphore elliptique
Sous chaque trou comblé
De sa charge d’oubli (p.37)
La musique, cette cadence de consonances jouant de l’étrange signifiant, emporte les strophes et fait naître, sous le plaisir de la lecture au sens premier, le velouté de la poésie, ses germes d’insolite.
Mais perle sous l’épine
A poussé où éclos
De survivre à l’estime
De qui ne sait que trop
La haine pour sublime
Et l’amour au tombeau (excipit rimé de toute beauté)
Philippe Leuckx
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