Allant vers et autres escales, Colette Daviles-Estinès
Allant vers et autres escales, éd. de l’Aigrette, septembre 2016, illustration en couverture de Diane Saint-Honoré, 45 pages, 16 €
Ecrivain(s): Colette Daviles-Estinès
Voici des poèmes qui ne tiennent pas en place, comme l’indique la diversité des lieux mentionnés au-dessous avec les dates d’écriture, et il semblerait que la raison d’être de cette sorte d’instabilité soit à chercher dans un lointain ailleurs dont l’auteure aurait pu être arrachée, quelque part sur le vaste continent de l’Afrique, où seraient restés dispersés des morceaux d’elle-même. La bougeotte, parce que difficile de trouver sa place quand on vit une forme d’exil, de déracinement.
Un poème vient confirmer ce ressenti, bref et clair :
Mon pays
Je sais d’où je viens
Je viens d’Expatrie
C’est cette « mémoire métisse » qui donne peut-être sa particularité à la langue de Colette Daviles-Estinès, une langue mouvante, chantante, teintée de lumière, de vent, de poussière, une langue du voyage, qui a du mal avec les rives qui enserrent, un besoin d’espace et de large.
Je dévide les rives dont je m’éloigne
Pour mieux leur donner sens
Le devoir d’aller
Le droit de me tenir au large
Quand on n’est pas de quelque part, alors on n’est de nulle part et donc de partout, et il y a ce besoin de bouger vissé au corps en même temps que de s’enraciner, une envie d’ailleurs et le besoin d’un ici, solide sous les pieds.
C’est le choix que l’on fait de ne pas savoir où poser le bonheur.
Partir, revenir, quitter, retrouver, les poèmes de Colette sont des poèmes de transhumance et sous la limpidité et le chatoiement de la langue on devine une certaine détresse, un sentiment de perte. Mais il y a aussi dans la bouche, des soleils juteux comme des mangues, une force sous-jacente, sans doute puisée dans la nature dont Colette Daviles-Estinès sait capter et transcrire la beauté, qu’elle soit d’ici ou d’ailleurs et ce souffle qui la traverse, la transcende.
Un vent liquide houle
Feuillette les champs de cannes
Et quel que soit l’hiver
C’est de la même eau d’ambre
Que la lumière des blés aux torrents de tes ciels
L’enfance, nourrie de ce qu’ici on nommerait exotisme, mais qui pour Colette est racines multiples et métissées d’une humanité sans doute plus proche de sa source, a gardé toute sa puissance évocatrice, sa faculté de s’émerveiller, de rêver.
C’est une chose heureuse
Habiter le seuil d’une porte ouverte
adossée à la lumière
Et on ne peut que l’aimer cette petite fille aux allumettes qui craque la flambée des horizons.
Cathy Garcia
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