En chaque œuvre de Shakespeare (hormis les sonnets), l’on voit éclore, grandir, puis mourir cette énergie sans pareille qu’est l’énergie théâtrale, énergie qu’il ne faut en aucun cas « saper » lorsque l’on doit traduire telle ou telle pièce du grand William, comme l’a remarqué Jean-Michel Déprats.
Cette énergie est tout. Elle est le visage de la joie (l’intrigue aurait-elle partie liée avec le malheur), comme l’a rappelé – notamment – Valérie Dréville. En 1987, elle participe à « l’aventure historique » du Soulier de satin de Claudel mis en scène par Vitez au Festival d’Avignon.
« Je n’entrais en scène qu’à la quatrième journée, c’est-à-dire à 6 heures du matin les nuits d’intégrale, confie-t-elle. Mais j’arrivais à 9 heures du soir. Je logeais à Villeneuve et j’avais une bicyclette. Du pont d’Avignon, je pouvais apercevoir le dernier rang des gradins de la cour d’honneur, avec les spectateurs qui s’installaient. J’entendais les trompettes qui annonçaient la représentation et je me mettais à pédaler à toute volée en hurlant de joie. […] Pour moi, c’était cela, le Soulier. Quelque chose qui s’envole. Il n’y a pas une semaine où je n’y pense. Et c’était tellement bizarre d’entrer en scène au petit jour, avec la moitié des spectateurs endormis dans leurs couvertures de l’armée. La première fois, je me suis dit :bon, eh bien, jouons dans leurs rêves ».
Cette énergie est tout. Elle n’est pas ce qui – porté par les répétitions – a lieu une seule fois. Cette unique fois serait-elle répétée, de représentation en représentation. Non. L’énergie théâtrale trouve en la répétition le moyen de cheminer jusqu’au présent, jusqu’à l’éblouissant présent, – jusqu’à ce baiser rarement offert, de lui à nous, qui nous foudroie, mais pour nous réveiller tendrement, tant il est vrai que chacun, oui, chacun est un prince ou une princesse au bois dormant.
Comme l’a rappelé Jacques Derrida dans sa postface à L’Éternel éphémère de Daniel Mesguich (Éditions Verdier, 2006), l’on est « souvent tenté de penser le théâtre comme l’art de ce qui, sans doute préparé par les répétitions, n’a proprement lieu qu’une seule fois. Soit en même temps une première et une dernière fois ; ce qui lui donne ce double visage à la fois matinal, oriental ou archéologique et automnal, mélancolique, occidental, crépusculaire ou eschatologique ». Il faudrait bien plutôt, « à contre-courant de la doxa », penser « que le théâtre a pour essence une certaine répétition. Non pas la répétition qui prépare la première, mais une répétition qui divise, qui creuse et fait surgir l’unique présent de la première fois. La présentation non pas comme représentation d’un modèle présent ailleurs, comme le serait une image, mais la présence une première et unique fois comme répétition ».
Ce qui est passionnant avec cet album Shakespeare, c’est que Denis Podalydès – grand homme de théâtre – ne sépare jamais l’évocation qu’il fait de l’auteur élisabéthain de l’énergie théâtrale que l’on vient d’évoquer. Comme en témoignent les belles pages qu’il donne, au sujet du Roi Lear et d’Hamlet. Écoutez plutôt :
Le Roi Lear
« Je vois jouer Le Roi Lear par deux monstres : Brian Cox, dans la mise en scène de Deborah Warner en 1990, et Michel Piccoli dans celle d’André Engel en 2006. Cox n’est pas vieux mais la simplicité désarmante de son jeu donne l’illusion qu’il est au bout du temps. On le contemple immense et faible. On l’accompagne jusqu’à la mort dans une intimité que la grande salle de l’Odéon ne trouble pas. Sa voix est douce et son élégance demeure, bien qu’alourdie par sa masse fatiguée. “Non, ils ne peuvent pas m’arrêter comme faux-monnayeur. / Je suis le roi en personne. […] De grâce, ne vous moquez pas de moi : / Je suis un vieil homme très sot et radoteur, / De plus de quatre-vingts ans, / Pas une heure de plus ou de moins ; et, pour vous parler franc, / Je crains de ne pas être au mieux de ma raison”. Piccoli est âgé, défait, hésitant ; il bouleverse comme nous bouleversent les grands comédiens arrivés à la pure présence que libère la vieillesse. Le grand Minetti, dans le Lear de Klaus Michael Grüber (1985), maigre et malade, faisait je crois le même effet. Quand, sur la lande, Lear atteint le fond de la déchéance, roi descendu au-dessous du mendiant, abandonné de tous et dépouillé de tout, n’ayant plus avec lui que le Fou, le brave Kent et le pauvre Tom, comme pauvres larrons attestant la chute, il est transfiguré par la pitié qu’il suscite et la gloire du vaincu. “Il me semble que je vous connais, et que je connais cet homme, / Pourtant j’en doute : car j’ignore totalement / Quel est ce lieu, et malgré tous mes efforts / Je ne me souviens pas de ces vêtements, je ne sais pas non plus / Où j’ai logé la nuit dernière. Ne riez pas de moi, / Car, aussi vrai que je suis un homme, je pense que cette dame / Est mon enfant Cordélia”. L’homme vieux, l’acteur fragile et le personnage destitué se confondent. La fin de la pièce et la mort de Cordélia sont d’une simplicité et d’une douceur inouïes : “Pourquoi un chien, un cheval, un rat auraient-ils la vie, / Et toi plus un souffle ? Tu ne reviendras plus, / Jamais, jamais, jamais, jamais, jamais. / Je vous en prie, défaites ce bouton. Merci monsieur. / Voyez-vous cela ? Regardez-la, regardez, ses lèvres, / Regardez, Regardez !” Aucun éclat. La tranquillité du désastre quand tout est consommé ».
Hamlet
« En 1988, Gérard Desarthe joue Hamlet dans la Cour d’honneur du palais des Papes, dans la mise en scène de Patrice Chéreau. Grandeur vilarienne, tourmentée comme la mer. La mélancolie est une énergie ; la tragédie est le territoire de sa dépense lyrique et furieuse. La musique, le rythme, l’enchaînement des scènes – elles se succèdent en se recouvrant, par des mouvements d’entrées et de sorties croisées, ascendants et descendants – donnent l’impression d’une bataille livrée sous nos yeux. De ces batailles dont Shakespeare est empli et que l’on est toujours en peine de représenter. Le plateau est une façade allongée, creusée de trappes s’ouvrant et se fermant selon les scènes, “un grand ventre qui respire”, selon les mots du scénographe Marcel Freydefont. Le spectre entre à cheval, galope et se cabre devant Hamlet. Ce cheval, noirceur luisante, piaffements, souffle, sabots battants, hante la mémoire. […] Dans la mise en scène de Peter Brook, en 2000, le spectre est Sotigui Kouyaté : il marche dans la douceur craquelée des Bouffes du Nord. Son pas est serein, léger, silencieux. Sans accessoire et sans fard, il emplit tout le théâtre. […] La mise en scène de Thomas Ostermeier, élaborée en 2008, commence par les funérailles d’Hamlet. En avant-scène, nous voyons la terre dans laquelle on a fait descendre le cercueil, comme s’il fallait d’abord enterrer la vieille idole, le mythe Shakespeare-Hamlet, avant d’entreprendre le nouveau récit. Le monologue “être ou ne pas être”, répété trois fois au long de la pièce, est un refrain, un tube agressif, proféré : la contradiction ne sera jamais résolue (agir ou subir, vivre ou mourir), et le sens toujours à trouver. La puissance du spectacle tient sans doute à la complicité totale, joyeuse, festive, entre Thomas Ostermeier et son Hamlet, Lars Eidinger, qui, avec la débauche et l’énergie d’une rock star, livre au public une incarnation éclatante et subversive. Ostermeier fonde sa vision contemporaine, poussée aux extrêmes, sur une lecture attentive du texte. Ainsi de la folie d’Hamlet. Eidinger surjoue la folie feinte et atteint une folie réelle qui contamine le spectacle. Il joue avec la salle. Un soir, en représentation, il quitte le plateau, court après deux spectatrices qui s’en vont, leur demande pourquoi : c’est de la merde, disent-elles. Il veut en savoir plus, discute ; le public attend ; Eidinger revient, reprend le rôle, qui, oui, autorise l’exercice de la plus extrême liberté de jeu. Ostermeier : “[…] il est convenu qu’à tout moment Eidinger peut impliquer le public, parce qu’Hamlet doit se sentir menacé en permanence, et flairer des ennemis même dans la salle. Hamlet joue au fou pour ne pas se retrouver sur la liste des personnes à abattre dressée par le Roi, et il s’enferre à tel point dans cette folie qu’il n’arrive plus à se sortir de ce schéma schizophrénique. […]” »
William Shakespeare, baptisé le 26 avril 1564 à Stratford-upon-Avon et mort le 3 mai (23 avril) 1616 dans la même ville, est considéré comme l'un des plus grands poètes, dramaturges et écrivains de la culture anglaise1. Il est réputé pour sa maîtrise des formes poétiques et littéraires, ainsi que sa capacité à représenter les aspects de la nature humaine.
Figure éminente de la culture occidentale, Shakespeare continue d’influencer les artistes d’aujourd’hui. Il est traduit dans un grand nombre de langues et, selon l'Index Translationum, avec un total de 4 281 traductions, il vient au troisième rang des auteurs les plus traduits en langue étrangère après Agatha Christie et Jules Verne. Ses pièces sont régulièrement jouées partout dans le monde. Shakespeare est l’un des rares dramaturges à avoir pratiqué aussi bien la comédie que la tragédie.
Shakespeare écrivit trente-sept œuvres dramatiques, entre les années 1580 et 1613. Mais la chronologie exacte de ses pièces est encore discutée. Cependant, le volume de ses créations n'apparaît pas comme exceptionnel en regard de critères de l’époque.
On mesure l’influence de Shakespeare sur la culture anglo-saxonne en observant les nombreuses références qui lui sont faites, que ce soit à travers des citations, des titres d’œuvres ou les innombrables adaptations de ses œuvres. L'anglais est d'ailleurs souvent surnommé la langue de Shakespeare tant cet auteur a marqué la langue de son pays en inventant de nombreux termes et expressions. Certaines citations d'ailleurs sont passées telles quelles dans le langage courant.
Docteur en littérature française, Matthieu Gosztola a obtenu en 2007 le Prix des découvreurs. Une vingtaine d’ouvrages parus, parmi lesquels Débris de tuer, Rwanda, 1994 (Atelier de l’agneau), Recueil des caresses échangées entre Camille Claudel et Auguste Rodin (Éditions de l’Atlantique), Matière à respirer (Création et Recherche). Ces ouvrages sont des recueils de poèmes, des ensembles d’aphorismes, des proses, des essais. Par ailleurs, il a publié des articles et critiques dans les revues et sites Internet suivants : Acta fabula, CCP (Cahier Critique de Poésie), Europe, Histoires Littéraires, L’Étoile-Absinthe, La Cause littéraire, La Licorne, La Main millénaire, La Vie littéraire, Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, Poezibao, Recours au poème, remue.net, Terre à Ciel, Tutti magazine.
Pianiste de formation, photographe de l’infime, universitaire, spécialiste de la fin-de-siècle, il participe à des colloques internationaux et donne des lectures de poèmes en France et à l’étranger.
Album Shakespeare, Iconographie commentée, Denis Podalydès (La Pléiade)
Ecrit par Matthieu Gosztola 09.09.16 dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Théâtre
Album Shakespeare, Iconographie commentée, Denis Podalydès, mai 2016, 256 pages, 28 €
Ecrivain(s): William Shakespeare Edition: La Pléiade GallimardEn chaque œuvre de Shakespeare (hormis les sonnets), l’on voit éclore, grandir, puis mourir cette énergie sans pareille qu’est l’énergie théâtrale, énergie qu’il ne faut en aucun cas « saper » lorsque l’on doit traduire telle ou telle pièce du grand William, comme l’a remarqué Jean-Michel Déprats.
Cette énergie est tout. Elle est le visage de la joie (l’intrigue aurait-elle partie liée avec le malheur), comme l’a rappelé – notamment – Valérie Dréville. En 1987, elle participe à « l’aventure historique » du Soulier de satin de Claudel mis en scène par Vitez au Festival d’Avignon.
« Je n’entrais en scène qu’à la quatrième journée, c’est-à-dire à 6 heures du matin les nuits d’intégrale, confie-t-elle. Mais j’arrivais à 9 heures du soir. Je logeais à Villeneuve et j’avais une bicyclette. Du pont d’Avignon, je pouvais apercevoir le dernier rang des gradins de la cour d’honneur, avec les spectateurs qui s’installaient. J’entendais les trompettes qui annonçaient la représentation et je me mettais à pédaler à toute volée en hurlant de joie. […] Pour moi, c’était cela, le Soulier. Quelque chose qui s’envole. Il n’y a pas une semaine où je n’y pense. Et c’était tellement bizarre d’entrer en scène au petit jour, avec la moitié des spectateurs endormis dans leurs couvertures de l’armée. La première fois, je me suis dit :bon, eh bien, jouons dans leurs rêves ».
Cette énergie est tout. Elle n’est pas ce qui – porté par les répétitions – a lieu une seule fois. Cette unique fois serait-elle répétée, de représentation en représentation. Non. L’énergie théâtrale trouve en la répétition le moyen de cheminer jusqu’au présent, jusqu’à l’éblouissant présent, – jusqu’à ce baiser rarement offert, de lui à nous, qui nous foudroie, mais pour nous réveiller tendrement, tant il est vrai que chacun, oui, chacun est un prince ou une princesse au bois dormant.
Comme l’a rappelé Jacques Derrida dans sa postface à L’Éternel éphémère de Daniel Mesguich (Éditions Verdier, 2006), l’on est « souvent tenté de penser le théâtre comme l’art de ce qui, sans doute préparé par les répétitions, n’a proprement lieu qu’une seule fois. Soit en même temps une première et une dernière fois ; ce qui lui donne ce double visage à la fois matinal, oriental ou archéologique et automnal, mélancolique, occidental, crépusculaire ou eschatologique ». Il faudrait bien plutôt, « à contre-courant de la doxa », penser « que le théâtre a pour essence une certaine répétition. Non pas la répétition qui prépare la première, mais une répétition qui divise, qui creuse et fait surgir l’unique présent de la première fois. La présentation non pas comme représentation d’un modèle présent ailleurs, comme le serait une image, mais la présence une première et unique fois comme répétition ».
Ce qui est passionnant avec cet album Shakespeare, c’est que Denis Podalydès – grand homme de théâtre – ne sépare jamais l’évocation qu’il fait de l’auteur élisabéthain de l’énergie théâtrale que l’on vient d’évoquer. Comme en témoignent les belles pages qu’il donne, au sujet du Roi Lear et d’Hamlet. Écoutez plutôt :
Le Roi Lear
« Je vois jouer Le Roi Lear par deux monstres : Brian Cox, dans la mise en scène de Deborah Warner en 1990, et Michel Piccoli dans celle d’André Engel en 2006. Cox n’est pas vieux mais la simplicité désarmante de son jeu donne l’illusion qu’il est au bout du temps. On le contemple immense et faible. On l’accompagne jusqu’à la mort dans une intimité que la grande salle de l’Odéon ne trouble pas. Sa voix est douce et son élégance demeure, bien qu’alourdie par sa masse fatiguée. “Non, ils ne peuvent pas m’arrêter comme faux-monnayeur. / Je suis le roi en personne. […] De grâce, ne vous moquez pas de moi : / Je suis un vieil homme très sot et radoteur, / De plus de quatre-vingts ans, / Pas une heure de plus ou de moins ; et, pour vous parler franc, / Je crains de ne pas être au mieux de ma raison”. Piccoli est âgé, défait, hésitant ; il bouleverse comme nous bouleversent les grands comédiens arrivés à la pure présence que libère la vieillesse. Le grand Minetti, dans le Lear de Klaus Michael Grüber (1985), maigre et malade, faisait je crois le même effet. Quand, sur la lande, Lear atteint le fond de la déchéance, roi descendu au-dessous du mendiant, abandonné de tous et dépouillé de tout, n’ayant plus avec lui que le Fou, le brave Kent et le pauvre Tom, comme pauvres larrons attestant la chute, il est transfiguré par la pitié qu’il suscite et la gloire du vaincu. “Il me semble que je vous connais, et que je connais cet homme, / Pourtant j’en doute : car j’ignore totalement / Quel est ce lieu, et malgré tous mes efforts / Je ne me souviens pas de ces vêtements, je ne sais pas non plus / Où j’ai logé la nuit dernière. Ne riez pas de moi, / Car, aussi vrai que je suis un homme, je pense que cette dame / Est mon enfant Cordélia”. L’homme vieux, l’acteur fragile et le personnage destitué se confondent. La fin de la pièce et la mort de Cordélia sont d’une simplicité et d’une douceur inouïes : “Pourquoi un chien, un cheval, un rat auraient-ils la vie, / Et toi plus un souffle ? Tu ne reviendras plus, / Jamais, jamais, jamais, jamais, jamais. / Je vous en prie, défaites ce bouton. Merci monsieur. / Voyez-vous cela ? Regardez-la, regardez, ses lèvres, / Regardez, Regardez !” Aucun éclat. La tranquillité du désastre quand tout est consommé ».
Hamlet
« En 1988, Gérard Desarthe joue Hamlet dans la Cour d’honneur du palais des Papes, dans la mise en scène de Patrice Chéreau. Grandeur vilarienne, tourmentée comme la mer. La mélancolie est une énergie ; la tragédie est le territoire de sa dépense lyrique et furieuse. La musique, le rythme, l’enchaînement des scènes – elles se succèdent en se recouvrant, par des mouvements d’entrées et de sorties croisées, ascendants et descendants – donnent l’impression d’une bataille livrée sous nos yeux. De ces batailles dont Shakespeare est empli et que l’on est toujours en peine de représenter. Le plateau est une façade allongée, creusée de trappes s’ouvrant et se fermant selon les scènes, “un grand ventre qui respire”, selon les mots du scénographe Marcel Freydefont. Le spectre entre à cheval, galope et se cabre devant Hamlet. Ce cheval, noirceur luisante, piaffements, souffle, sabots battants, hante la mémoire. […] Dans la mise en scène de Peter Brook, en 2000, le spectre est Sotigui Kouyaté : il marche dans la douceur craquelée des Bouffes du Nord. Son pas est serein, léger, silencieux. Sans accessoire et sans fard, il emplit tout le théâtre. […] La mise en scène de Thomas Ostermeier, élaborée en 2008, commence par les funérailles d’Hamlet. En avant-scène, nous voyons la terre dans laquelle on a fait descendre le cercueil, comme s’il fallait d’abord enterrer la vieille idole, le mythe Shakespeare-Hamlet, avant d’entreprendre le nouveau récit. Le monologue “être ou ne pas être”, répété trois fois au long de la pièce, est un refrain, un tube agressif, proféré : la contradiction ne sera jamais résolue (agir ou subir, vivre ou mourir), et le sens toujours à trouver. La puissance du spectacle tient sans doute à la complicité totale, joyeuse, festive, entre Thomas Ostermeier et son Hamlet, Lars Eidinger, qui, avec la débauche et l’énergie d’une rock star, livre au public une incarnation éclatante et subversive. Ostermeier fonde sa vision contemporaine, poussée aux extrêmes, sur une lecture attentive du texte. Ainsi de la folie d’Hamlet. Eidinger surjoue la folie feinte et atteint une folie réelle qui contamine le spectacle. Il joue avec la salle. Un soir, en représentation, il quitte le plateau, court après deux spectatrices qui s’en vont, leur demande pourquoi : c’est de la merde, disent-elles. Il veut en savoir plus, discute ; le public attend ; Eidinger revient, reprend le rôle, qui, oui, autorise l’exercice de la plus extrême liberté de jeu. Ostermeier : “[…] il est convenu qu’à tout moment Eidinger peut impliquer le public, parce qu’Hamlet doit se sentir menacé en permanence, et flairer des ennemis même dans la salle. Hamlet joue au fou pour ne pas se retrouver sur la liste des personnes à abattre dressée par le Roi, et il s’enferre à tel point dans cette folie qu’il n’arrive plus à se sortir de ce schéma schizophrénique. […]” »
Matthieu Gosztola
Réseaux Sociaux
A propos de l'écrivain
William Shakespeare
William Shakespeare, baptisé le 26 avril 1564 à Stratford-upon-Avon et mort le 3 mai (23 avril) 1616 dans la même ville, est considéré comme l'un des plus grands poètes, dramaturges et écrivains de la culture anglaise1. Il est réputé pour sa maîtrise des formes poétiques et littéraires, ainsi que sa capacité à représenter les aspects de la nature humaine.
Figure éminente de la culture occidentale, Shakespeare continue d’influencer les artistes d’aujourd’hui. Il est traduit dans un grand nombre de langues et, selon l'Index Translationum, avec un total de 4 281 traductions, il vient au troisième rang des auteurs les plus traduits en langue étrangère après Agatha Christie et Jules Verne. Ses pièces sont régulièrement jouées partout dans le monde. Shakespeare est l’un des rares dramaturges à avoir pratiqué aussi bien la comédie que la tragédie.
Shakespeare écrivit trente-sept œuvres dramatiques, entre les années 1580 et 1613. Mais la chronologie exacte de ses pièces est encore discutée. Cependant, le volume de ses créations n'apparaît pas comme exceptionnel en regard de critères de l’époque.
On mesure l’influence de Shakespeare sur la culture anglo-saxonne en observant les nombreuses références qui lui sont faites, que ce soit à travers des citations, des titres d’œuvres ou les innombrables adaptations de ses œuvres. L'anglais est d'ailleurs souvent surnommé la langue de Shakespeare tant cet auteur a marqué la langue de son pays en inventant de nombreux termes et expressions. Certaines citations d'ailleurs sont passées telles quelles dans le langage courant.
A propos du rédacteur
Matthieu Gosztola
Lire tous les textes et articles de Matthieu Gosztola
Rédacteur
Membre du comité de rédaction
Docteur en littérature française, Matthieu Gosztola a obtenu en 2007 le Prix des découvreurs. Une vingtaine d’ouvrages parus, parmi lesquels Débris de tuer, Rwanda, 1994 (Atelier de l’agneau), Recueil des caresses échangées entre Camille Claudel et Auguste Rodin (Éditions de l’Atlantique), Matière à respirer (Création et Recherche). Ces ouvrages sont des recueils de poèmes, des ensembles d’aphorismes, des proses, des essais. Par ailleurs, il a publié des articles et critiques dans les revues et sites Internet suivants : Acta fabula, CCP (Cahier Critique de Poésie), Europe, Histoires Littéraires, L’Étoile-Absinthe, La Cause littéraire, La Licorne, La Main millénaire, La Vie littéraire, Les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, Poezibao, Recours au poème, remue.net, Terre à Ciel, Tutti magazine.
Pianiste de formation, photographe de l’infime, universitaire, spécialiste de la fin-de-siècle, il participe à des colloques internationaux et donne des lectures de poèmes en France et à l’étranger.
Site Internet : http://www.matthieugosztola.com