Ainsi se parlent le ciel et la terre, Michel Cosem
Ainsi se parlent le ciel et la terre, décembre 2013, 89 p. 11,50 €
Ecrivain(s): Michel Cosem Edition: L'Harmattan
Écrire être au monde en sachant comment se parlent le ciel et la terre, avec toute la sérénité d’un poète qui maîtrise sa langue et pose un regard paisible sinon rasséréné sur le monde, ainsi nous parle / créé / voyage Michel Cosem.
Écrire : Ȇtre / Ȇtre au monde et l’ Écrire / Écrire & être au monde
Une même lettre initiale inaugure la geste créative, que transfigure l’acte poétique porté par le poème, d’un merveilleux quotidien. Geste créative / Quête existentielle.
Ainsi se parlent le ciel et la terre s’ouvre sur le Dire de cet acte inaugural, Écrire être au monde, comme dans l’Aube de Rimbaud « la première entreprise fut une fleur qui (…) dit (au poète) son nom ».
Et le merveilleux quotidien, surgi de cette entreprise de langage entre le ciel et la terre mise en mots par le poète, transparaît d’emblée dans les interlignes de la page première.
Il s’agit d’Écrire être au monde / Comme un carré de terre, mais, pas n’importe quel espace-temps ici s’instaure
puisqu’on l’y trouve semé d’orchidées mauves / et de plumes d’oiseaux
puisque les interlignes
sont de ressource
inscrits dans la sève & dans les sources,
reconduits sans cesse / sans arrêt
renaissants /
sur la ligne de crête des souvenances
dans les lumières, dans les mémoires
puisque s’y écrivent
les soleils et les océans,
les racines du monde
En plein ciel ou dessous
l’écorce
d’où se relisent / s’écrivent
se relient
l’histoire et l’imaginaire
les horizons pluriels /
l’Est du levant
l’Ouest du couchant /
Du cœur les crépuscules
ou
les hautes dunes d’or.
Nous sommes
dans Ainsi se parlent le ciel et la terre
À la limite
À la limite presque bleue presque blanche
à la limite reliant le règne du vivant au règne de l’imaginaire
Si les référents sont souvent de sources élémentaires (l’eau, le vent, le feu des soleils, le souffle de la terre), leur existence prend Encrage sur la ligne du cœur d’où écrit le poète Michel Cosem.
Jean Joubert dans la Préface évoque la concision des poèmes, l’expressivité des images et des métaphores qui s’y déploient, et parle, à propos des petits poèmes en prose qui remuent aussi les pages de ce recueil, de petits chefs-d’œuvre de finesse et d’émotions discrètes.
Je pense que la puissance évocatrice et la force créatrice des poèmes constituant Ainsi se parlent le ciel et la terre se trouvent là : dans la simplicité et la profondeur des réalités qu’ils lèvent. Profondeur d’une observation fine et attentive du poète qui regarde et écrit le monde où il prend corps et chant ; simplicité des visions révélées, à portée de regard, de la synesthésie de tous les sens et des sentiments, dans une envergure et une altitude portées par l’écoute en veille ou active du monde, vuepar le poète.
D’envergure et d’altitude il est question ici où se déploie l’incessant dialogue entre le ciel et la terre, d’autant que l’oiseau en signale abondamment les lignes de voyage, les lignes de partage et de contrées migratoires, les couleurs.
Le rossignol, hôte d’un même territoire que celui disputé à l’eau laissant venir à elle la feuille rousse ; la buse qui en plein midi noir / miaule ; tandis que roule le loriot / dans la forêt légère / Le nid tissé de frais / est plein d’illusions ; le chant discret de la sitelle où passe un papillon ; la hulotte toute tremblante annonce la nuit et les chemins de hasard, les rêves qui scintillent au bout des mots ; …
Sans doute rôde au-dessus d’Ainsi se parlent le ciel et la terre, L’ombre de l’oiseau de proie, titre d’un recueil du même poète aux éditions de L’Amourier.
Oserais-je écrire que les poèmes de Michel Cosem ressemblent à des ortolans gagnant leur territoire sur l’arbre-de-poésie – l’ortolan recherché, l’ortolan rare à apprivoiser du regard et dans l’esprit ?
Mais le poète-éditeur est à l’écoute du monde animal et végétal dans son ensemble, en une multitude que l’acuité du regard seule signale (le grand cerf, les orchidées mauves, les feux d’herbes, le vieux chêne, les broussailles, le scarabée doré, le papillon aux ailes de rouille, l’abeille tournant sous le lilas…).
Car il s’agit bien de voir, écouter et regarder – tous les sens en éveil – pour VOIR ; VOIR et être au monde ; VOIR, Écrire être au monde.
Entendrai-je encore longtemps
le chant des tourterelles
dans les platanes verts semés de ciel et
d’hirondelles
et de tranquilles idées ayant les habits du matin.
Entendrai-je encore longtemps parler la langue
verte du fleuve
portant des myriades de nouvelles d’aval ?
Ainsi se parlent le ciel et la terre
nous écouterons
encore longtemps
résonner en nous
ses poèmes
Que nous prendrons
à chaque matin de
nouvelle rose /
Que je prendrai encore
à la nouvelle rose de
chaque matin.
Mais laissons, là, la vraie parole au poète :
Une nouvelle rose ce matin se balance et cherche à me ravir. Je la laisse un instant en attente. Elle me parle du vent d’été et de la forêt redevenue sombre et bruissante, des nuages clairs qui passent dessinant des fantasmes. Elle m’entoure d’une écharpe de laine fraîche car le fond de l’air est frais, tandis qu’alouettes et rossignols se répondent en paix.
Murielle Compère-DEMarcy
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