Adrienne Bolland ou les ailes de la liberté, Coline Béry
Adrienne Bolland ou les ailes de la liberté, septembre 2016, 335 pages, 21 €
Ecrivain(s): Coline Béry Edition: Le Passeur
Adrienne Bolland, une belle figure de l’aviation française, dont ces pages réinventent l’existence avec chaleur et conviction.
Lorsque fin novembre 1919, Mademoiselle Bolland, qui n’a pas encore tout à fait 24 ans, prend le train à la Gare du Nord, tout est à inventer d’une vie et d’une trajectoire aérienne. Rejoignant au Crotoy l’Ecole de pilotage internationale Caudron, où elle est la seule élève féminine, elle va pourtant s’imposer, montrant d’emblée un « sens de l’air » et une volonté exceptionnels, obtenant le Brevet de pilote civil, devenant ainsi la treizième aviatrice depuis les débuts si récents du vol des plus lourds que l’air. En 7 mois à peine, non seulement elle est jugée par son constructeur René Caudron apte à s’aligner – seule encore – parmi les 40 concurrents du meeting de Buc, vers lequel convergent la foule, les vedettes du spectacle, et les têtes couronnées – Georges VI, Alphonse XIII, sans oublier le Maharadjah de Kapurthala ; mais elle y affirme un talent remarquable, et y rencontre René Duperrier qui deviendra son mécano attitré. En décembre 1920, tous deux embarquent pour l’Argentine.
Difficilement imaginable : malgré l’évidente désapprobation qui lui est manifestée à Buenos Aires, de l’Ambassadeur de France comme du Lieutenant de la mission aéronautique française, la voici à Mendoza le vendredi 1er avril 1921 aux commandes de son G3 Caudron, biplan de 6,40 m, moteur 80 chevaux, poids de charge 710 kg, autonomie d’essence de 5 heures grand maximum, vitesse n’atteignant pas 110 km/h, décidée à relever un défi majeur, franchir la Cordillère des Andes. A 6h20, dans le matin glacial, Duperrier a lancé l’hélice ; s’élevant de son mieux, s’engageant dans les montagnes – dont les sommets atteignent les 7000 mètres – luttant avec les vents qui parfois la font reculer, ne disposant, cela va sans dire, ni de masque à oxygène ni de la moindre marge de sécurité, elle parvient à trouver la brèche à 4200 mètres, et se pose à Santiago du Chili à 10h15. Elle est désormais une héroïne… en Amérique du Sud. Cinquante ans plus tard, en 1971, elle y sera reçue avec émotion.
De retour en France, où la dépêche annonçant ce « 1er avril » n’a pas été prise au sérieux, tout sera beaucoup plus difficile, et Coline Béry met en évidence le machisme et la misogynie de ce monde français de l’aéronautique et de ses « autorités », les petitesses, les combats éprouvants. Mais elle ne cède pas. Contre les règlements et diktats de l’Aéro-Club de France et de la Fédération Internationale Aéronautique, elle va une nouvelle fois être la « première femme » arrachant le Brevet de Transports Publics. Peu importent ses huit chutes graves entre mai 1920 et avril 1930, dont celle au Brésil à la suite de laquelle on manque de l’amputer, en 17 années de vol elle aura accumulé quelque 1300 meetings, et son record féminin de 212 loopings (en 72 minutes, le 27 mai 1924 à Orly) a résisté au temps. Viscéralement libre et non-conformiste, elle sera de toutes les batailles féministes, de même qu’elle s’impliqua dans la Résistance dès 1941.
Selon les sensibilités on s’avouera plus ou moins sensible au style cavalcadant de l’auteure, qui semble parfois tant soit peu forcé et boursouflé proposant des phrases aussi improbables que celle-ci : « Lorsqu’il s’agit de sa propre existence, ce qu’elle voit défiler lui rappelle d’autres calques, dont certains se mettent à clignoter plus fort que les autres et se changent en points de convergence échauffés, à manier avec prudence ». Mais on lui saura gré de sa recherche poussée des sources et des témoignages qui lui ont permis de restituer de manière tout à fait crédible, que ce soit sur le plan privé comme au cœur de la société des « années folles », jusqu’à son terme (le 18 mars 1975 à Paris), le parcours d’Adrienne Armande Pauline Bolland.
Jean Durry
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