À propos de Refrain de Bernard Grasset, par Didier Ayres
Refrain de Bernard Grasset, Jacques André éditeur, février 2017, 11 €
Poésie du croisement
C’est avec bonheur que j’ai lu le dernier livre de Bernard Grasset, car il vient à la fois s’ajouter à ce que je sais du travail du poète, en même temps qu’il me permet de me distancier de lectures difficiles parfois, qui demandent elles aussi des soins et beaucoup d’énergie. Or, ce livre-là donne de l’énergie et n’en prend pas. J’ai donc aimé cette qualité, disons, du « peu », d’une littérature aérienne, fluide, transparente et essentielle. Oui, une poésie ductile et belle, dans de simples habits de mots, qui se voue à la contemplation ou à l’écoute méditative. D’ailleurs, le sujet du livre tourne autour de la question de l’œuvre d’art en général, et sans nul doute, permet à la poésie de remplir son vœu mimétique (si je peux tirer vers moi la pensée de Walter Benjamin).
C’est donc dans la blancheur, dans une sorte de silence que j’ai été enveloppé. Et justement le silence est le point central, si l’on considère que la peinture est un art du silence, et que ce dernier est la condition même de l’existence de la musique. Silence donc au sein d’un acte spirituel. Et je le répète, dans une sorte de simplicité harmonieuse qui repose de la tourmente de mes lectures récentes. Oui, repos de cette poésie où se croisent la peinture depuis Fra Angelico jusqu’à Kandinsky, et la musique de Bach à Dutilleux.
LE PÉRUGIN
Visages d’attente,
La flèche et le sang,
Le pas du témoin.
Un cyprès, la clef,
Des hommes parlent,
Des hommes se taisent,
Mémoire d’une aube pure.
Entre les colonnes
Les bras étendus,
Un cri, un murmure,
La rencontre des regards,
Douleur et douceur,
L’ombre dans le ciel,
Une source calme la terre.
Je dirais même que l’on a affaire à une espèce de spiritualisme, de croyance ouverte, à la recherche en soi d’un monde axé sur la divinité, et en un sens, que l’on est confiné au principe double de la mystique, sachant que ce mysticisme recourt à la fois à l’Image et au Verbe, à l’icône et à la prière.
VAN GOYEN
L’eau et le ciel,
Des voiles blanches
Se croisent à l’horizon,
Des nuages et des vagues,
Le libre envol
Et la cité rêve.
J’écoute le vent
Aux portes du lointain.
De sages silhouettes,
Brun est le pays,
Une église, des moulins,
Les mots résonnent
Comme une alliance,
La terre et le ciel.
On est donc convié à réunir, à relier les fils de la pensée à ceux de la sensibilité, des arts et de la métaphysique, à imaginer un lien sans matière avec la matière pure du poème. Et c’est à travers cet idéalisme transcendantal que se reflète nettement ma lecture de ce petit livre (en volume), qui permet une approche du peu, mais de l’essentiel du peu, comme est utile le vol pour l’oiseau.
Didier Ayres
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