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A propos de Projet Anastasis, Jacques Vandroux

Ecrit par Mélanie Talcott le 22.08.17 dans La Une CED, Les Chroniques

Projet Anastasis, Jacques Vandroux, Robert Laffont, juin 2017, 528 pages, 20 €

A propos de Projet Anastasis, Jacques Vandroux

 

J’ignore si Jacques Vandroux connaît les conseils en écriture prescrits par Bernard Weber comme étant la recette magique du succès assuré… Toujours est-il que son ouvrage Projet Anastasis, publié par les éditions Robert Laffont, est un chef d’œuvre de marketing. Tout est pensé, pesé, agencé, contrôlé. Rien ne semble laissé au hasard tant dans le mécanisme parfaitement huilé de l’intrigue, qui joue les montagnes russes avec l’adrénaline figurée du lecteur, que dans les protagonistes principaux et secondaires de cette fiction.

Tout commence par le récit, talentueux et étonnamment évocateur dans sa réalité narrative, d’un attentat en plein Paris au cours duquel le terroriste, responsable du massacre, sauve malgré lui le petit Alexandre, fils d’un homme politique influent et de la femme qu’il vient de blesser mortellement, avant de disparaître avec l’enfant. Qui est-il ? A quelle mouvance appartient-il ? A qui obéit-il ? La réponse constitue la trame du roman.

Clap de fin de la première partie. Le décor est solidement planté pour les séquences suivantes qui se déroulent tambour battant sur cinq plans.

– Historique d’abord, fort bien documenté et raconté : celui de l’Alsace sous occupation allemande et celui du troisième Reich, entre l’extermination mathématique et eugéniste de toutes celles et ceux qui n’étaient pas conformes à son délire de la race aryenne et ses expérimentations « scientifiques » en vue de l’améliorer, voire de la perpétuer, avec en toile de fond le camp de concentration de Natzweiler, au lieu-dit le Struthof, sur territoire français, où des milliers de déportés moururent au nom de la productivité industrielle de guerre allemande ou sous les tortures expérimentales des médecins nazis.

– Scientifique en second lieu : celui de la manipulation génétique et du clonage humain, devenu ici une réalité orwellienne, s’incarnant dans la chair de « surhommes fruits de la sélection des meilleurs gènes de la race aryenne », incapables d’émotions.

– Politique ensuite : lorsque l’on plonge dans les arcanes du pouvoir, où les compromissions, l’arrivisme, la trahison et les intérêts privés sont plus souvent la loi que la probité, la loyauté, les convictions et le sens du bien-être collectif, on arrive vite à résumer une situation fréquemment foireuse à cette unique question, qui ne manque pas de se poser dans le projet Anastasis : à qui profite le crime ?

« Ses partenaires lui étaient tous redevables de faveurs, qu’elles soient financières, politiques ou personnelles. Il les avait patiemment étudiés et testés avant de les admettre dans son cercle. Ils avaient tous un point commun : aucun état d’âme. Le pire eut été le soudain cas de conscience de l’un de ses proches alliés. Il connaissait toutefois suffisamment l’âme humaine, et ceux qu’il avait choisis auraient tout donné pour une parcelle de pouvoir ».

– Géographique : De Paris à Malte, en passant par la Suisse. Et plus particulièrement l’Alsace et ses spécificités :

« Béatrice avait raconté l’Alsace pendant deux heures : les légendes qui entouraient le mont Sainte-Odile, la ville d’Andlau, les châteaux des Vosges, la construction de la cathédrale de Strasbourg, les particularismes alsaciens comme ceux qui transformaient les non-Alsaciens en Français de l’intérieur ».

Conjointement à sa créativité culinaire dont « la torche aux marrons », on découvre la magnificence des paysages, sans percer néanmoins les mystères qui entourent la montagne la plus célèbre de toute l’Alsace, le Mont Saint Odile, sanctuaire religieux et historique. Quelques éléments cependant suffisants pour piquer la curiosité de certains lecteurs…

– Et enfin romanesque, autour de nombreux personnages qui se divisent évidemment entre bons et méchants. Pour les premiers et les principaux, Jean Legarec, Béatrice Weber, son grand-père, Lucien, et un flic rebelle, Marussac. Pour les seconds, les Clairval père (Joachim, futur premier ministre) et fils (Jean-François, larbin de son paternel), William Bill MacCord, « ultraconservateur, raciste et admirateur du Troisième Reich », à la tête d’un lobby pharmaceutique et commanditaire du Projet Anastasis.

Pour ce qui est des bons, là aussi suivant l’adage que c’est « dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe », Jacques Vandroux – comme beaucoup d’autres écrivains de thrillers à succès – n’échappe pas au profilage littéraire archétypal du détective charismatique. Celui-ci, ex-capitaine baroudeur recyclé des guerres de la fin du XX° siècle (Bosnie, Centrafrique), homme de réseau et dirigeant de KerAvel, une société de renseignements industriels qui oscille entre le consulting, l’espionnage et le business, est un être tourmenté par un drame secret, addict aux doses de café, « ni sentimental, ni mélancolique », mais suffisamment sensible, maniant le self-control, la froideur répulsive et la tendresse, voire le romantisme, avec un redoutable à propos, juste la dose nécessaire au moment où il le faut. Un type dont la fêlure est en titane. L’inspecteur Baptiste Marussac vient en contrepoint de Legarec, comme un alter ego également très doué, tout aussi obstiné mais plus « sanguin » et nettement moins diplomate. Béatrice Weber, tante du garçonnet kidnappé, a réitéré au décès de sa sœur, Maud Clairval, la demande de celle-ci : que Legarec retrouve son neveu. Outre son inquiétude légitime quant au devenir de ce garçonnet, l’amour lui donnant des ailes de Minerve, la jeune femme réussit la prouesse d’une belle voltige psychologique peu vraisemblable. D’une femme complexée, voire soumise, déçue et manquant de confiance en elle, elle se transforme au contact de Legarec… en samouraï ! – Mais bon, comme me le ferait remarquer goguenard quelqu’un que je connais bien : « Oh Mélanie, redescends sur terre, c’est juste une fiction ! » – Son grand-père, Lucien Weber, quant à lui, est celui qui sauve la mise trop léchée de ces héros sur mesure. Un vigneron qui « vit au pied des Vosges, à Andlau… Des rides profondes parcheminaient le visage du vieil homme. Témoignage d’années passées à cultiver les champs et les vignes, elles étaient aussi le signe d’une étonnante vigueur. À quatre-vingt-dix ans, Lucien Weber était encore alerte ». Jacques Vandroux a su donner à ce personnage une assise faite authenticité. Un homme droit dans ses bottes, malgré la perte de sa compagne et de leurs vies douloureusement liées aux horreurs nazies.

Tout ce petit monde œuvrera, chacun dans le rôle que l’auteur lui a dévolu, au dénouement heureux du kidnapping, les méchants étant occis et les bons, apaisés, voire en passe de renouer avec le bonheur.

L’éditeur Robert Laffont qualifie Projet Anastasis comme étant « un thriller dans la lignée de Jean-Christophe Grangé et de Dan Brown. Un auteur plébiscité par les lecteurs avec déjà 400.000 exemplaires vendus dans le monde ».

Si je ne récuse pas la référence à Grangé, Brown à laquelle on pourrait ajouter bien des auteurs à succès qui remplissent les têtes de gondole, je ne fais pas partie des « 400.000 lecteurs conquis » par ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’un des thrillers de l’été, sur plage bien évidemment ! (avant que l’on nous matraque de la rentrée littéraire cuvée 2017). Il m’a fallu lire ce livre une seconde fois pour me rappeler que je l’avais déjà lu, il y a quelques mois, quand il se vendait comme des petits pains sur Amazon en autoédition, bien avant que Robert Laffont ne le repère comme un bon coup éditorial, et ce avec toutes mes félicitations au tandem Jacques et Jacqueline Vandroux. Et je ne m’en suis souvenue qu’en croisant à nouveau Lucien Weber, l’unique passage que j’avais gardé en mémoire…

D’où ma question : un livre aussi bien chiadé soit-il que l’on oublie, est-il un bon livre ? Mais bon, comme me le ferait remarquer goguenard quelqu’un que je connais bien : « Oh Mélanie, redescends sur terre, il en faut pour tous les goûts ».

 

Mélanie Talcott

 

Quatrième de couverture

Dans un monde où même le pouvoir s’achète, la vie humaine a-t-elle encore un prix ?

Jean Legarec, responsable d’une agence privée de renseignements, est un expert en affaires sensibles. Mais il est loin d’imaginer ce qui l’attend lorsqu’il accepte d’enquêter sur la disparition d’un enfant. Ce dernier, petit-fils d’un homme politique influent, a été enlevé lors du chaos qui a suivi un attentat perpétré à Notre-Dame de Paris. Très vite, Legarec découvre qu’il ne s’agit pas d’un « simple » kidnapping, mais d’un large complot dont les racines remontent au Troisième Reich. Aidé de Béatrice, la tante du garçon, il va devoir plonger au cœur des heures les plus sombres de l’histoire européenne. Et ce, alors même que son attirance grandissante pour Béatrice menace d’obscurcir son jugement… Parviendra-t-il à mettre de côté ses sentiments personnels pour sauver un enfant innocent de cette toile infernale ? Un thriller dans la lignée de Jean-Christophe Grangé et de Dan Brown. Un auteur plébiscité par les lecteurs avec déjà 400.000 exemplaires vendus dans le monde.

 

Ingénieur de formation, Jacques Vandroux a commencé à écrire dans le train et dans l’avion, au cours de ses nombreux déplacements professionnels. Il y a vite pris goût et a décidé de s’auto-publier afin de partager ses histoires au grand public. Et le succès a été au rendez-vous puisqu’il est devenu, en moins de cinq ans, un véritable phénomène de l’autoédition, avec plus de 370.000 exemplaires vendus dans le monde.

 

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A propos du rédacteur

Mélanie Talcott

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Maquettiste free-lance (livre papier et numérique, livre clé en main)

Écrivain et auteur de : Les Microbes de Dieu (2011), Alzheimer... Même toi, on t'oubliera (2012)

Chronique à l'Ombre du Regard (2013), Ami de l'autre rive (2014), Goodbye Gandhi (2015 -

prix du jury 2016 du polar auto-édité), La Démocratie est un sucre qui se dissout dans le pétrole (2016)