À propos de Petits riens pour jours absolus, de Guy Goffette, par Didier Ayres
Une poétique des choses banales
à propos de Petits riens pour jours absolus, de Guy Goffette, Gallimard, juin 2016, 120 pages, 14 €
Pour un primo-lecteur de la poésie de Guy Goffette, ce dernier recueil qu’il publie chez Gallimard laisse entendre une intelligence de la chose poétique, mais sans l’ethos compliqué parfois que l’on rencontre dans la poésie contemporaine. C’est alors un voyage complice que l’on fait avec le poète, parmi ces petits riens qui font la banalité des jours. Mais le banal ne suffit pas à justifier l’existence du poème, et il faut regarder ailleurs – notamment ici vers des poètes comme Paul de Roux ou Guillaume Apollinaire – dont Guy Goffette revisite la poétique par exemple, dans un langage simple, abordable, sobre et presque enfantin.
Tout est propre à présent qu’on a recousu le ciel
et redressé la terre au-dessus des charniers.
La ville est une bonbonnière ouverte à tous,
un manège de façades qui rient jaune ou rose
selon qu’on tourne avec les buveurs de bière
adossés comme un rang d’échalotes au soleil
ou qu’on se laisse happer par les longues tresses
d’une vendeuse d’ambre qui vous répare
pour trois sous le bleu déguenillé de l’horizon
flottant sur les chantiers de Solidarnosc.
Que l’on soit le 11 mars ou que l’on marche boulevard de l’hôpital, c’est toujours la banalité du lieu qui est offerte à la distinction du poème, à sa destination et son accomplissement. Et même si le recueil glisse doucement vers des thèmes plus sombres, comme la mort, la maladie, l’absence, on sort du livre apaisé par une certaine candeur, une évidence des choses simples.
Ni ces compagnons fidèles de nos vies – livres,
disques, soldats de plomb, photographies – ni
le ciel à tombeau ouvert qui traversait ton salon
au cinquième étage, rien ne t’aura protégé
du vertige et de l’insomnieuse angoisse
de vivre seul au milieu de la ville, attendant
nuit après nuit que résonne sur le trottoir
le pas de l’inconnu
qui s’en allait toujours en emportant la nuit.
On pourrait voir dans cette poésie une proposition un peu caduque qui n’hésite pas à versifier, dans une approche classique et quand même rigoureuse, qui n’évite pas, heureusement, la sensualité et parfois l’humour. Donc, malgré tout, de la gaité.
Bâti comme un lutteur de foire
Gui gardait une âme d’enfant
Il devint artiflot pour voir
Comment tirent les éléphants.
Donc, on accepte avec le poète que la vie soit ordinaire, à la mesure cependant d’une mise en abyme de la réalité par le poème, qui ici se double d’une mise en abyme du poème lui-même, ce qui confine là toute l’intelligence de l’ouvrage.
Didier Ayres
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