À propos de Je voulais vous dire d’Armand Gatti, par Didier Ayres
Je voulais vous dire d’Armand Gatti, illust. Emmanuelle Amann, éd. Aencrages&co, décembre 2017, 48 pages, 21 €
Une poésie comme acte
Comme je ne peux consacrer que quelques lignes au sujet du dernier livre d’Armand Gatti, j’irai à l’essentiel. Je dirai donc que nous sommes à la fois au sein d’une poésie physique, une poésie du corps, et de poèmes engagés. Et tout s’allie très bien grâce à une écriture très pure, sans scories, fraîche. On devine la relation physique avec une amante non nommée, mais qui entraîne en quelque sorte une relation politique, une nomination poétique, teintée d’érotisme où le corps est aussi un instrument politique.
Je ne vous ai appelé que pour le combat
et pour la peine. Mais cette fois
c’est la fête aussi sûre que l’orge imperlé
et le contact des doigts
Ce livre, qui n’est pas paginé, est illustré par des bois gravés qui disent beaucoup du texte du poète, à la fois de sa métaphysique et du caractère corporel de l’œuvre. Pour preuve, la couverture où l’on voit, où l’on devine l’ombre portée d’un visage humain mais habité par les ailes d’un oiseau, sans doute une sterne, un oiseau marin. Dans une autre gravure, on voit l’importance graphique et chromatique de l’empreinte et de la trace, traitées de façon un peu expressionniste, qui est une question, semble-t-il, posée au cœur de l’ouvrage.
(Il fallait trouver des mots sans spécialisation
pour assouvir sa faim
et un corps vacant
pour qu’il put s’y loger)
Malgré le peu de temps que je peux consacrer à l’écriture de cette chronique, il faut quand même noter l’importance de Paris, de ses rues, de ses quartiers, et peut-être avoir en tête le Paris de La Jetée de Chris Marker, d’où l’on connaît l’épouse d’Armand Gatti, Hélène Châtelain, qui tenait le rôle principal du film. Est-ce la recherche d’un paradis perdu où corps et âme résoudraient le dilemme de la poésie ? Où la poésie ordonne une sorte de désordre habile et concerté ? Il y a sans doute aussi une relation aux Feuillets d’Hypnos dans ce rapport que l’on pressent d’Armand Gatti avec la Résistance, le combat et la vie.
Ils n’avaient pas vécu
pour mourir
dans la mémoire des hommes
mais dans leur devenir
En dernier lieu et pour conclure sur ce petit recueil, j’ajouterai que je suis certain que la poésie est du régime hivernal, qu’elle se tient toute entière dans l’exploration du blanc et du rien, dans l’expression du dénudé et de l’absence. Et j’ai reconnu cette même préoccupation dans la poésie de Gatti, qui reste quand même un acte, un acte esthétique et corporel qui réjouit le lecteur dans son poème et lui permet d’explorer une façon d’utopie littéraire.
Didier Ayres
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