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A propos de Ainsi parlait Oscar Wilde (Arfuyen)

Ecrit par Didier Ayres le 20.02.17 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

A propos de Ainsi parlait Oscar Wilde (Arfuyen)

 

Le dandy blessé

Ainsi parlait Oscar Wilde, Oscar Wilde, Arfuyen, janvier 2017, trad. Gérard Pfister, 165 pages, 13 €

 

Il y a sans doute une double inflexion dans l’œuvre d’Oscar Wilde, inflexions qui recoupent les genres qu’il a parcourus – théâtre, roman, textes divers, correspondance… –, et qui reposent sur des faits objectifs. Tout d’abord, la vie de l’homme, et son destin, aristocrate irlandais qui a subi un déclassement social, qui l’a conduit jusqu’à la mort à Paris en 1900. Son inculpation d’homosexualité, la vieille Angleterre victorienne, le harcèlement de sa société, représentent un grand arc historique qui marque l’écrivain. C’est l’inflexion la plus visible, et la plus douloureuse.

A cette première courbe s’ajoute, selon nous, un arc sensible dans l’œuvre elle-même, ce qui d’ailleurs est mis en lumière par cet Ainsi parlait des éditions Arfuyen, qui suit cette création chronologiquement ou presque. Et cette voûte intérieure dans l’œuvre va à grands traits, de La décoration de la maison au De profundis, en passant par le théâtre ou Le portrait de Dorian Gray. On passe ainsi lentement de la partie des livres où se manifeste un dandy arrogant et acide, à cet homme brisé par la prison, qui écrit des libelles contre l’incarcération des enfants. De cette langue comme une arme, on en vient à une sorte de prière douloureuse et sensible. On passe de l’écrivain snob, arc-bouté sur un aristocratisme hautain, à un polémiste complexe, même si ces deux hommes sont les mêmes, sachant que toute l’œuvre fait preuve partout de génie et de lucidité.

L’artiste ne peut accepter aucun espace de vie en échange de la vie elle-même. Pour lui il n’y a pas de fuite hors de l’esclavage de la terre : il n’y a pas même désir de fuite. Il est, de fait, le seul vrai réaliste : le symbolisme, qui est l’essence de l’esprit de transcendance, lui est étranger.

Ou encore :

Les vérités de l’art ne peuvent être enseignées ; elle ne peuvent être que révélées – révélées à des natures qui se sont faites réceptives à toutes les sensations de la beauté par l’étude et la vénération des choses belles.

On suit la déclinaison jusqu’au De profundis, avec l’écrivain seul et pauvre. Mais la lucidité reste la même, voire l’ironie ou l’humour. On voit dans ce parcours d’écriture autant de la force que l’on prête au Nietzsche du Gai savoir, c’est-à-dire un constant travail d’éclaireur, qu’autant d’intérêt de Wilde pour la peinture, pour la morale ou le théâtre, la philosophie, la sagesse, et peut-être même pour la théologie. Donc cette morgue aristocratique n’était qu’une façon de renverser les idées reçues, quitte à se contredire. De porter la lumière au milieu des choses de l’art, des artistes ou de la religion par exemple.

Le secret de la vie, c’est la souffrance. C’est elle qui est cachée derrière toute chose.

Il faut donc prendre très au sérieux l’homme et l’œuvre, et suivre avec lui la flèche de la vie à la mort, l’écrivain tout épris de vérité, de beauté, d’intelligence et d’art. Donc, suivre le cheminement de l’auteur britannique, grâce à la traduction très claire de Gérard Pfister, permet de partager avec Wilde le renversement des lieux communs, mettre en péril les idées toutes faites, et trouver en même temps une langue, un ton, disons vraiment un style sans égal, surtout pour notre époque où le mensonge en littérature s’est ajouté à la confusion des idées et des sentiments.

Mais, il faut conclure quand même par quelques beaux aphorismes de Wilde, qui permettront un peu au hasard (je crois que l’on dit at random) de saisir la crudité acide parfois des propos de cet auteur, de ce dandy blessé.

* – Quelle différence y a-t-il entre littérature et journalisme ?

– Le journalisme est illisible, et la littérature n’est pas lue.

Ne rien faire du tout est la chose la plus difficile au monde – la plus difficile et la plus intellectuelle.

Il n’est pas égoïste de penser par soi-même. Un homme qui ne pense pas par lui-même ne pense pas du tout.

etc.

 

Didier Ayres

 


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.