A mon père (1) - Peut-être te disais-tu, par Emmanuel Levine
L’écriture économe et le rythme lent donnent au poème le ton d’une berceuse funèbre, adressée au lecteur et au défunt. De vieux mots juifs dérangent et complètent une langue ordinaire, pour raconter l’expérience d’un endeuillé, excaver ses souvenirs et ses mots. Toute une archéologie commence, qui cherche à les restaurer, pour abandonner nos passions tristes.
E.L.
PEUT-ÊTRE TE DISAIS-TU
Les clous du soir
tombaient sur tes jours.
Tes paupières fermaient boutique,
mais nous voulions marchander,
tout occupés d’encore un peu,
brocantant le drame de ton corps.
Toi seul voyais les paniers de l’ombre
couler en toi.
Tout sentait les dimanches
les débuts de la fin d’un été,
l’avant-veille de grandes vacances.
Entre nous le fil du temps défaisait sa toile,
l’incessance même du temps est en train de passer.
Tu voulais contre toi nous serrer,
dans tes longs bras minces
tout contre toi
nous serrer.
Alors,
entre nos joues alarmées,
s’ouvrait l’aveu d’un petit chemin de partance
où coule à présent
un petit lit de pierres bleues.
Emmanuel Levine
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