A Gambo, Louis-François Delisse
Ecrivain(s): Louis-François Delisse
Louis-François Delisse, À Gambo, enterrée au cimetière de Thiais depuis le 3 janvier 2011, avec quatre stèles de Jean-Pierre Paraggio, Collection de l’umbo, Série Passage du Sud-Ouest, février 2013, 8 € (port compris)
(commande et toute correspondance : Jean-Pierre Paraggio 23 rue des Princes 31500 Toulouse ; jeanpierreparaggio@yahoo.fr)
En ce court livre, Louis-François Delisse se souvient de son épouse.
Il se souvient de celle qui, n’étant plus, est tout : il se souvient de celle qui se confond – superbement – avec la totalité du monde…
Le soleil s’est levé
à l’ouest, la lune est
un caillou dans ta bouche.
… maintenant qu’elle n’est plus et que son absence devient criante à chaque carrefour du visible, dans chaque parfum, goût…, dans toutes ces choses qu’il n’est plus possible de partager avec elle. Dans toutes les choses.
Et Delisse fait plus que se souvenir.
Il adresse à Gambo la vie. Sa vie.
Par de courts poèmes.
Il lui adresse sa vie, c’est-à-dire son amour pour elle, qui le fait à chaque instant, ne fût-ce que dans la pensée qu’il a d’elle et qui les réunit tous deux, vivre de la vie la plus vivante qui soit (malgré la maladie), – il lui adresse sa vie pour qu’à nouveau elle puisse vivre.
Par l’attention du lecteur. Du lecteur qui fait corps avec le poème qu’il découvre et auquel il suspend immédiatement son imaginaire, du fait de la singularité (faite d’oniriques précisions) des images employées.
Deux mois sous une terre
où rien n’a poussé. Qu’
a-t-elle vu, la morte, de ces
forsythias en fleur là-bas ?
Dans ta tombe courent
encore des chevaux, de
longues vaches dormantes.
Des enfants jouent à mou-
rir ou à s’épouser.
Et jamais il ne s’agit pour le poète de s’apitoyer sur son sort. Il sculpte son désespoir comme une pièce de bois pour en faire un alto – c’est exactement ce timbre qu’il recherche. Et la musique – façon qu’ont les vibrations de l’instrument de nous parvenir, d’assouvir une attente qui ne préexiste pas à notre écoute – sanctifie la vie vivante. Incessamment.
J’ai tendu ma chair
sur deux bouts de
cercueil. Anges morts
ou vifs, venez sur
ce fil danser ma peine.
Les « stèles numériques » de Jean-Pierre Paraggio, réalisées sur un « herbier anonyme », disent à la fois la disparition, et ce qui vient la contrer : l’efflorescence du rêve et de la tendresse continuée, recommencée, malgré l’absence que rien jamais ne pourra venir abolir, ou même, le temps d’un souffle, contredire.
Toutes en mouvements immobiles et audacieux, ces stèles accolent à l’instant, dans son volettement, le pas de l’éternité.
Matthieu Gosztola
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