52.dimanche (XXXIX)
le corps
quelle place, à quel degré, où et comment ?
un corps clos, fermé, sans continuation
ce corps-là, seul, est celui qui existe, en vérité
un corps non écrit, invalide, impropre à rester au milieu de la page ?
car écrire, de toute évidence, au contraire peut-être de la peinture, évacue, fait disparaître, anéantit, défait ce que le corps produit comme élocution, humeurs, au profit de quelque chose d’inorganique
forme de présence qui s’efface mais qui cependant ne disparaît pas, mais se constitue comme éclipse, comme un discours qui s’interpose
cependant, le corps est sujet de médiation, alors qu’il reste précisément sa masse, et on pourrait presque parler de texture, d’une peau, de la couleur d’une chevelure, du souffle, des larmes et de leur goût douceâtre de café tiède, bref tout ce qui fabrique un effet de vivant
mais si on réfléchit ceci n’est qu’un corps articulé, une machine, un corps comme le pensaient les voltairiens, avec des rouages et une mécanique de type céleste
par exemple, je ne peux me rappeler les veines saillantes du dos de la main de mon père, sans voir à l’identique la même plasticité inquiétante et bizarre sur les miennes
d’ailleurs peut-être, relater la part la plus spirituelle du corps reviendrait, par exemple, à décrire la plaie d’un damné ou d’un crucifié ?
corps, recherche, double de soi-même
on pardonnera, comme souvent je l’espère, l’aspect irrégulier de cette missive, mais elle se prolonge depuis ce matin, et le soir avance
Didier Ayres
- Vu : 2298