52.dimanche (XXVIII)
les ciels
la lumière du matin est encore claire, et les ciels qui font l’horizon de la rue, se superposent dans un camaïeu de gris et de blanc
je dis cela à dessein, car cette lumière matutinale est en quelque sorte la stricte expression de l’activité de l’écrivain, dans son travail de coupe et de retrait
je m’explique
ce ciel est un instant de grâce qu’il me faut différer, et qui ne prendra sa forme qu’avec la mise au net que j’opère à l’instant
nonobstant, il est possible de chercher l’épure, tout autant que la métaphysique, des ciels de John Ford par exemple, ou d’Anthony Mann, et cela dans le peu, dans le petit, dans le détail modeste, sans cependant pouvoir se défaire de l’écrasante expression de la figure du ciel et de ses phases
donc ce ciel ce matin me convient pour ces deux raisons, la noblesse de cette lumière et son apparente simplicité à dire
car je sais qu’il y aura deux, trois ou quatre temps divers entre ce premier ciel et celui que je raconte maintenant, temps qui laissent entendre le décalage entre le moment A, où le ciel est effectivement couleur d’huître, et le ciel qui est relaté au moment B, bâti depuis le ciel A, mais dont le seul ciel B fait littérature – et acquiert ainsi sa qualité de ciel
l’expérience la plus intéressante pour moi, pour l’écrivain que je suis, reste le début – l’euphorie exacte du ciel, par exemple – et la fin, quand tout chavire dans la ruelle ou vers le bouquet de la fenêtre
c’est vrai, ce sont des choses bien mystérieuses pour moi, que je vous relate là, et je vous remercie de prêter un peu de vous à cette dissertation sans doute trop évasive et lâche
j’ajoute en postscriptum que le ciel est un exemple difficile, car beaucoup de poids accable les manifestations visibles et invisibles du ciel, ce qui à la fois permet l’aventure et en restreint le champ
Didier Ayres
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