52.dimanche (XXVII)
le bois ouvré
c’est avec difficulté que je fais cette lettre à cause d’une grande veille dont j’ai parfois l’habitude, mais qui, là, a désorganisé le plan de cette lettre que j’élabore souvent dans la nuit qui précède
une nuit non dormie, disons
de fait, je voulais évoquer le labeur de toute personne qui doit avancer dans le monde du langage pour y trouver des formes non encore écrites
le chantier, plein d’échafaudages, de mises en ordre préalables, de vues de l’esprit, de diverses répétitions et ritournelles – deleuziennes – pour faire apparaître une page sans défaire la profondeur du bois ouvré qu’il faut toujours pour la chose écrite – ici, le petit brouillon depuis lequel je mets au propre cette note
dans cette veillée d’hier, je préparais, si je puis dire, les grandes étapes des travaux universitaires auxquels il est possible que je sois confronté, et là, en propre, il s’agit de bois ouvré
j’ai donc trouvé intéressant de vous dire quelques mots sur mon insomnie, parce qu’elle est souvent un moment où je construis pour après, que je dialogue en moi comme en une maïeutique, et que je mets au point beaucoup de questions
oui, c’est le chantier apparent de cette nuit qui vient naturellement à moi pour écrire aujourd’hui, sachant que le vrai chantier physique – et non pas intellectuel – de l’œuvre, reste le manuscrit, l’opération que j’appelle artisanale souvent et qui me permet de me penser comme un ouvrier du langage
pour ne pas achever cette lettre sans perspectives, je ne dirai que ce en quoi mon existence est occupée, ce bout de toit gris, cette cheminée, ce ciel perle, et mon angoisse qui ressemble, si vous me permettez une image, au vol compliqué et tourmenté d’une tourterelle
brûlure, anxiété, travail, optique
Didier Ayres
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