52.dimanche (XXVI)
matériau
la question du matériau est au confluent de divers phénomènes, qui tous sont d’un intérêt supérieur si l’on veut réfléchir à l’activité de la création
le matériau, que définit Boulez dans ses cours au Collège de France, est bien le carrefour de la réalisation et de l’idée – et Boulez semble ne pas pouvoir choisir lui non plus
le matériau, comme principe fossile, comme puits minier, comme bassin phréatique, est très ouvert à l’analyse
le matériau, oui, langage flottant et ductile, capable de se cristalliser soudain dans la réalisation de l’idée, en une sorte d’apesanteur
ce qui veut dire que le matériau est une construction imagée qui revient vers elle-même
l’idée d’une source profonde, d’une nappe d’eau souterraine me semble bien évoquer le paradoxe, au beau milieu de la page, de ce procédé de prédation du sens sur la matière, et de son infiltration, de sa porosité
il y a réalisation quand il y a phase confuse entre l’idée et l’œuvre, qu’engendre le matériau avec sa plasticité et sa teneur
le matériau n’est donc rien sans le travail d’excavation
ou encore de la taille du diamant, de l’intérêt de la brisure, de l’arête qui donne le prix à la pierre
mais parfois, simplement, des petits cailloux fort modestes, quelques gouttes d’eau, la pluie peut-être ou l’augure des oiseaux chaque matin dans la ruelle qui ressemble à l’alouette dans sa fatalité d’oiseau et pour finir en son destin, sont tous de petits matériaux
nonobstant, l’énigme demeure, car il n’y a aucune façon de mettre à jour l’épreuve de ce vertige, et cette lettre encore aujourd’hui, ne permet guère d’améliorer l’obscurité, et reste insuffisante
constitution d’une énigme, double douleur
j’espère que ces quelques lignes mettent en valeur la difficile question que je me posais depuis le milieu de la semaine, mais le résultat maintenant me semble bien faible ; vous en jugerez
Didier Ayres
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