52.dimanche (Au lecteur et I)
au lecteur. Dimanche 30 décembre 2012
puisque j’ai achevé cette longue série d’épitres du dimanche – commencée le dimanche 1er janvier 2012 –, laissez-moi le dernier plaisir d’écrire juste quelques lignes, saisies directement sur la page – et non pas avec un brouillon manuscrit –, pour vous dire que c’est la pratique d’écrire qui importe et qui est supérieure – à l’écrivain ici en l’occurrence
donc, art libéral pour un homme libre – selon l’ancienne terminologie
j’ai fait patiemment de chaque dimanche un lieu recueilli, dans un travail d’abnégation bien difficile au fur et à mesure que les semaines avançaient, mais qui me redonnait une espèce de sens intérieur, de guidage dans l’an qui s’écoulait
donc, le dimanche je voulais méditer, et faire partager mon impression affranchie, conduit simplement à me faire toucher par l’instant
ce qui veut dire que j’ai essayé d’être au centre de moi-même, en mon milieu, en ma profondeur
donc, ces dimanches-là je lisais peu ou pas, je n’écrivais rien ou presque, et déjà, depuis la veille, je cherchais titre ou matière
d’ailleurs cette discipline n’était pas inutile au passage de l’an, qui s’est trouvé pris en quelque sorte par le chemin où j’allais
donc, ce chemin m’a fait, plus que je n’ai fait le chemin, si je puis dire
l’après-midi touche presqu’à sa fin, et déjà les jours de janvier croissent lentement et donnent un peu le sentiment que l’année est infléchie comme une courbure d’arc
I.
ce dimanche 1er janvier 2012
le réveillon est encore présent avec son esprit de fêtes et d’excitations, et je dois dire que je suis à la fois impatient et inquiet d’écrire cette première lettre des dimanches
d’ailleurs, l’inquiétude et l’impatience, si elles peuvent me qualifier, laissent entendre de quoi est faite mon occupation d’homme sur terre – Hölderlin disait habiter le monde en poète
donc, inquiet, car ouvert à autrui et devant faire face à l’autre, à cette responsabilité que l’on doit prendre pour autrui, dans l’évocation et la présence du visage de l’autre
car il existe un visage dans l’écriture
un autre
l’autre qui fait écho, par exemple si l’on considère qu’écrire est une activité narcissique
j’ajouterais à cette première idée, celle de la science de l’être, de l’inquiétude de l’être dont j’essaye ici de témoigner à un interlocuteur potentiel, dire cette sorte de corps évacué, disparaissant devant écrire, se défaisant quand l’écriture se fait
par ailleurs, l’impatience est aussi un phénomène qui va avec l’action d’écrire
si abolition du corps il y a, écrire est une forme de précipitation, de pensée différée, par cette belle soirée humide et grise, de report, d’adresse pour plus tard – en faisant confiance aux livres de Levinas
effet de contraction, de syncope, d’entêtement, et de rappel des effets de contraste des feux de la saint-sylvestre qui traînent un peu ici comme une étoupe ; il y a encore du différé, du pour demain
il y a surcroît, comme on le sait de la chimie des particules qui se précipitent, sous électrolyse par exemple
ou encore de demi frais comme disent les peintres
c’est donc un peu du paysage intérieur, de mon pays du dedans dont je fais état ici
l’incision, le miroir
Didier Ayres
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