52.dimanche (II)
ce dimanche 8 janvier 2012
le réel s’adresse à soi par le discours
par exemple, ce morceau de jardin, si cher à Sartre, qui disparaît, happé par le regard de l’autre, me semble quand même une affaire de discours
ou plutôt, deux phénomènes qui s’adossent et se font exister réciproquement, réalité et langage
alors, ce morceau de ruelle, ici, est une ruelle qui n’existe pas pour elle seule, ni dans la continuité de l’inertie des pierres, mais comme ruelle dite, qui prend vie comme paysage, qui fait horizon vivant
de cette manière, décrire est une affaire morale, ou philosophique car le petit peu de réalité qui détoure la page, vient à la fleur du texte après un voyage inaugural dans le réel
nous connaissons tous à ce sujet les magnifiques pages de Cent ans de solitude où les arbres ne sont arbres que parce que nommés arbres, et les pierres, pierres, etc.
il s’agit de prédation en quelque sorte, comme celle du gypaète, pour essayer de faire proie des tourbillons lents et concentriques d’une phrase par exemple, pour atteindre à la signification de la phrase
il y a même à mon sens, une certaine gravité et peut-être un peu de sacré, dans cette position démiurgique, ce porte-à-faux qui oblige le réel à s’adresser à soi comme discours, donc par un cheminement de toute une langue
il y a une très belle formule chez Héraclite au sujet de l’accueil fait à la divinité, et que je prends ici comme l’accueil de la page
je crois d’ailleurs que la pérennité du texte tient à ce qui se rapporte à l’immatérialité, sorte de chose incorporelle gisant au milieu de la page
est-ce la grande tradition des copistes jusqu’au trecento qui consignaient notre savoir avec une rigueur, et une application scrupuleuses ?
c’est cette rigueur que j’appelle le sacré, rien d’autre, juste le grand mélange délicat et compliqué de la langue et de son corollaire, le réel, et de l’interlocuteur du discours
de l’humain donc
le mystère, le profond
Didier Ayres
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