52. dimanche (LI)
matière/rien
avant de finir cette année 2012 où les dimanches ont été bien occupés, je voudrais disserter sur la question de la matière et voir comment cela s’étoffe en regard du rien, rien compris comme ce qui n’existe pas
car la langue est une matière, même si son référent est bizarrement fait de deux pièces – ce qu’elle désigne, la chose et le dit de la chose –, un peu comme en musique où la matière cette fois est elle-même et une matière sans matière, une vibration, le son
écrire est une façon de déplacer la signification
l’adresse vers une finalité abstraite est peut-être, en fin de compte, ce rien, réalité sans objet, évidée d’elle-même
écrire n’est après tout qu’une étape vers le réel, vers un réel qui, soudain, parce que « écrit » devient ductile, éphémère mais que l’on s’approprie symboliquement
c’est bien une énigme à quoi nous avons à faire
ce n’est peut-être qu’une relation sans mouvement, une espèce de relation vers soi par le truchement d’une matière sans corps
c’est envelopper le bref du réel dans une sorte de moment pierreux, cette espèce d’éternité de papier que lui confère l’écriture
c’est une question transitive, qui se rapporte à un objet
ainsi, comme je prends souvent exemple ici de choses qui me sont proches, ce livre, cette maison jaune qui fait l’angle de la rue, cette lumière pâle et presque douceâtre, ce ciel violent – qui atteint maintenant le soir –, ce couple de tourterelles qui dessine un arc noir au-dessus du toit, ou encore le ronronnement mécanique de l’horloge si caractéristique des calmes dimanches de province, tout cela est une réalité décalée, ouverte, impatiente et inquiète, mais substance, motif abouché au rien du livre, de la fenêtre ou de l’oiseau
le réel est mien ailleurs en quelque sorte, dans la dialectique du corps avec lui-même, et donc ne peut être que différé ici
bien à vous
Didier Ayres
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