La Styx Croisières Cie (I) Janvier 2019 (par Michel Host)
« – Père Ubu : De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d’enfants ?
– Mère Ubu : Qui t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?
– Père Ubu : Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l’heure à la casserole.
– Mère Ubu : Eh ! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?
– Père Ubu : Eh vraiment ! Et puis après ? N’ai-je pas un cul comme les autres ?
– Mère Ubu : À ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l’andouille et rouler carrosse par les rues ».
Alfred Jarry, Ubu Roi, Sc. 1ère, Acte premier
Jules de Montalenvers de Phrysac : noté dans le Livre de mes Mémoires
Lµ-1. Richesse révélatrice et divinatoire de ces quelques répliques placées en ouverture du Drame en cinq actes d’Alfred Jarry : jalousie avouée à demi et ambition du Père Ubu ; intervention de la femme en Ève nouvelle, en grande tentatrice faussement innocente, ou enfantine, invitant au meurtre facile, au péché en somme… Coup de colère du Père Ubu et confession naïve (ou peut-être pas) de sa simple et humaine nature ainsi que de son indifférence à la réalisation éventuelle de quelque projet naturiste en avance sur son temps : on verra mon cul… et alors ? Perversité féminine ancrée, indubitable, qui fait briller les profits et avantages du crime aux yeux de son nigaud d’époux. Ainsi s’agrandit le Livre de la Genèse aux dimensions de la vérité dramatique, soit dans un nuage de surréalité. Notre monde. Tous les mondes.
µ-2. Mon soutien aux gilets jaunes. Pourquoi ?
À ma grande surprise, chez les proches de La Cause Littéraire, on semble supporter plus aisément mes critiques et plaisanteries constantes adressées à l’islamisme, issu du Coran, que mon soutien non moins constant aux Gilets Jaunes (G.J.) depuis qu’ils sont apparus. J’imaginais le contraire. En conséquence j’ai souhaité que ne soient pas publiées mes dernières chroniques, Styx Croisière 11 et 12 pour novembre et décembre 2018. Elles le seront ailleurs et plus tard. Je ne puis faire que l’on apprécie et comprenne les G.J.
Je me suis néanmoins relu. Mon constat est que ces chroniques de novembre et décembre dernier, écrites dans la marche des faits, samedi après samedi de manifestations des G.J., ne font qu’expliquer mon intérêt pour et mon soutien à ce mouvement de revendication né spontanément à travers tout le pays après l’annonce de l’augmentation des taxes sur le carburant (l’organisation de notre société ne permet plus que l’on vive aujourd’hui sans posséder un véhicule). C’est donc mon opinion que j’ai exprimée, rien de plus, rien de moins, et si j’admets aisément qu’on ne la partage pas, je résiste au fait qu’on me demande de l’adoucir, de l’édulcorer.
Par conséquent, pour ne pas me répéter, je vais aller au plus loin et au plus ancré de mes motivations.
– La soudaineté de la levée de ce « mouvement » (ou « soulèvement ») m’a semblé un heureux réveil d’une France assoupie depuis des années devant ses écrans de télévision, anesthésiée par une information officielle gouvernementale matin et soir entrecoupée de divertissements ineptes destinés à prolonger les effets de l’anesthésie générale, le tout digne selon moi des plus délicieuses républiques bananières.
– Plus avant encore : j’ai toujours éprouvé un dégoût sans nom pour l’inéquité engendrée par notre système socio-économique, inéquité amorale et intolérable, généralement rassemblée dans ses effets sous la dénomination inexacte d’inégalités, ce que je comprends pour ma part comme de véritables iniquités.
– Qu’on me pardonne maintenant une incursion brève dans ma propre histoire. Une indiscrétion sans doute, un manque de savoir-vivre… Le modèle fut familial : je suis issu de milieux simples (cafetiers, cultivateurs, artisans et petits commerçants…) et n’ai jamais eu la moindre appétence pour le monde bourgeois, et cela très consciemment. Lointainement, je descends du monde des G.J., mes ancêtres étaient eux aussi, sans le savoir, des G.J. Une de mes grand-mères, par un travail acharné, acquit un peu de bien. Elle ne supportait pas, elle non plus, en vraie chrétienne que je n’ai pas suivie, les détresses et injustices répandues autour d’elle. Dans sa localité du Pas-de-Calais, située entre Béthune et Armentières, elle se substitua, de 1939 à 1947, aux soutiens sociaux inaugurés en 1936 par Léon Blum et interrompus par la guerre. À ses seuls frais furent donc nourris, logés, soignés, vêtus, réconfortés les « malheureux » du canton, ceux qui du moins passaient aux alentours de sa maison. En 1945, elle reçut et fit soigner une jeune prostituée alsacienne abandonnée dans un fossé tout proche par la troupe allemande en retraite, sans doute parce que l’infortunée jeune femme, blessée d’une balle à la jambe, incapable de marcher, intolérablement plaintive, était devenue un poids gênant. Un tel modèle familial ne peut être écarté de l’esprit et de la mémoire, même et surtout si on ne l’a pas vraiment suivi dans sa propre existence.
– Dans les Gilets Jaunes, à tort ou à raison, j’ai reconnu une part marquante de mon histoire, et des personnes très semblables à celles que ma grand-mère, il y a soixante-dix ans, se faisait un devoir de secourir sans leur imposer sa propre règle morale et religieuse.
– À raison plutôt qu’à tort, il me semble aujourd’hui que m’émouvoir, comprendre et enrager ne peut m’être reproché si j’entends un homme de soixante-dix ans affirmer qu’avec 780 € de retraite mensuelle il ne peut vivre tout un mois, si un couple avec enfants me dit que les 1900 € de leurs salaires cumulés ne leur permettent pas de manger à leur faim, remplir le réservoir de la voiture, faire face aux frais contraints et offrir le plus petit plaisir à leurs enfants comme à eux-mêmes ; si une vieille dame me dit sa honte d’avoir à recourir chaque semaine aux services des « restos du cœur » ; si une mère célibataire se plaint d’avoir à se priver elle-même pour ne pouvoir seulement que mal nourrir son enfant. Quand je vois entrer dans certain supermarché réputé pour ses bas prix une dame de quarante ans, obèse et claudicante, ses hanches se détériorant, suivie de sa fillette de treize ans déjà obèse elle aussi et d’un garçonnet si replet que ses cuisses, à la marche, se frottent l’une contre l’autre, je sais que ces gens ne mangeront toute leur vie que des nourritures de mauvaise qualité, que des maladies bien répertoriées les guettent et qu’ils mourront jeunes. Une scène très fréquente dans cette campagne bourguignonne que je connais.
– Il me semble que les bien-nourris-bien-logés-bien-payés qui prétendent nous diriger, assis sur de très confortables émoluments et sur les coussins de leur bonne conscience, ignorent que la France, fertile et généreuse à de certaines époques, est entrée dans le troisième millénaire, et que ceux qu’ils ne voient ni n’entendent frappent en vain à leur porte. Oui, cela me révolte et c’est pourquoi je serais dans les manifestations des Gilets Jaunes, sur les ronds-points et aux péages autoroutiers si mon âge et mes propres difficultés de santé me le permettaient. Je n’ai donc plus que les mots, et c’est beaucoup.
– Mon regret, partagé par beaucoup, est que ce mouvement protéiforme se pervertisse par les violences extrémistes de toutes origines, dont l’antisémitisme. C’est un grand corps attaqué par les virus flottant dans l’air du temps. En guérira-t-il ?
µ-3. ANTICIPONS. Je m’autorise du délai nécessaire entre la fin de la rédaction de cette chronique et son envoi à la Rédaction de La Cause Littéraire, pour me projeter vers le samedi 16 février, XIVe jour de manifestations des G.J. à travers le pays. Faits marquants : chiffres incertains à propos de la participation, pas de réel fléchissement du mouvement et retour des violences, dont certaines réellement écœurantes : voir Alain Finkielkraut, qui certes ne ménagea pas les G.J. et dont je ne partage pas toutes les analyses, rejoint par une troupe haineuse sur un trottoir du quartier de Montparnasse, se faisant menacer, encercler et copieusement insulter, me rappela et me fit respirer cet air vicié des année 1938, où à Berlin et Varsovie, j’ai plusieurs fois vu au gré de films documentaires, des juifs se faire insulter et battre, parfois à mort, dans les rues, par des nazis allemands et polonais. Alain Finkielkraut n’a été sauvé du lynchage que par l’intervention d’un G.J. d’abord, puis par celle de CRS venus l’extraire de la meute hurlante. Une nouveauté cependant : après qu’il eût été traité de « sale sioniste », autrement dit de « sale juif » par un G.J., puis invité à retourner à Tel Aviv, vint l’affronter un musulman reconnaissable à sa barbe teinte au henné, à son agitation et à ses éructations hystéro-paranoïaques, et enfin à ces anathèmes dont le Coran regorge : « Allah te punira… Tu vas mourir. Tu iras en enfer. Dieu il va te punir ! Sioniste ! Grosse m… ». La punition, le châtiment de l’Enfer (ou de la Géhenne) figure dans presque chaque sourate du Coran. C’est la seule douceur promise par Allah et transmise dit-on par Mahomet à ceux qu’ils estiment être des koufars (incroyants) ou leurs ennemis. Cet homme serait un proche du prétendu humoriste Dieudonné, et aussi un individu connu des services de police : on s’attend donc à tout instant, à ce que, quoique musulman et infiniment révéré par le Jivaro-progressisme, il soit mis en examen et jugé pour propagation de la discrimination raciale et de la haine religieuse, comme le prescrit la loi française.
On trouvera encore quelques allusions aux Gilets jaunes dans cette chronique de janvier 2019, puis, dès le mois de février, je me contiendrai et tâcherai de m’en tenir aux seuls faits. Il fallait cependant que ces deux chapitres, µ-2 et µ-3, figurent ici, en ce moment, à cette heure.
µ-4. Au soir du 31 décembre, nous écoutâmes les vœux à ses « chers concitoyens » du président Macron, alias Jupiter, alias Néron II. Seize minutes d’un flot de paroles creuses, aucune annonce claire et décisive permettant d’espérer autre chose que le retour aux projets affichés il y a un an et demi. Les Gilets Jaunes furent amalgamés aux casseurs et aux pillards dans une seule formule : « une foule haineuse ». Cela avoue l’immense panique de l’exécutif devant la foule en révolte. Ce ne sont pas là des termes propres à réconcilier les Français avec leurs actuels gouvernants. Les yeux du président furent des billes d’acier. Aucune empathie, aucune émotion réelle dans sa voix. Cette petite troupe mafieuse devrait être balayée au prochain tsunami social. Cela dit encore la profonde essence socialisante de la majorité parlementaire actuelle qui se dit République en Marche : « Nous seul détenons la vérité. Nos détracteurs ont tort, et en cela ils sont nos ennemis ». On se souvient du « mur des cons » tapissant les locaux du Syndicat de la magistrature, composé de socialistes de pure extraction.
Le roi est nu.
Lµ-5. Broutille. Avec 400 sportifs et autres illustres inconnus, l’écrivain Michel Houellebecq vient d’être fait Chevalier de la Légion d’honneur. Lui reconnaissant d’exceptionnelles qualités, une lucidité aiguë dans sa vision de la société occidentale, je suis déçu. C’était, sous les ors du Palais, la fournée de janvier. Un jour sans doute proche, reçu sous la coupole, il marchera vers l’éternité avec une épée de bois au côté et un bicorne sur la tête, démentant toute son œuvre dans un dernier ridicule.
Lµ-6. Poursuivons dans les eaux houleuses de la littérature parisienne. Dominique Noguez proteste : les jurés du prix Goncourt de l’an passé n’ont pas voulu du roman d’un excellent écrivain (Le Lambeau, de Philippe Lançon). C’est qu’il s’agissait d’un « récit », et non pas d’une « prose d’imagination », laquelle tenait seule à cœur aux créateurs du prix. M. Pierre Assouline, esprit pourtant peu renommé pour l’ampleur de ses vues, en fait le rappel incontestable. L’argumentation de D. Noguez s’appuie sur les exceptions que furent certains prix Goncourt précédents : Le Feu, d’Henri Barbusse et L’Amant, de Marguerite Duras (autobiographie déguisée). Le raisonnement est juste mais faible par l’exceptionnalité même des textes en question et le souhait d’« égalité des chefs-d’œuvre » à quelque genre qu’ils appartiennent. Pour ma part, je considère que de nos jours, en ce pays d’écrivains, les récits de toutes sortes, les autobiographies grimées en « autofictions » ont envahi les tables des libraires au détriment des romans d’imagination et fictions véritables, lesquels peu ou prou tombent dans une relative déshérence. Or le genre de la « fiction » littéraire, qu’on ne confondra pas avec le « fantastique », traduit le réel dans un langage détourné, l’aborde par d’autres voies, le met parfois en examen, ouvre piste et perspectives insoupçonnées à l’esprit perspicace… Il me semble que le mensonge contamine de nombreux récits quand beaucoup de vérités s’énoncent dans les romans d’imagination. Avec ou sans prix littéraire, le chef-d’œuvre éclate parmi les œuvres moyennes. D’ailleurs, ce débat a-t-il mieux qu’une importance relative ?
Lµ-7. Aphorisme impromptu sur mes recherches du temps perdu. Le lointain est proche ; le proche est déjà lointain.
Lµ-8. Ces « chroniques » s’écrivent facilement, trop peut-être, dans le plaisir parfois, plus souvent dans le déplaisir des cacophonies que le monde m’invite à écouter. Les bruits de la société répercutés par la machine médiatique se changent en bruitages inaudibles. Comme si chacun parlait en même temps que cent autres bavards. Le plaisir, c’est d’en détacher les filets comme sur une carcasse de pintade, les épigrammes d’ortolans, des filaments, des aiguillettes… puis de les étudier, vite, un peu, pas trop, de les cuisiner en reliefs, les épuiser enfin, puis de se faire marchand d’oublis.
Les publier ici, dans La Cause, est mon premier et dernier devoir : premier, car si mon temps s’intéresse peu à moi, je considère que c’est mon devoir de le scruter, fût-ce avec mes faibles lunettes de myope. Dernier devoir, parce que le moment approche où les fictions qui m’ont tant retenu ne me retiendront plus ou à peine, et que, restant le mari inconstant mais aimant de la Poésie, je penche vers ce qui me reste d’heures, vers mon dernier bien. Parce que des années durant je ne l’ai visité, ce temps, qu’en touriste inculte et distrait. Je n’en ai rien compris de façon claire, il m’ennuyait si souvent, n’y ayant éprouvé que des plaisirs de passage, avec de puissants déplaisirs que je ne cherchais pas à nommer, à examiner. Je tente de m’y employer désormais, sans doute un peu tard.
Un peu tard, oui, et non sans maladresse. Je n’ignore pas que je peux lasser, et que je lasse clairement par mes obsessions, et singulièrement par mes nasardes et avertissements dirigés contre une superstition d’essence fasciste, pétrie de haine et d’intolérance, celle qui nous menace aujourd’hui dans nos personnes et en tant que société chargée de passé et de traditions qui lui ont donné ses formes, ses mœurs, son pas. Tout ce que nos concitoyens, pour une majorité d’entre eux, acquis à la paresse d’esprit, au consumérisme, au futile, aux jeux… ne veulent ni voir ni entendre. Il m’arrive d’en délaisser le centre littéraire qui est, avec l’Amour, la seule justification de mon existence. Amour ? Oui, amour du monde qui m’a fait naître, m’a formé et éduqué dans l’amour du différent. Je poursuivrai donc dans cette voie de la dénonciation de l’intolérable, voie que j’emprunte depuis quelques années, et cela en dépit d’une faible audience que je ne cherche pas à élargir, en dépit de l’isolement où je suis, certes difficile à souffrir, mais garant de ma liberté de penser et de dire. Il ne me paraît pas excessif de parler ainsi de ma personne en ce début d’année. Je m’autorise cet écart en promettant de ne pas abuser d’un procédé qui rompt le fil de la « chronique ».
L-9. Gilets Jaunes. Anecdote significative. Irrités par « l’enlèvement » (20 heures ?) en pleine rue Royale, d’Éric Drouet, personnalité et personnage controversé du mouvement, un homme qui sans aucun doute a « programmé » et presque mis en scène son arrestation, entreront demain (le 6 janvier) dans leur huitième samedi de manifestations (déclarées cette fois-ci) dans Paris comme dans tout le pays. Cette reprise d’un combat qui semblait aller vers une trêve de fin d’année est due en premier lieu à l’arrogance du pouvoir qui offre à son propre peuple la vitrine de son triomphe immodeste, et à la violence qu’il voit dans l’arrestation d’Éric Drouet le silence de la garde-à-vue. Ce dernier, bien sûr, avait déclaré vouloir investir le Palais de l’Élysée et « choquer » les populations. Je vois dans ces rodomontades l’aiguillon propre à exciter la grosse bête appelée Exécutif ! Manœuvre simple mais parfaitement efficace : la bête, furieuse, fonce droit dans le chiffon rouge. L’arrestation de gens qui marchaient sur les trottoirs, n’étaient pas revêtus de leurs gilets et allaient rendre hommage aux victimes des derniers événements m’a plus qu’agacé et j’ai cru y voir le premier pas vers une dictature à la vénézuélienne. Depuis lors, je me suis ravisé : ce n’était que la pointe de la chaussure dans l’entrebâillement de la porte. Bien sûr, cette manifestation qui n’en était pas une, n’avait pas été « déclarée » comme l’exige la réglementation : l’Exécutif se jette sur l’occasion pour exercer son oppression légale que l’on peut lire comme une vengeance, occasion qui signe aussi le piège tendu par Éric Drouet au pouvoir. Je me suis aussi rappelé que, le 14 juillet 1789, les émeutiers du Faubourg Saint-Antoine n’avaient fait aucune déclaration préalable (bien entendu, les réglementations étaient différentes) avant de prendre la Bastille, de massacrer les gardes-françaises, suisses et allemandes qui leur en interdisaient l’accès, puis de décapiter le gouverneur De Launay en pleine rue après avoir saisi toutes les armes cachées dans la prison. Les Gilets Jaunes reprennent donc leur combat, et sans que l’on ait à s’en réjouir outre mesure, on peut trouver que la chose répond à la logique des combats.
Lµ-10. Débris, vestiges, décombres et plâtras. On prévoyait, il y a quelque temps encore, une trentaine d’années pour que les grands et petits événements du jour entrent dans les brouillards de l’oubli, où bien s’installent dans les mémoires : Stendhal ne se donnait-il pas trente années de purgatoire ? De nos jours, un petit mois suffit pour que le passé proche disparaisse dans les bennes à ordure de l’époque. Des écrivains attendent dans leur tombe, tout tremblants, leur résurrection. Ils ne peuvent savoir qu’elle n’aura jamais lieu : on ne lit plus de livre (trop difficile, sans images pour donner corps et forme perceptible aux mots de la tribu !). L’album imagé, la bande dessinée sont devenus les premiers supports de la vente en librairie ; tout le reste, en littérature notamment, périclite en douceur. Il y a une quarantaine d’années, déjà, je m’étonnais fort de voir des adultes, couchés aux pieds des rayonnages des libraires (à la FNAC), deux albums sous le coude et un troisième sous les yeux. Je souffre aujourd’hui à la pensée que ses instituteurs demanderont à mon petit-fils et à ses congénères, de consacrer un quart d’heure quotidien à feuilleter des albums divers, qu’ils appelleront « livres » ou « lectures », afin de ne pas paraître entièrement détachés d’une forme très ancienne de la culture.
Pascal déjà ne savait que faire ni que penser du célèbre péché originel. Cet univers où nous sommes plongés ressemble à l’exil d’un Paradis qui n’a jamais existé. Une illusion qui prolonge celles des petites affaires quotidiennes. Elles me donnent le vertige, parfois la nausée, souvent sommeil et dégoût. J’aimais écouter la radio, je ne le puis plus : une violente envie me prend de vomir les escrocs et leurs escroqueries, les menteurs professionnels de la politique et de la finance. Il m’arrive de tituber sous l’avalanche des bavardages, de tomber de tout mon long sans pouvoir me relever. Je touche le fond. Jusqu’à l’envie parfois de tirer ma révérence. On hésite cependant à donner ce plaisir.
Le 25/I/2019
µ-11. Le maître Macron improvise ses classes de redressement des consciences morales et économiques dans différentes villes de France. Récemment dans la Drôme, devant des publics de maires et de fonctionnaires locaux, publics assoupis ou en pleine digestion. Ces cours sont magistraux et tels que les étudiants les rejetaient en Sorbonne en mai 1968. Le professeur Deloffre ne fut pas d’accord et croqua l’oreille d’un étudiant. On le condamna à prendre sa retraite et à manger du chou jusqu’à sa mort. Quant au professeur Antoine Adam, il se retira dans une maison de repos où il consacra ses derniers jours à la lecture de romans policiers. Ses cours sur le XVIIIe siècle et Marivaux étaient proprement géniaux : l’imbécillité étudiante n’y gagna qu’à mariner encore dans son ignorance. C’étaient les prémisses de ce qu’il me faudrait appeler, cinquante ans plus tard, le Jivaro-Progressisme. Mon inquiétude : quelle sera la réaction du vain peuple de ceux que M. Macron n’a pu, récemment encore, s’empêcher de désigner comme « ceux qui ne sont rien », lorsque ces gens de rien se rendront compte que ce « Grand Débat National » lancé à son de trompe aura fini de tout leur enlever, qu’il ne fût que rideau de fumée et manière de faire passer le temps, de calmer ? L’Exécutif, phalange macronienne en tête, n’a-t-il pas déclaré que le cap des grandes réformes serait maintenu. Une rage noire, je le suppose, en surgira. Ne reste qu’à attendre et à voir.
µ-12. Les Gilets Jaunes n’ont pas lâché nos rues. Ils défilent pacifiquement, notamment à Bordeaux, Évreux et Paris. Les « casseurs » les suivent comme leur ombre maléfique. Eux-mêmes, pour avoir « déclaré » dans les préfectures leurs manifestations, seront maintenus toute la journée dans ces circuits clos, « nassés » comme ils disent, dans l’impossibilité de véritablement manifester par conséquent. Dès que l’un fera un pas au-delà de la ligne autorisée, il sera menacé de recevoir une balle de Flash-Ball d’un modèle particulièrement dangereux (*). Les véritables casseurs s’éclipseront comme d’habitude avant la fin des réjouissances. Tout sera dans l’ordre du désordre, soit l’ordre dit républicain. J’allais oublier que pour s’opposer encore aux Gilets Jaunes, devraient apparaître de nouveaux manifestants : les foulards rouges. Le peuple aura bien du mal à se désengluer de tant de mépris. Je souhaite qu’il aille au terme de son propos, à la mise cul par-dessus tête des troupes antisociales. Pour peu que ressuscitent « les dames aux chapeaux verts », la fête sera aussi colorée qu’à Rio et Copacabana. J’espère que dans sa tombe, Mme Germaine Acremant se réjouit d’entendre ce joli vacarme.
(*) Le fait n’a pas manqué de se produire avec, sur la place de la République, la grave blessure à l’œil d’un lieutenant d’Éric Drouet, Jérôme Rodriguez.
µ-13. Nous allons rapatrier en France ces 130 malheureuses qui gagnèrent la Turquie, puis la Syrie, à la suite de leurs maris, notoires diminués mentaux voués à Allah et au crime. Elles et eux nous avaient déclaré la guerre. Elles traînèrent là-bas leurs enfants, où les y firent. Ils ont aujourd’hui de 5 à 10 ans. Ils sont innocents des armes que leurs firent porter leurs géniteurs écervelés, des horreurs auxquelles ils les firent assister, et peut-être participer. Ces barbus criminels sont morts aujourd’hui, grâce à Dieu ! – quoique quelques-uns nous reviendront aussi. Leurs enfants seront « des bombes à retardement » a déclaré le procureur Molins. Leurs mères seront jugées, certes, mais par ces dames du Syndicat de la Magistrature : on les condamnera donc à cinq années de prison (ne sont-ce pas de bonnes et respectables musulmanes ?), elles n’en feront que trois (leurs pauvres enfants les attendent !). Alors elles transpireront la haine, une haine qu’elles transmettront à leurs enfants après avoir juré de se repentir (ce que l’usage de la takya les autorise à ne pas faire) : une haine qu’elles voueront à la France qui leur aura évité la peine de mort quand les fossés de Vincennes, prévus pour les traîtres en temps de guerre, leurs offraient le seul pardon possible.
Michel Host
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